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[EXCLU] Jasmïn revisite son titre « Dive » en acoustique

[EXCLU] Jasmïn revisite son titre « Dive » en acoustique

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Après avoir fait ses armes en chantant pour Jabberwocky, la chanteuse Jasmïn s’en va voler de ses propres ailes. C’est seule que l’artiste a composé, écrit et produit les six morceaux de son EP Dive, prouvant d’autant plus son talent persistant. Six morceaux envoûtants, aux accents clairement RnB US, bâtissant les bases d’un univers éthéré et puissant. Une voix doucement intense, des beats efficaces et de rêveuses mélodies : le secret de cette belle entrée en matière de Jasmïn est une recette imparable. C’est avec un premier clip pour « Dive » autour de la sororité, kaléidoscope de beauté, qu’elle a pu introduire sa sortie en octobre dernier, annonçant immédiatement la couleur.

Aujourd’hui, Jasmïn nous offre en exclusivité une révisitation acoustique de son titre « Dive » en medley avec « Pursuit of Happiness », et c’est l’occasion de quelques questions pour en savoir plus sur son enivrant projet.

Manifesto XXI – J’ai vu que tu avais fait pas mal de covers avant. Comment tu as réussi à passer à ton propre projet ?

Déjà les reprises c’est venu parce que je faisais pas mal de piano, je commençais à chanter dans ma chambre. C’était à la mode de faire des covers sur Youtube, et ma sœur m’a encouragée à me lancer. Personne ne savait que je chantais dans mon entourage et j’ai eu de très bons retours. J’ai même eu des retours pros et un DA de chez Warner m’a contactée pour me faire passer des auditions. Très rapidement j’ai reçu une proposition pour être signée en contrat d’artiste. Le seul problème c’est qu’ils voulaient que je chante en français donc au final je n’ai pas signé avec eux. Quelques mois plus tard j’ai eu une autre proposition d’Universal Publishing et j’ai signé.

J’ai commencé à bosser avec des compositeurs et des producteurs. Ça se passait pas trop mal mais c’était pas non plus la folie, j’avais l’impression qu’ils essayaient de me faire chanter un truc qu’ils pensaient être mon style mais il ny avait pas vraiment d’originalité. Du coup j’ai pris des cours sur Ableton, de compo, etc. Et j’ai commencé à faire mes propres trucs. Quand j’ai fait écouter mes premières compos à Universal ils ont été assez impressionnés et ont trouvé ça mieux que ce qu’on avait fait avant. De fil en aiguille j’en suis venue à produire quasiment l’intégralité de mon projet, et même à bosser pour d’autres personnes.

Ce n’était pas trop compliqué de trouver ta place entre ce qu’ils voulaient de toi et ce que toi tu voulais ?

Si c’était assez dur, c’est pour ça que j’ai perdu pas mal de temps entre mes 18 et mes 22 ans. Je ne savais pas trop quoi faire, s’il fallait que je vende un peu mon âme pour faire de la thune, ou s’il fallait que je passe par le chemin long qui était d’apprendre toute seule les aspects techniques pour être plus libre. Au final j’ai choisi cette voie-là parce que c’était ce qui me semblait le plus naturel. C’était une phase difficile, qui était aussi un moment de transition entre le monde adolescent et le monde adulte, ce dont je parle justement dans le morceau « Dive ». C’était difficile au niveau personnel, en particulier dans ma vie sentimentale. Cette phase a été à la fois longue et hyper bénéfique parce que j’en suis sortie plus forte et plus sûre de moi. Aujourd’hui je me dis que c’est vraiment mon projet.

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Crédits : Melie Hirtz

Cet EP symbolise toute cette période de changement.

Complètement. D’ailleurs « Dive » c’est ça, c’est vraiment le grand saut, ne plus pouvoir revenir en arrière. C’est ce flou artistique qui est beau parce que tu plonges, tu y vas la tête la première.

