La semaine passée, une brochure sur la sexualité a été diffusée à des élèves de première dans le lycée privé Notre-Dame Sainte-Croix à Neuilly-sur-Seine, par une professeure de catéchisme. Une initiative tout à fait louable.
À 16 ans environ, les esprits sont encore fertiles, la plasticité cérébrale est encore malléable. À 16 ans, la sexualité s’est déjà éveillée ou s’éveille alors, c’est le lieu même de l’apprentissage, des faux pas, des expériences. À 16 ans, il apparaît fondamental d’éduquer sur les tenants et les aboutissants du sexe : ce que cela implique, comment cela se passe, quelles en sont les différentes formes, quelles peuvent en être les conséquences, comment se prémunir de ses risques. À 16 ans, il est fondamental de comprendre que le sexe n’est pas un tabou, et diffuser une brochure sur la sexualité semble faire partie des basiques de n’importe quel cours d’éducation sexuelle.
« Pour réussir ta vie sentimentale et sexuelle »
C’était trop beau pour être vrai. La brochure s’appelle « Pour réussir ta vie sentimentale et sexuelle », un nom tout à fait optimiste quant aux capacités de conviction du pamphlet. Il respire l’optimisme. Elle va nous apprendre à nous épanouir sexuellement, si ça c’est pas beau. Seulement, elle dissimule mille phrases nauséabondes, comme l’a exposé BuzzFeed.
Le livret conseille tout simplement d’éviter l’avortement. Il est décrit comme irréparable, et quiconque le commet doit rechercher « le pardon du Seigneur ». Il ne parle pas de choix, il ne parle pas du corps de la femme. C’est bien connu, les jeunes femmes de 16 ans ayant un enfant reçoivent de la part de l’État de quoi se sustenter elles et leur progéniture, ainsi qu’une place en crèche et une bourse universitaire. Non.
Aussi, l’homosexualité y est vue comme découlant de « perversions », d’influences excessives ou insuffisantes du père ou de la mère. L’auteur semble en effet avoir fait des recherches extrêmement approfondies sur les causes de l’homosexualité. Selon le livret, personne n’en est réellement heureux et l’abstinence est la meilleure solution avant de remédier au problème. Encore une fois, on note un effort de la part de l’auteur qui est allé observer ses deux voisins homosexuels et en a conclu une dépression généralisée parmi les gays. L’épanouissement sexuel est uniquement possible dans « l’altérité homme/femme ». En somme, l’homosexualité est « problématique ».
Un auteur obsédé par l’Islam et le relativisme comme fléaux du monde
Mais qui a écrit ce pur morceau de génie ? Il s’agit du père Jean-Benoît Casterman, et c’est là que cette anecdote bascule dans la triste absurdité. Le père Jean-Benoît Casterman écrit de temps à autre pour Riposte laïque, un site plutôt bien à droite, et c’est un euphémisme. Si l’on prend le temps de survoler ses écrits, la consternation laisse vite place à l’horreur. Le père Casterman confond tout : « Vous qui avez revendiqué l’égalité et l’homosexualité pour tous, vous récolterez la charia pour tous ! ». Il est obsédé par deux fléaux menaçant le catholicisme : l’Islam et le relativisme. Il a tout simplement perdu pied avec la réalité et n’hésite pas à faire des amalgames assourdissants : « S’il faut chercher une religion chère à Hitler, regardons plutôt du côté de l’Islam. On connaît son accointance avec le grand mufti de Jérusalem, al-Husseini, et les régiments SS de musulmans bosniaques ».
Oui, c’est ce même homme dont les écrits ont été diffusés à des élèves de première en lycée, ces mêmes élèves à la plasticité cérébrale encore malléable par une figure d’autorité, une professeure, un modèle potentiel.
Des symboles d’une France homophobe qui s’assume
Ce n’est pas la première fois que de tels livrets sont mis en circulation dans l’enceinte des lycées. L’année passée, on trouvait dans plusieurs lycées (dont un à Montpellier) une brochure anti-avortement éditée par la Fondation Lejeune qui, sous couvert de recherche sur la trisomie 21 et donc reconnue d’utilité publique, investit énormément dans la littérature pro-vie et anti-avortement mais aussi dans des ouvrages comme leur Manuel sur la théorie du genre, destiné à « décoder les livres de sciences des lycéens ».
Un manuel qui n’est pas sans rappeler l’Observatoire de la théorie du genre, présidé par Olivier Vial et fondé via l’UNI, une organisation universitaire. Or, à l’université, qu’on se le dise, la plasticité cérébrale est toujours façonnable.
Ce n’est pas normal. Dans un pays où l’on continue sa campagne présidentielle malgré une prochaine mise en examen, où la Manif pour tous a été « humiliée », où un candidat aux élections présidentielles appelle à manifester contre la justice, où la colonisation visait à « partager sa culture », où l’on continue de produire des films stigmatisant chaque année une nouvelle catégorie de population, on ne peut tout simplement pas se permettre de distribuer de telles brochures à des jeunes gens qui ont encore tout à apprendre. Ces mêmes jeunes gens qui vont devoir éviter les écueils et composer avec cette France désolante.