Après un premier EP de 4 titres, John and the Volta a récemment dévoilé un long format, une plongée plus profonde au cœur de son intimité : Low Life. Le monde de John and the Volta est délicat. Il évoque mille images, mille sons oniriques dans un tourbillon nocturne. La voix, depuis l’EP, a progressé. Elle va plus loin, elle explore. La recherche d’esthétisme est plus poussée, toujours plus cohérente. Et, derrière la puissance de certains sons, se distingue un raffinement, une élégance sombre. Rencontre avec l’homme subtil derrière le projet.
Manifesto XXI – Est-ce que tu peux commencer par présenter ton parcours, ton évolution, ta formation ?
John : Je m’appelle John, mon projet s’appelle John and the Volta. J’ai commencé la musique adolescent, au collège. J’ai fait une formation de musiques actuelles et quelques années d’écriture classique. J’avais 17 ans, ce qui m’a permis de découvrir beaucoup de musiques différentes, de musiciens différents. J’ai eu des expériences de groupe jusqu’au jour où j’ai pris la décision de monter le mien, dans lequel je compose et je chante.
Tout à l’heure tu me disais que tu te destinais à être guitariste à la base.
Oui, mes études musicales, je les ai faites en tant que guitariste. J’étais un garçon très timide, chanter était totalement impensable pour moi. La guitare a été mon premier instrument, et m’a permis de rentrer dans ce milieu-là. Mes premières expériences je les ai eues en tant que guitariste, en studio ou sur scène.
Comment tu as évolué de ça à ce projet, qu’est-ce qui a fait que chanter n’était plus si impensable ?
Ça s’est imposé. Comme je te disais, j’ai joué dans beaucoup de projets en tant que musicien et je ne pouvais pas m’empêcher de donner mon avis sur les compositions, sur tout. Je me suis bien rendu compte que c’était impossible pour moi de ne pas avoir le mien, dans lequel je pourrai m’épanouir totalement. Le fait de chanter, pour répondre à ta question, s’est fait petit à petit. C’est aussi un combat personnel, c’est une façon de se dépasser, de pousser les murs.
J’ai vu dans d’autres interviews que tu mentionnes souvent Björk comme inspiration ; tu en as d’autres, pas forcément dans le domaine musical ?
J’aime tout ce qui est immersif. Côté cinéma, on parle beaucoup de David Lynch avec les musiciens du groupe. Musique et cinéma… J’allais te dire Carpenter, Nicolas Winding ou encore le travail de Sofia Coppola. Mais tu vois, les musiques sont à chaque fois tellement importantes dans ce genre de film. Elles épaississent un univers. J’ai besoin de créer des univers. Je crois qu’il y a des images qui ressortent de ce que je fais.
D’ailleurs pour ton esthétique visuelle, comment tu mets ça en place ? Pour tes visuels de pochette mais aussi tes clips, qui ne sont pas narratifs, qui sont assez atmosphériques.
C’est vrai que c’est souvent abstrait mais je fonctionne énormément à l’esthétisme. Pour moi ça peut être une raison suffisante. Il faut évidemment qu’il y ait du fond mais je suis tellement sensible aux images qu’une belle image dans laquelle on peut se projeter, imaginer des choses, ça peut me suffire. Je n’ai pas obligatoirement besoin d’une narration claire. Elle peut très bien être suggérée.
La recherche du beau se justifie toute seule ?
Oui. Mais je ne me l’explique pas. J’ai une approche totalement néophyte. Et ça me plait bien d’avoir ce rapport-là aux images. Je te disais tout à l’heure, de la musique j’en ai beaucoup bouffé, on rentre dans des détails qui parfois peuvent briser la magie. J’aime ce rapport simple avec le cinéma et l’image, d’impact émotionnel direct, de spontanéité.
Tu vois dans mon téléphone j’ai plein de screenshots de tout et n’importe quoi : je me fais une sorte de banque d’images qui me nourrissent et quand arrive le moment de faire un artwork, très souvent je sais ce que je veux. David Drake, qui a fait la pochette du disque mais aussi la pochette du premier EP, je l’ai contacté parce que j’adore son univers, il me semblait qu’il pouvait y avoir des connexions et ça a été le cas. Je lui ai envoyé des sources d’inspiration, il m’en a envoyé en retour et tout s’est construit grâce à ces matières, ces couleurs, ces sensations qu’on se partageait.
Par rapport à ton album, qui est ton premier format long, comment ça s’est fait, c’était une évolution naturelle ?
L’album n’est pas très long, volontairement. Il y a neuf titres. Je tenais à faire un disque concis et clair esthétiquement – encore une fois – pour que le propos soit cohérent, qu’il se tienne, qu’il n’y ait pas de longueur. À partir du moment où je me suis lancé dans l’écriture de album, la question du format ne s’est pas reposée, il était là, c’était un canevas. J’aurais pu refaire un EP, mais j’avais envie de faire un format long, de m’exprimer sur plus de quatre titres. Je sentais que j’avais la matière pour.
Quelle différence tu as ressenti en le composant par rapport à l’EP ?
Ce n’était pas du tout le même process. Pour le premier EP, l’écriture s’est faite sur des années. J’avais beaucoup de titres, dix, douze titres, et on a pioché dans ce travail pour en tirer un EP. Pour Low Life il a fallu du temps pour trouver le son, trouver ce que je voulais dire. Mais une fois que le cadre était défini, j’ai mis un an pour l’écrire et l’enregistrer.
Pourquoi Low Life ? Comment tu définis l’esthétique et l’univers de cet album ?
