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La PMA passera avec ou sans la République

La PMA passera avec ou sans la République

Les voix en lutte pour la PMA existent, nous sommes nombreux·ses à réclamer l’égalité dans la procréation. Pourtant, le raz-de-marée de protestations que j’attendais suite au rejet des articles 1 et 2 du projet de loi Bioéthique au Sénat n’a pas surgi. Sommes-nous trop peu hargneux·ses ou sommes-nous inaudibles ? Qui pour me transmettre l’histoire des luttes en faveur de la parentalité lesbienne ? Face à la carence de récit, je vous en propose mon histoire.

2017, Emmanuel Macron déclare à Causette : « Le fait que la PMA ne soit pas ouverte aux couples de femmes et aux femmes seules est une discrimination intolérable. » Tiens, une conviction, choyée comme un petit miracle. Donnons-lui ça les copines, Macron a bien le mérite d’être progressiste, moderne et dans son temps. On dit même qu’il se la fait mettre de temps en temps.

Le début de mandat sentait bon pour les lesbiennes. Pas besoin de s’organiser, de se visibiliser et de s’exposer pour combattre la MPT (aka Manif Pompez-vous Tous), elle s’endort d’elle-même face au leurre Macron, notre enfant de chœur, charmante tête blonde aux yeux bleus, qui en même temps savait bien parler aux catholiques des racines chrétiennes du vieux continent. Il se chargerait lui-même d’apaiser la MPT de sa belle voix grave et de son regard innocent tandis qu’il rajouterait simplement le wagon PMA au train de la loi Bioéthique (pas express non plus le train hein, c’est plutôt l’autocar de remplacement qui roule au mazout). Surtout il ne fallait pas politiser, on ne fait pas de politique ici, on ajuste le droit aux mœurs et aux mentalités d’une société majoritairement favorable (les sondages le disent) à cette mesure. Qui a parlé de politique ? Poliquoi ? Oui poli, ça toujours. Bref, déjà à l’époque : personne ne s’est battu pour les trans.

En 2018, on a une promesse : « La PMA sera promulguée en 2019. » En 2019, à l’Assemblée nationale, la loi Bioéthique s’extirpe difficilement de la pile des sujets à traiter et entre à l’ordre du jour, avec la PMA. D’ailleurs, heureusement que la PMA était dans le paquet bioéthique, sinon je pense qu’elle serait toujours coincée dans la pile. Elle est discutée. J’écris un article sur le sujet. Voilà, je suis lesbienne et la PMA arrive, c’est une question de mois. Je vais pouvoir mener une vie normale : me marier un jour et faire des enfants.

En 2020, j’ai pensé que la PMA avait été promulguée. Si elle ne l’était pas, c’était un simple retard-situation-sanitaire. J’avoue ne m’être pas renseignée, et les médias ne s’y sont pas non plus intéressés. Je disais même : « on a la PMA maintenant », sur le ton de celle qui préfère nier l’homophobie, ne pas la voir ni l’entendre, pour éviter la politisation et le combat (à l’ancienne : « Je suis pas lesbienne, je suis juste amoureuse d’une meuf »). Et puis, en 2020, j’ai commencé à m’identifier de moins en moins comme lesbienne et de plus en plus comme une gouine trans. Par ailleurs, pour la première fois est né chez moi, avec une vitalité dont je fus la première étonnée, le désir d’enfant·s. J’essayais de calmer le feu de mes questionnements identitaires. Je savais qu’en tant qu’homme trans, je ne pourrais sans doute jamais accéder à un parcours de PMA institutionnel. 

On arrive à ce 3 février 2021. La loi est au Sénat. Avant-dernière étape d’une lente et laborieuse navette parlementaire. Ah oui parce que non, pendant tout ce temps, les femmes n’avaient PAS la PMA, elles continuaient à renoncer à leur projet parental ou, si elles en avaient les moyens, allaient faire une PMA à l’étranger, à leurs frais. Quelques héros et héroïnes réussissaient à faire des enfants. On ne les entendait jamais. Sauf, précisément, alignement mystérieux de calendrier, ce 3 février 2021, sur France Culture, où Ali et son compagnon François racontaient la transernité de ce premier avec flamboyance. J’en restais abasourdi·e, regard hagard, mon corps chargé d’une présence vibrante et puissante.

Dans la même journée, le Sénat retirait de la loi la PMA pour les femmes seules. Qui pour les défendre ? Oh pas grave, elles feront semblant d’être lesbiennes avec une copine. Dans la nuit, le Sénat supprimait l’article 1, la PMA pour les lesbiennes. Qui pour les défendre ? Oh ce n’est pas grave, l’Assemblée nationale va rétablir tout ça.

Quand ?

Et quid des trans ? Késako, les hommes enceints et transernité ?… hein ? À la trappe les enfants de trans. Un bon enfant est un enfant sous autorité morale et sexuelle d’un père hétérosexuel (un père avec de vrais couilles). À quoi ça ressemblerait une société sans enfants soumis, violentés et incestés ? Je le redis, personne n’a parlé d’égalité. On a parlé d’image et de communication d’un président cul béni (ah ça !) ET moderne.

Qui pour dédommager des enfances volées ? Des parentalités volées ? De la candeur volée des jeunes queers traînés dans l’homophobie de la MPT, forcés à la haine d’eux-mêmes ? Du respect volé aux femmes par une poignée de sénateurs arrimés à leurs privilèges ?

Le lendemain du 3 février, le sujet PMA émerge à peine et sur Twitter, Ali est l’objet d’un torrent d’insultes et de mots dont je ne parviens pas à restituer la violence. Je vacille.

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Personne n’a défendu les trans. Puis personne n’a défendu les femmes célibataires. Puis personne n’a défendu les lesbiennes.

Cela nous rappelle cette loi universelle : la dépolitisation ne sert que les gouvernants, des hommes blancs hétérosexuels cisgenres qui, s’ils ont des convictions, n’ont pas de courage.

Il est temps 
de se remobiliser comme forces politiques, 
de crever les affreuses constructions gonflables de la MPT, 
d’apparaître, manifester, gueuler, brandir le poing
d’inquiéter,

et d’organiser des centres de procréation autonomes,
en alliance avec les pédés qui signent une tribune pour donner leur sperme aux meufs, 
de créer une banque du sperme queer,
de renforcer nos dissidences.

Parce qu’on a beau nous reprocher l’anti-républicanisme, c’est la République qui n’a jamais voulu de nous.


Image à la Une : @dincchh

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