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Kap Bambino. Forever hypersensibles

Kap Bambino. Forever hypersensibles

KAP BAMBINO 2 manifesto21

Après six ans d’absence, le duo bordelais formé par Caroline Martial et Orion Bouvier est de retour avec l’album Dust, Fierce, Forever. Avec ces trois mots, Kap Bambino nous livre un album d’une beauté farouche.

Ces 13 titres pourraient bien ressusciter l’émotion pure ressentie lors de vos premiers concerts de rock ou vos premières raves. Unies par l’énergie légendaire du groupe, les chansons de Dust, Fierce, Forever forment un tout harmonieux d’accords survitaminés et d’arrangements électroniques, aussi vibrants que colorés. Kap Bambino semble avoir fait passer à travers son filtre sensible, toutes les émotions et rages de notre époque… pour n’en retirer que de l’énergie pure. On en retient quelque chose d’instinctif et viscéral.

Sa singularité musicale, le duo a encore bien du mal à se l’expliquer. Aux explications et analyses tangibles sur leurs morceaux, Caroline et Orion préféreront toujours laisser la place à notre interprétation. Tenter de comprendre le secret de Kap Bambino, c’est se laisser imprégner par la douce osmose entre ces deux êtres, la petite blonde menue comme une poupée, et le grand brun un brin ténébreux.

Manifesto XXI – Ce titre d’album – Dust, Fierce, Forever – sonne comme un slogan. C’est beaucoup plus sexy que « Liberté, égalité, fraternité » et ce sont trois titres de l’album. Pourquoi ?

Caroline : Oui c’est notre slogan. C’est important pour nous, chaque nom de titre est hyper fort. Chaque signification nous est personnelle. Ce n’est pas que je ne veux pas la partager, mais je ne voudrais pas diriger les gens sur quelque chose parce que je crois que Kap Bambino est avant tout c’est un espace de liberté. Oui il y a un côté slogan comme dans le passé notre album Zero Life Night Vision. Ces trois mots, c’était ce ressenti fort que l’on avait pour cet album. Après j’espère que les gens vont se l’approprier.

C’est la première fois que vous prenez autant le temps pour composer ?

Caroline : Oui en fait ! Ça fait quelques années que l’on a ce groupe et on a beaucoup été sur la route. C’est la première fois qu’on peut faire de la musique sans avoir 1 ou 2 concerts par semaine. C’était nouveau pour nous de travailler comme ça. Ça nous a ramené au tout tout début, on n’avait plus l’habitude. On n’a jamais composé sur la route, on a besoin d’être chez nous et là en l’occurence c’est chez Orion. A un moment ça fait du bien de se focaliser sur un truc. Bouger pour aller jouer, c’est générateur de stress.

De quoi vous êtes-vous nourri pendant cette période ? L’album dégage quelque chose de très fort.

Caroline : On est deux hypersensibles. Oui on vibre, et vu qu’on vibre même très facilement il y a tout de suite une puissance qui est générée, notamment par ce que fait Orion avec les machines. Moi j’essaie de l’habiter, de porter le truc. On n’a jamais arrêté de faire de la musique ensemble pendant ces six ans parce que cette association est comme ça, on est mentalement comme ça. D’avoir pris le temps de faire de la musique, on n’a pas beaucoup bougé mais on a été touchés par tout comme tout le monde. Forcément ça habite notre musique. Sans avoir voulu prendre un chemin particulier.

Orion : On ne colle toujours pas au truc ! (rires)

Comment vous le pensez ce truc très syncrétique, ce mix unique de rock et d’électroniques, qui fait votre musique ?

Orion : Oui c’est ce qu’on nous dit mais ce n’est pas vraiment fait exprès. On ne pense pas à faire quelque chose de précis, on ne se met pas en condition. On a tenté d’autres trucs, d’autres façons de faire sans que ça ne marche vraiment. Même quand on essaie de faire quelque chose, ce n’est jamais d’inspiration totale mais toujours à notre façon. Vu que ça faisait un moment qu’on n’avait pas sorti d’album, on aurait pu changer radicalement. Faire de l’expérimental sans rythme. On était à deux doigts de le faire. (rires)

Caroline : Du coup on a réussi à faire quasiment trois albums.

Orion : Oui, on n’a pas pris tout ce temps pour ne faire qu’un album. On a fait plein d’albums et on a choisi là-dedans.