Comment tu as travaillé cet EP ?

Ça fait tellement longtemps. J’ai écrit la majeure partie de l’EP il y a plus de deux ans. Il y a deux titres que je n’ai pas produit seule, un fin 2017 et un début 2018 donc ça fait un petit moment que le projet existe même s’il a été remanié plusieurs fois. Etant donné que j’avais ni beaucoup de budget, ni une équipe autour de moi, j’ai été obligée de faire un peu tout toute seule, ce qui a pris beaucoup plus de temps. J’avais aussi du mal à le sortir, à le lâcher dans la nature et advienne que pourra. Maintenant que c’est fait, c’est super gratifiant.

Comment tu as construit cet univers très aérien ?

Déjà il représente vraiment ma personnalité. Je suis assez calme, assez réfléchie. Je ne suis pas très compliquée mais je peux avoir du caractère aussi et ça se ressent dans quelques tracks. Certains disent que c’est une musique assez sensible, ce que je suis également. L’univers s’est construit autour de références musicales, artistiques, parce qu’on est forcément amené à puiser dans notre mémoire. J’ai toujours eu une culture musicale assez complète, écouté beaucoup de musique, regardé beaucoup de clips, vu des expos. J’essaye de vraiment nourrir cette part artistique pour pouvoir donner du sens à ma musique. Malgré tout, je suis encore dans une phase d’apprentissage et il faut que je grandisse à travers des collaborations, mais aussi avec des erreurs. C’est un travail quotidien.

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Crédits : Melie Hirtz

L’influence du RnB féminin ressort assez bien.

À l’heure actuelle j’écoute beaucoup de choses différentes. Quand j’étais toute petite j’écoutais énormément de RnB et de soul avec mes parents. C’est vrai que j’ai cette culture-là. Les premières références restent bien en tête, du coup aujourd’hui avec le retour du RnB, surtout anglophone, je suis trop contente. (rires) Quand j’entends ça j’ai juste envie de chanter avec elles. Même si j’essaye d’aller aussi vers d’autres univers musicaux comme la pop, je reste très RnB.

Tu cites des références en anglais, plutôt américaines. Tu ne te reconnais pas du tout dans le français ?

Depuis que je suis petite, mes parents écoutent quasiment que de la musique en anglais. Après quand j’ai commencé les covers, c’était des chansons que j’aimais bien donc qui étaient en anglais, et quand j’ai glissé vers la compo c’est venu naturellement dans cette langue. J’ai pas mal d’amis d’enfance anglophones, et pour passer un message au plus grand nombre je pense que c’est plus intéressant. Après je ne  suis pas fermée au français parce que c’est une langue magnifique. Une belle chanson en français c’est incroyable, ça nous touche d’une façon différente parce qu’on a un rapport à la langue beaucoup plus intime.

Après du RnB en français je sais pas trop ce que ça donnerait. En même temps j’ai une amie qui fait ça, qui est dans le clip de « Dive » et qui s’appelle Yseult, elle y arrive très très bien. Elle a aussi une voix qui lui permet de le faire alors que moi ça ferait un peu Carla Bruni. (rires)

C’est peut-être parce qu’on a pas beaucoup de références de RnB autres que les années 2000.

C’est sûr. En plus il y en a. Lolo Zouaï par exemple, c’est une franco-algérienne qui a grandi à New York. Elle rajoute pas mal de phrases en français, elle a fait un feat. avec Myth Syzer. Elle, je pense que même si elle faisait une track toute en français ce serait hyper cool. C’est faisable ! Pour l’instant je reste dans la facilité. (rires) J’écris d’autres trucs, des poèmes. Quand je pense à trop de choses à la fois, j’aime bien écrire dans mes notes iPhone juste pour sortir de ma tête, me sentir libérée. Mais niveau musique, j’ai jamais écrit tout un texte en français.

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Dans ton clip, il y a cette idée de sororité qui est très en vogue en ce moment. Tu te places comment par rapport à ça, par rapport à la féminité ?