Quand j’ai décidé de faire un album, de l’écrire, une des premières questions que je me suis posées était : de quoi je vais parler et à qui je vais parler ? Je ne voulais pas un disque creux, il fallait, pour que j’y trouve un sens, qu’il me ressemble. J’ai eu besoin d’aller chercher des choses en moi. Comme je te disais tout à l’heure je suis un garçon timide. Quand j’étais gamin c’était presque maladif et j’ai toujours essayé d’effacer, de dépasser ça – par le biais de la musique.
Mais bizarrement quand il a fallu écrire, je suis allé puiser là-dedans. Ça a été comme un déclic. Je voulais écrire pour ceux qui ont la même sensibilité que moi. Cette sensibilité, ça te met à l’écart de beaucoup de choses, tu ne vis pas les choses de la même façon, tu as l’impression de vivre à côté des autres. Mais je sais aujourd’hui que c’est ce qui me constitue, c’est ce qui fait que je suis moi. Low Life, c’est cette idée de vie à l’écart, de vie souterraine au sens large.
D’ailleurs, c’est un album qui est assez nocturne, c’est assez noir dans les textes, les clips, c’est lié à cette timidité ?
Je crois que c’est simplement lié à l’intime. C’est une sorte de monde qu’on se crée en nous, sous la peau. J’imagine que c’est pour ça qu’on a cette sensation nocturne et charnelle. Il doit aussi y avoir un lien avec le fait que j’écrive exclusivement la nuit…
J’ai eu un peu une impression de mélancolie dans l’album, est-ce que c’était voulu ?
Aujourd’hui je comprends que tu me dises ça, mais c’est quelque chose que je ne maîtrise pas. J’ai longtemps été surpris par les retours que j’entendais sur ma musique. Ethéré, aérien, sensible, mélancolique… j’avais l’impression de faire des chansons comme les autres, et je ne comprenais pas qu’on ne me parle pas du songwriting. On n’est pas les mieux placés pour avoir un jugement ou une critique objective sur notre travail. Mais j’ai compris qu’on ne peut faire que la musique qui nous ressemble.
Tu as une voix un peu particulière, tu chantes assez haut et parfois il n’y a quasiment pas de voix. Tu l’utilises comment, tu lui donnes quelle place ?
Je lui donne de plus en plus de place. J’ai appris à l’assumer. C’est vrai que naturellement quand je cherche une mélodie je vais chercher des notes aiguës. À l’époque, je pense que c’était plutôt une envie de sur-mélodie. On en revient toujours à ce travail d’esthétisme, du beau, cette envie d’hypermélodie. J’ai essayé de la modeler pour lui donner plus de possibilités. Sur cet album, encouragé par Daniel Burkhart (réalisateur du disque), j’ai essayé des voix plus graves, de trouver plus de narration. J’utilise également beaucoup le côté sensuel. J’ai l’impression de la façonner d’année en année.
C’est quoi ton procédé d’écriture ? Quelle est sa place ?
La musique, sa forme, je l’ai longtemps travaillée, j’avais l’impression d’avoir déjà les armes. Je sais m’exprimer en musique. Pour les textes et la voix, qui sont très liés, il fallait que je sois en phase avec moi-même et que je trouve une certaine justesse. Low Life, c’est l’envie de faire quelque chose de personnel, la volonté de montrer des sentiments bruts. Évidemment il y a des thèmes de prédilection, l’amour, la nuit… Et je travaille sur les sonorités des mots. C’est primordial pour moi. Pour la manière, j’écris et enregistre essentiellement la nuit, j’ai l’impression de ressentir tout plus intensément dans ces moments-là.
Le choix de langage, c’est un choix esthétique ?
Ma culture musicale est totalement anglophone et dans le style de musique que je fais, l’anglais est venu s’imposer naturellement. Cela ne veut pas dire que je n’aime pas le français, j’aime bien certains chanteurs français, mais j’en écoute peu…
Quels artistes français te parlent ?
Je vais commencer par les classiques. J’ai commencé à aimer le français avec Gainsbourg. Après il y a ses descendants, Benjamin Biolay, j’aime beaucoup (pause). Je t’ai dit qu’il y en avait peu (rires). J’adore Charlotte Gainsbourg. J’aime beaucoup sa voix soufflée, très sensuelle.
Et actuellement ?
Grand Blanc. J’adore le fond, la forme, je trouve ça super. Une des claques de ces derniers mois. On a joué ensemble au Festival Climax, je les ai trouvés très très bons. Il y a de très bons artistes sur le label Entreprise. C’est ce que je recherche dans la musique, que ça vienne m’impacter émotionnellement mais aussi que ça me fasse fantasmer.
Par rapport au label sur lequel est sorti ton album, Rouge Neon Records…
C’est mon label. C’est un label que j’ai monté il y a quelques mois avec un ami. Ça faisait un moment que je voulais créer ma maison de disques, pour faire les choses à ma façon. Parce que je suis exigeant et que je casse les pieds à tout le monde. L’idée initiale était de sortir les disques de John and the Volta mais quand j’ai demandé à Jean-Luc (co-fondateur) il a accepté tout en apportant l’envie d’ouvrir les portes à d’autres artistes. Dans quelques temps c’est clairement ce qu’on fera.
Tu attends de trouver des projets qui t’intéressent ?
Oui, ça marchera au coup de cœur. On a une rigueur esthétique qui est assez costaude. On veut que ça matche avec l’idée qu’on se fait du label. Des projets qui ont du fond et de la forme, des projets qui durent. Des gens qui ont du talent, en bref.
Pour finir, tu te projettes comment, dans quelle évolution ?
Déjà, on va faire vivre le disque qui vient de sortir. On commence les concerts le 15 avril avec la release party au Krakatoa (Mérignac). Il y aura aussi une release Parisienne le 3 mai au Pop Up du Label et les autres dates suivront.
Le label me prend aussi pas mal de temps, on espère développer la structure, gagner en visibilité et accueillir d’autres artistes prochainement.