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La bulle homoérotique de @reveparty

La bulle homoérotique de @reveparty

A travers les images distillées sur le compte instagram @reveparty, se déploient des mondes sensuels tout en allusions où un simple paon et une figue de Barbarie prennent une portée suggestive. Influencé par des univers porno, Christopher Barraja, conçoit des images érotiques qui prennent sens dans les esprits qui les regardent et les actionnent. Pour ce niçois installé à Paris, l’hétéronormativité qui régit les cultures visuelles mainstream n’a plus sa place au XXIème siècle. 

Pas de poses lascives ou de regards licencieux pour nécessairement provoquer le désir. @reveparty aime suggérer. L’imagination permet des degrés d’appréciation différents de ses images où l’amour, le désir, le sexe se vivent au rythme des chansons de Shauna Sand, Nino Ferrer ou Aqua. Et toujours en été.

Manifesto XXI – Que peux-tu nous dire de toi ?

@reveparty : J’ai 24 ans, j’ai une moustache, et j’aime les cravates. Je crois que mon intérêt pour les cravates est venue avec mon obsession pour les uniformes. Policier, marin, banquier, tous ces tenues me fascinent. Peut-être par rapport à leur présence récurrente autour de moi, ou dans les pornos plutôt. 

J’ai fait un AVC à l’âge de 19 ans qui m’a temporairement enlevé la capacité de communiquer. Je me suis alors mis à regarder les choses inanimées, à essayer de comprendre ce qu’une constellation de chewing-gums sur le trottoir pourrait vouloir dire.

@reveparty
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Un simple tronc, un mât, une bouche d’évacuation, l’écume d’un mollusque… Pourquoi accordes-tu autant d’importance à des détails qui n’ont apparement rien de sexy ?

Avant d’étudier la photo et la vidéo à l’école des Arts Déco de Paris, j’ai passé pas mal de temps hospitalisé. Cet évènement a changé le rapport que j’entretiens avec les gens et les choses que je vois. J’ai fait un AVC à l’âge de 19 ans qui m’a temporairement enlevé la capacité de communiquer. Je me suis alors mis à regarder les choses inanimées, à essayer de comprendre ce qu’une constellation de chewing-gums sur le trottoir pourrait vouloir dire.

Peut-être qu’elles aussi essayent de communiquer avec nous et n’y parviennent pas. Comme moi à l’époque. Cela m’a conduit à être d’autant plus vigilant aux détails. À être plus ouvert. À profiter des petites choses.

En été par exemple, ma saison préférée, on organise des mariages entre amis. On se réunit tous dans mon jardin à Nice pour unir deux amis et lancer une grande fête avec tout plein de rosé et d’amour. Ce que j’apprécie tant dans ces moments-là ; être avec les gens que j’aime. Maintenant. Parce que: « Life is like a dick. Sometimes it gets hard for no good reason ». C’est pour ça que je prends des photos. Pour ne pas oublier.


Alexandre et Thomas, Nice 2020

Après avoir grandi à Nice, tu pars étudier à Paris. Comment définis-tu la scène parisienne LGBTQI+ dans laquelle tu évolues aujourd’hui ?

La scène LGBTQI+++ est indissociable de la scène créative dans laquelle j’évolue. J’y retrouve une sensibilité que je ne vois nulle part ailleurs. Venant d’un milieu plutôt hétéronormé, avoir pu grandir depuis, dans cet environnement plus ouvert, m’a permis de développer un regard plus personnel sur les choses. On organise les meilleures soirées, où on ne se cache pas, où on s’en fout. Ces 5 dernières années n’ont été qu’un grand été pour moi. Baignant dans des eaux hyper créatives et dynamiques, les paroles de Nino Ferrer « On aurait pu vivre plus d’un millions d’années, et toujours en été » décrivent plutôt bien ma vie en leur présence.

En les regardant, j’imagine des intrigues, un peu comme la scène d’ouverture d’un porno gay.

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À Paris, tu commences à développer cette « bulle homoérotique ». De qui, de quoi, est-elle constituée et quel rôle y joues-tu ?

