Une grande exposition d’art contemporain dans un bâtiment désaffecté au cœur de Paris… L’idée même m’attirait. Arrivées sur place avec une amie, on attend à l’entrée de cette ancienne usine de sous-vêtements, comme à l’entrée d’un club un peu hype. Les bribes sonores qui nous parviennent du fond du couloir sombre s’annoncent prometteuses.
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Au rez-de-chaussée, la scénographie mêle vidéo, sculpture sonore, photographies… Je suis arrêtée par les silhouettes mystérieuses des photographies de Linda Bujoli. Jouant des procédés techniques de la photographie, elle modèle la lumière comme une matière qui serait tangible… Incroyable ! On accède ensuite au premier étage où sont suspendues sur des bâches, des photographies. L’accrochage n’a rien de conventionnel, pas de cadres – l’exposition est vraiment vivante. Poétiques autant que politiques, les œuvres tissent ici un dialogue singulier avec cet environnement de poutres métalliques, de béton brut et de murs défraîchis.
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Mon regard se pose sur une photographie d’Oded Balilty, issue d’une série intitulée Hide an Seek. Le ciel bleu est envahi gris austère d’un mur qui occupe l’espace et se dresse devant nous comme une barrière. Et pourtant, sur le béton, quelqu’un a peint un ciel tout aussi bleu, résistance dérisoire mais non moins nécessaire. Non loin, c’est le travail en noir et blanc de Aramy Machry qui retient mon attention. Les contrastes saturés et les formes géométriques – l’empreinte de l’architecture aussi – ne sont pas sans rappeler les recherches menées par les artistes du Bauhaus.
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Difficile de citer tous les artistes tant la sélection est extensive et de qualité, un dernier me paraît néanmoins important à mentionner : l’Espagnol Marcos Clavero Llorente. Les photographies qu’il présente ici sont issues de la série Ensueño, un terme qui désigne cet état vaporeux entre le sommeil et l’éveil. La trame de cette exploration est un poème écrit par l’artiste :
En el ensueño
como en un descenso
te estoy buscando
y ahí estás tú
y tus pies
y tu mano
y no consigo escribir tu nombre
entre todo este desorden
sigo pillado
y algo me arrastra
a ese muro
de entierro
esperando la llamada
del saber
para poner orden
y volver al sueño
Chaque vers renvoie à une scène onirique, à chaque fois surprenante.
Le dernier étage présente une sélection de peintures, sculptures, installations… Un casque de Dark Vador en écorce de Monsieur Plant, tout à coup envahie par une performance féministe de Miss Marion (aka Marion Boucard), des espaces dédiés au street art avec notamment une installation de Jisbar et des œuvres de Daco… Un peu comme la Confidentielle du YIA Art Fair présentée en mars dernier au Bastille Design Center, Experiences Art Fair propose une autre vision de la foire d’art contemporain. On est bien loin des stands policés qui jalonnent les foires du monde entier, et génère souvent cette nausée, qu’on appelle « fair fatigue » pour faire snob. Ici, l’accrochage est pensé comme un ensemble, en dialogue avec ce lieu incroyable… Rafraîchissant et passionnant !
Experiences Art Fair // jusqu’au 06 décembre // 14 place Bonsergent, Paris, 10ème