Jeudi dernier, j’étais au vernissage de l’exposition Là où nous sommes, regards d’artistes sur l’anthropocène organisée par marcel., association étudiante pour l’art de l’Université Paris-Sorbonne. Présentée à la Galerie Passerelle, au sein de l’Université Pierre et Marie Curie, jusqu’au 19 février, l’exposition et ses organisateurs vous invitent à une réflexion sur l’impact de l’homme sur son environnement – dans la lignée de la COP 21. Les jeunes artistes invités pour cette exposition abordent chacun à sa manière les gestes que l’homme impose à la nature, proposant ainsi une vision poétique des questions liées au climat.
Pour échapper à la cohue, je m’avance vers le fond de la salle en premier. Derrière un rideau de velours noir, l’artiste Renaud Baur nous offre une plongée dans les fonds marins. Son installation Créatures du Technocène (2015) est composée de LED plongées dans des tubes remplis d’eau… et pourtant tout évoque le vivant, les plantes aquatiques ou les créatures mystérieuses qui peuplent les fonds marins. S’interrogeant sur les formes de vies qui émergeront sur une planète plus chaude ou dans des océans plus acides, Renaud Baur propose « une lecture prospective des changements à venir, du choc entre technologie et biologie, de leur hybridation inéluctable ».
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En sortant, je tombe sur une étrange installation composée de sacs apparemment en plastique étrangement colorés… Il s’agit de Sacs 2000 du duo Zoé Wirgin et Joanna Prunes, toutes deux diplômées de l’École Duperré. Une vidéo, projetée sur ces fameux sacs, revient sur le processus de création de cette installation. Car les sacs ne sont pas en plastique, mais en boyaux de porcs récoltés, tannés, travaillés, teintés… L’objet, archétype de la société de consommation, incarnant toutes les dérives qui lui sont associées, vient questionner notre rapport à l’environnement, à la consommation en général et au recyclage. Même les rebuts les plus répugnants que nous rejetons peuvent trouver une utilité, être transformés pour créer de la beauté.
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Un peu plus loin, les photographies de Ekaterina Vasilyeva établissent un inventaire de barrières et clôtures qui séparent les espaces verts de l’espace urbain à Moscou. Ces barrières obsolètes, partiellement détruites ne peuvent contenir la nature qui reprend progressivement ses droits. En écho, les peintures que Laure Rafélis de Broves réalise à partir de vues Google Maps soulignent l’absurde bleu azur des piscines californiennes au milieu du désert, dans cette région qui souffre de graves sécheresses. En contrepied, Antoine Geiger présente son projet architectural Hutukara fondé sur l’organisation sans hiérarchie des villages de la communauté amazonienne des Yonamami.
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À côté, sur un socle blanc, Thomas Tardivo a déposé un morceau de bois de castor (voir la photo en couverture de cet article). Un autre bois est présenté dans une vitrine. Aucune intervention de l’artiste sur le bois, Thomas Tardivo ne fait que mettre en lumière le travail incroyable des castors qui sculptent le bois afin de pouvoir construire leurs fameux barrages. Dans son installation Formes et Matières, qu’il réalise de façon continuelle depuis 2007, il rassemble toutes sortes d’objets naturels, morceaux d’écorce, ossements, pierres… Au-delà de l’aspect esthétique, l’artiste nous invite à réfléchir au regard que nous posons sur l’environnement. Autre vitrine, autre artiste – il s’agit de Cécilia Breuil. Ici, elle présente des petits osselets, comme les composantes d’une immense colonne vertébrale. Leur aspect luisant m’interpelle, est-ce de la cire ? Pas du tout, il s’agit de pâte d’amande. Dans une installation intitulée Mangez ! Ceci est mon corps ! et précédemment présentée à la Galerie Le Purgatoire en avril 2015, l’artiste avait disposé ses osselets de pâte d’amande sous la forme d’un banquet et invitait le visiteur à les manger. Ici, ce sont les restes de cette installation, maintenant enduits de vernis, qu’elle présente épinglés dans une boîte à la manière de papillons ou d’insectes.
Avant de repartir, je m’arrête devant la vidéo d’Hicham Berrada. Dans sa série Présage (2007-2015), l’artiste fait réagir dans un bécher différents éléments. La matière se transforme et fait advenir des formes, comme un paysage qui naîtrait sous nos yeux, sans cesse en mouvement, en constante évolution. Cette mise en scène de la nature « activée » par l’homme, nous ouvre les yeux sur notre propension à vouloir toujours maîtriser la nature qui nous entoure, à lui imposer nos transformations au rythme de nos besoins toujours plus grands. Si elle est scientifique, la vidéo d’Hicham Berrada est aussi, et surtout, d’une grande poésie.
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Des médiateurs, membres de l’association marcel. et étudiants, sont présents tout au long de l’exposition pour vous guider à travers cette exposition – ouverte jusqu’au 19 février.
Retrouvez toutes les informations pratiques sur la page Facebook de marcel. >>
Et pour avoir un aperçu en vidéo de l’exposition c’est par là >>