A l’heure où le rap mainstream est au top, il est important de mettre en valeur une scène plus underground qui mérite tout autant de visibilité : les « rappeurs SoundCloud ». Rencontre avec un de ses hérauts : JMK$, aka parlemoneystp.
En 2018, Booska-p sort un article intitulé « Les rappeurs SoundCloud, un phénomène qui ne touche pas la France », à un moment où cette scène est pourtant au top de son activité ; c’est ce que lui rappelle très bien le média 6ème sens by Trillshit dans un article étoffé, en réaction directe à l’ignorance du premier, qui fait pourtant référence dans le rap français.
Bien heureusement cette scène reste active et défend sa culture. Le collectif Grand Club s’impose en invitant pour son deuxième anniversaire seize artistes, dont treize Français, tous issus de cette culture rap émergente et avec en première partie le celèbre Goth Money Record avec en tête Sickboyrari aka Black ray !
Dans ce tumulte, nous avons eu l’honneur de discuter de tout ça avec JMK$ aka parlemoneystp, pilier de cette culture SoundCloud française. Il pense lui-même que « si le rap français actuel était mené par les artistes SoundCloud, ce serait une dinguerie artistiquement. On produirait peut-être le meilleur rap du monde. Sans exagérer. »
Avec le Summum Klan comme étendard, et la 808 comme booster, l’artiste originaire de Marseille compte à son actif déjà cinq projets. Le dernier « JD » est disponible sur toutes les plateformes de streaming, avec un panel d’invités plutôt exceptionnel.
Manifesto XXI – Ça fait quoi d’être en première partie du goth money records ?
JMK$ : Je connais, mais ça ne fait pas partie de mes influences. Mais sinon ça tue, j’ai fait ça avec les bros Insom, Scott South… c’était bien cool.
La première apparition freestyle qu’on a vue de toi c’est dans Mouv en 2015, c’est ça ? Tu es sélectionné par Akhenaton pour performer, tu peux nous en parler ?
La première c’était id-vice. Mais Mouv ouais c’était cool, il y avait plusieurs Mc’s de Marseille qui étaient regroupés. Je ne les connaissais pas tous parce qu’on était beaucoup !
Comment Marseille a influencé ton rap ?
Marseille ne m’a pas tant influencé que ça dans le rap. Forcément je suis fier de ma ville, mais j’ai envie d’apporter une nouvelle vague. On va dire que c’est plutôt l’environnement, plus que la musique, qui m’a influencé à Marseille. On a une trap house pour se développer artistiquement, ce qui facilite beaucoup les choses.
On a remarqué que tu invites beaucoup des rappeurs de Lyon dans ton dernier projet, RTT clan, Lyonzon entres autres… Est-ce que c’est une volonté de mettre le rap du sud en avant ?
Nan c’est juste grave mes potos Gouap tout ça… Même avant d’avoir beaucoup d’écoutes, on était proches. C’est plus une volonté de taffer avec des gens que je connais, des proches, plutôt que de mettre en avant telle ou telle ville. Je peux très bien taffer avec 8Ruki par exemple qui vient de Paname, je ne fais pas trop la différence entre Sud et Nord. Je marche juste au feeling.
Tu attaches beaucoup d’importance au fait de ne pas être un produit.
« Produit » c’est un terme que les maisons de disques utilisent pour désigner un artiste, on ne va pas parler de sa musicalité mais de sa carrière professionnelle une fois qu’il a signé chez un label, qu’il a une direction artistique etc… Tu es un produit du moment où tu n’es plus libre artistiquement. Tu peux faire de la musique commerciale, ce n’est pas interdit du moment où tu fais ce que t’aimes et que ça te plaît, que tu ne fais pas ça par intérêt ou pour plaire aux gens.
Il y a certaines valeurs que même l’argent ne peut pas acheter, je suis artiste avant tout.
Tu utilises quand même parfois des marques mainstream pour te donner de la visibilité, comme Nike, pour qui tu as fait une pub, sans que ça ne te pose un problème.
Nan pas du tout ça ne me pose aucun problème. Ce que je reproche aux maisons de disques, être un produit, c’est qu’en plus de ne pas être libre de tes choix artistiques, tu ne touches pas la totalité des gains car c’est eux qui vont aller démarcher les marques et tout le reste. Et toi dans les poches tu auras seulement 25%.
Moi, je n’ai pas de manager, donc ces marques-là elles vont me contacter directement, et c’est de l’argent que je gagne à 100%. Je ne veux pas paraître cru, mais voilà moi je fais mon argent et tout me revient. Même si je veux faire du commercial, je m’en fou, tant que je suis à mon compte.
L’argent reste chez moi et je fais ce que j’aime. Je n’irais jamais faire un son pour quelqu’un, ou pour un type de personne, c’est pas du tout ce qui m’intéresse.
Toi tu te revendiques rappeur SoundCloud et c’est une scène que tu veux mettre en avant. Est-ce que c’est justement pour toi une manière de t’émanciper des circuits mainstreams ?
Je suis fier de venir de SoundCloud. C’est un parcours que je ne peux pas renier, ça fait cinq ans que je suis dessus, et mes premiers sons aussi. Après je ne vois pas ça comme forcément une opposition aux maisons de disques. Ça fait juste partie de mon parcours, c’est une part de moi. J’ai commencé sur SoundCloud parce que je me disais que tant que je n’avais pas un visuel propre, ça ne servait à rien que je mette des sons sur YouTube. En plus de ça sur SoundCloud les sons sont de qualité parce que tu peux les mettre en fichiers Waves.
Tu as un dernier mot pour Booska-p ?
En vrai de vrai, merci !
Depuis que Booska-p ont fait leur article et que je les ai taillés, honnêtement, et c’est triste à dire, je regarde les statistiques de mes sons et j’ai pris un million d’écoutes. Je ne sais pas si la volonté était de nous mettre une barrière, mais le contre-buzz était obligatoire. Tu ne peux pas faire un article péjoratif sur SoundCloud alors qu’il y a des artistes en France qui se la donnent.
On peut parfois passer pour des petits haters mais en réalité pas du tout, on fait notre promo comme on peut, et on revendique notre culture c’est tout, c’est une partie du rap !