Caroline : Ce sont des productions de 2018. Mais pendant toutes ces six années où on s’est absentés, on a continué à faire de la musique ensemble toutes les semaines vraiment. Et il a fallu tout ce temps pour faire Dust, Fierce, Forever.

Dans l’album on peut entendre des couleurs et des influences différentes. “Europa” par exemple est-ce que ce sont des inspirations d’eurodance ?

Orion : Ah ! Je ne pense pas du tout, enfin pas sur ce morceau-ci avec sa fin presque rap.

Caroline : Oui on était plutôt sur quelque chose d’oriental, de présent en nous. Bon toute façon, on ne sait pas tellement parler de notre musique alors on ne va pas s’inventer un truc ! (rires) L’eurodance je n’y connais rien mais j’aime bien danser dessus.

Orion : C’est vrai qu’on nous dit souvent eurodance, il doit il y avoir quelque chose… Sachant que c’est à la base de l’italo disco, moi ça me va.

Qu’est-ce que vous écoutez d’ailleurs ?

Orion : De tout.

Caroline : Oui c’est ce qui est chiant avec nous. On a eu envie d’appartenir à une famille à un moment, parce que c’est compliqué d’être outsider tout le temps. Mais en fait, on écoute trop de choses différentes.

Qu’est-ce qui vous plaît généralement ? Au-delà de l’aspect cyclique de toutes les tendances musicales, parce que l’eurodance et l’italo reviennent à la mode en partie.

Caroline : Je crois qu’en fait moi j’ai toujours été larguée. (rires) Honnêtement je ne sais pas ce qui se fait. Je suis une amoureuse alors c’est au coup de coeur pour tout. A un moment donné j’ai même réécouté des vieux trucs comme du Arthur Rousset, alors que rien à voir. Par contre je n’ai aucune envie d’écouter ce que j’écoutais il y a quatre ans. Ce qui ne m’empêche pas de faire un grand écart total à écouter une prod en rap et l’apprécier. Je crois que ça va aussi vite que dans ma tête, je vais de choses en choses et parfois je me surprends même à écouter des tracks de classiques. Mais je ne me situe toujours pas dans quelque chose.

Orion (rit) : Oui je suis pareil.

C’est pour ça aussi qu’on ne s’exprime pas politiquement, parce que je pense que tout est dans notre musique déjà.

Cet album est très dansant. Est-ce que le club tient une place importante dans votre création ?

Orion : Non.

Caroline : Non, et depuis le départ. C’est une catastrophe, on ne va pas en club et le plus de fois où on y est allés c’est parce qu’on jouait. J’adore ça, mais c’est difficile d’avoir une musique satisfaisante pour ta bande-son de soirée. C’est un vrai métier de sortir, trouver le DJ qui plaît, avoir acheté ta prévente… Du coup je suis très mauvaise, mais je sors je te rassure ! Dans notre musique on s’adresse à tout le monde. Peut-être que je me plante, mais cette musique elle n’est pas formatée pour le club. Elle peut être très bien pour aller bosser, et j’espère ! Si on a réussi à faire ça ce serait génial, parce que ça veut dire qu’on ne ghettoïse pas et c’est quand même notre fer de lance. C’est pour ça aussi qu’on ne s’exprime pas politiquement, parce que je pense que tout est dans notre musique déjà. Justement il me tarde d’être en soirée avec tout le monde après la release, ça va être chouette.

Orion : Et puis j’ai l’impression que les gens en reviennent du clubbing, ils n’en peuvent plus du demi à 20€. Le clubbing lourd, un peu supermarché et obligatoire.

Caroline : Notre musique je n’ai jamais pu l’imaginer dans ce carcan, de salle de concert ou de club qui est déjà formaté. Ce serait génial d’imaginer de faire de la musique dans un cadre différent.

Quand tu dis que vous êtes des grands sensibles, c’est dans quelle mesure ?

Caroline : Oh je crois que tout peut nous rendre malade assez vite avec Orion. Il n’y a que dans la musique qu’on arrive à reprendre une respiration. Il n’y a que ça qui nous soulage, vraiment.

Je vais dire un truc insupportable mais j’assume, ma musique est un des rares trucs qui me soulage autant.

Orion : Auto-médication. (rires)

Caroline : J’espère que d’autres grands hyperactifs s’y retrouvent et qu’on peut les soulager.