Cette bulle est le monde sur-mesure que je me crée ; il n’y a pas une bulle précisément, je parlerais plutôt d’un bain moussant. C’est un bain d’images spéculatives et de rôles que j’attribue aux gens, comme les hommes. En les regardant, j’imagine des intrigues, un peu comme la scène d’ouverture d’un porno gay.

C’est très drôle dans ma tête. Je m’ennuie rarement. Je deviens alors, en quelques sortes, le réalisateur de ces films terriblement courts. Des inconnus, des potes, les possibilités sont infinies. Ça marche encore mieux pour les gens en uniforme ! Je suis constamment dans un grand casting dont je suis le directeur. Je les photographie, et j’en fais l’espace d’un instant mes Stars. Comme dirait Shauna Sand, aka Geny G, « Everybody Wants 2 B a Pornstar ».

Dans ce bain moussant homoérotique, rares sont les corps simplement et ouvertement nus. Comment parviens-tu à donner ce caractère kinky à tes vues de mer ou d’oiseau ?

On retrouve des caractères humains dans tout. Les paysages, les objets, les regards, tout peut être interprété à des degrés de lecture différents. C’est ça qui est si bien dans la photographie. On y voit ce que l’on veut ! Pour moi, les vues de mer font référence au cruising. Ces lieux en apparence innocents, mais qui, secrètement, sont le terrain de jeux des regards et des fantasmes gay. 

J’aime créer des tensions entre les images ; rapprocher des éléments qui n’ont en apparence rien à voir, mais qui, une fois en contact se chargent d’un tout autre sens. J’aime l’absurdité, les analogies, qu’elles soient formelles ou textuelles. Je suggère des choses, plutôt que de les offrir explicitement.

Je trouve ça drôle de conjuguer une photo de mec qui remet son short avec une photo d’oiseau dressé, plutôt que d’utiliser deux images de garçons. Quoique…

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Dans ces scénettes d’amour et de sexe, quelle place tient la musique ?

Je retranscris ce que j’entends à l’image ; des sons des années 2000 aux années 80, en passant par des musiques de films ou de séries. Je ne pourrais pas m’imaginer en shoot sans le monde supplémentaire que la musique ajoute à la photo. 

L’été dernier, sur les rochers du Cap Ferrat, je photographiais mon frère et une amie. Il faisait chaud, on transpirait tous, mais il me fallait la photo parfaite. Ils portaient des maillots de bains noirs, tenaient des harpons et leurs visages affichaient les couleurs du soleil. Je passe Barbie Girl de Aqua. Et là, iIs rentrent dans leurs personnages. Un groupe de touristes qui passait par le chemin en amont s’était agglutiné pour regarder la scène. Trop absorbé par la musique et les photos, je ne m’en suis rendu compte qu’une fois que le regard de mes modèles s’était détourné, d’un air gêné. 

Tu empruntes des codes aux cultures visuelles populaires, que tu détournes à ta sauce. Comment fonctionne ton processus de catalogage graphique ?

J’adore archiver tout ce que j’aime ; des livres et vieilles revues des années 70 et 80, des films aux posts Instagram. Mes collections se composent des dossiers Boys Boys Boys (en référence au chef d’oeuvre de Lady Gaga), le dossier Vamps, Corpcore, Riot, et plus récemment Covid-20. Depuis la suppression du contenu explicite sur Tumblr, la sauvegarde des images est devenu une activité importante de mon processus créatif. C’est ma mémoire en quelque sorte, et j’y tiens. 

Ton profil Instagram a été, par de nombreuses fois, menacé d’être supprimé. 

La censure des photos à caractère explicite sur Tumblr était déjà très regrettable. Mais ce n’est qu’une facette du monitoring constant dont nous, créatifs et personnes de la communauté LGTQB++++, faisons l’objet. Elle est tout aussi injuste sur Instagram, l’algorithme supprimant des images inoffensives mais avec une inclination gay. Cela devient très difficile de trouver des plateformes où s’exprimer librement est encore possible…

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