Orion : L’émotion c’est toujours tout. Moi je suis émotif, une feuille qui tombe et hop… (rires)

Caroline : On est terribles, à fleur de peau.

C’est beau de réussir à faire de la transformation d’émotions, peut-être de colère, en choses positives.

Caroline : C’est incurable !

Orion : Nous sommes notre propre secte, auto-secte.

Caroline : En fait on est rarement en colère, on fait pleins de morceaux en étant dans une toute autre énergie. On n’est pas politisés mais on ne supporte pas l’injustice sur n’importe quel être vivant ou autre. Il y a pleins de choses dans ce disque, on est passés de phases d’euphorie à des phases de tristesse.

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C’est une tranche de vie, comme tous nos disques.

Ce n’est pas politisé mais c’est libertaire ?

Orion : C’est sûr que si on ne parle que musique, on n’est pas du tout dans un truc. Aujourd’hui ça fait moins “tâche”. On fait moins peur qu’avant et tant mieux ! Même si ce n’était pas le but à la base, en 2001 c’était chelou. En live les gens étaient surpris…

Caroline : Oui on n’avait pas tous les critères réunis pour mettre tout le monde d’accord, et tant mieux ! Pas de regret ! Cet espace, ce n’est même pas libertaire c’est un espace qui reste ouvert à être interprété par n’importe qui.

“False facts”, c’est une référence aux fake news ?

Caroline : Forcément oui il y a de cela derrière ce mot, mais avec de la distance. Je ne veux pas trop en dire, après ce serait difficile de rêver dessus. Ça reste un morceau dansant, moins noise. C’est notre façon à nous de pouvoir soulever des choses, sur le trop plein d’infos. Aujourd’hui il est difficile de passer entre les gouttes de certaines choses.

La voix est souvent mise à égale avec la musique dans cet album, on ne comprend pas vraiment les paroles sur certains titres. Pourquoi ?

Orion : Oui c’est quand même un élément moins important, moins mis en avant que dans d’autres musiques. Je rajoute pas mal d’effets.

Caroline : Non mais j’ai un très mauvais accent, comme ça on ne l’entend pas. (rires) Encore une fois c’est pour laisser une place libre. Quand on a commencé Kap Bambino, on n’avait pas cette envie de mixs FM avec des paroles… Ce qu’on voulait c’est avoir un tout indissociable. Je suis assez contente, même sur ce disque on préserve ça. Ça dépend des titres, sur Dust, Fierce, Forever il y a des chansons où il y a plus de respiration comme “Under the ages”. Tout ça est une histoire de compo et de mix.

Comment avez-vous choisi la couverture de l’album ? C’est une vanité ?

Orion : Non pas du tout, c’est une photo de mon salon. C’est nous qui l’avons faite.

Tu as un crâne humaine dans ton salon ?

Orion : Oui, c’est un copain qui me l’a donné. C’est pas si vieux que ça, c’est un truc médical. Je sais que c’est une femme.

Caroline : Ça a été trouvé sur un marché. Je trouve que c’est bien de rendre honneur parce qu’on ne sait pas qui c’est, et ça a dû appartenir à une époque où les crânes humains pouvaient circuler comme ça.

Orion : La photo est mixée avec une autre, un effet Google deep dream. C’est une technique qui mixe deux images et l’algorithme est supposé te faire un espèce de fondu. Là en l’occurence c’est un mix avec un plateau de mûres.

Pourquoi le choix de cette esthétique VHS pour le clip de “Erase” ?

Orion : Oh, par dépit ! (rires) On a tout fait nous-mêmes.

Caroline : En fait on s’est dit “Putain ça fait six ans qu’on ne les a pas emmerdés, comment revenir ?” Et certainement pas avec une méga prod derrière, en mode (voix de crooner) “Salut c’est Kap Bambino, le retour.” On avait envie de se remontrer tel qu’on est, faire un espèce de live pour vous comme si vous étiez dans le salon. Pour nous c’était évident qu’on devait revenir comme ça.

Orion : Pas de fioriture.

C’est drôle car c’est une tendance esthétique aussi. Vous êtes toujours pile dans votre époque, à votre façon.

Caroline : Peut-être. Peut-être qu’on est des outsiders et que de ne pas être rattachés à un mouvement – comme on n’en serait pas capables – ça permet d’être plus intemporel. J’espère. Parce que l’idée c’est vraiment la musique avant tout.

// Release Party le 25 avril au Trabendo //

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