C’est un truc avec lequel j’ai eu beaucoup de mal, accepter ma féminité. J’ai un rapport à ça qui est un peu difficile et lié je pense à mon héritage. C’est un sujet que j’aborde dans « Legacy » à travers l’histoire de mes ancêtres qui sont Algériens du côté de ma mère. J’ai toujours eu des femmes très fortes et protectrices autour de moi. Par exemple c’était ma sœur qui me défendait en primaire parce que jétais trop naïve. Il y a aussi eu des femmes qui ont abusé de ma gentillesse. Mais dans l’ensemble j’ai eu beaucoup de soutien féminin. Toutes les copines dans mon clip ont eu un rôle dans ma vie. Il y en a une à laquelle je pense, c’est ma copine Mathilde, qui est la blonde avec le carré. C’est une nana qui m’apaise, quand elle est avec moi j’ai l’impression que je peux tout lui dire et c’est tellement rare.

J’ai un lien assez spécial avec les femmes de ma vie, et en même temps j’ai du mal moi-même à me sentir complètement femme. Au moment où j’ai écrit, je me retrouvais sans copain, avec toutes ces femmes et j’avais envie d’en parler. C’est pas tellement pour l’effet de mode parce que je n’y pensais pas au moment où j’écrivais il y a 2-3 ans.

Tu penses quoi du fait que ça soit autant mis en avant aujourd’hui ?

Je trouve ça cool quand c’est authentique. Il y a beaucoup de gens qui en jouent et je trouve ça dommage. Aux Etats-Unis je me suis retrouvée dans des situations d’hypocrisie totale avec certaines nanas, ce qui est souvent le cas dans le business. Mais quand c’est authentique c’est la plus belle chose du monde. Je sais que tout ce qui m’arrive c’est aussi grâce aux femmes que j’ai rencontrées. Ma prof de chant va avoir 95 ans cette année, elle a tout vu, tout vécu, tout expérimenté, vu les pires horreurs comme les plus belles choses de la vie. C’est une femme extraordinaire et quand je suis à côté d’elle j’ai juste envie de pleurer tellement c’est spécial. Je trouve ça génial ce mouvement d’entraide entre meufs. Justement Yseult a lancé un truc sur Instagram pour soutenir les femmes qui ont subi des abus ou du harcèlement sexuel. C’est bien qu’on ouvre un peu plus nos bouches.

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Crédits : Roxane Peyronnenc

Tu as travaillé plutôt avec des hommes ou des femmes toi ?

Quasiment que des mecs, c’est relou un peu parfois (rires). Récemment j’ai bossé avec Yseult et une autre nana qui s’appelle Nova. J’étais choquée du talent. On a vraiment des femmes extraordinaires dans la musique. J’ai bossé avec une nana très spéciale aux Etats-Unis qui a écrit une partie de l’album 808s & Heartbreak de Kanye West. C’est plutôt historique, ça a été un métier d’homme pendant des années et on a du mal à changer les mentalités. Dans un studio, je me suis retrouvée qu’une seule fois avec une meuf ingé son. Il y a quand même pas mal de chanteuses, d’auteures, compositrices mais pas beaucoup de productrices, de meufs du côté technique. C’est un peu dommage et c’est pour ça que je suis vachement fière de montrer ce qu’on est capables de faire.

Tu as envie d’essayer de bosser avec plus de filles ?

Grave. Déjà dans ma team il y a une nana qui a organisé ma release party, qui fait aussi un peu de management et booking. Mon attachée de presse c’est une fille hyper cool, motivée, qui ne lâche rien. J’ai aussi bossé avec une photographe pour la pochette de l’EP.

Ça te parle cette idée d’empowerment ?

De fou, c’est un des trucs qui est le plus important. L’EP est vraiment là-dedans, avec « Notions » ou « Dive » par exemple. À la fin de « Dive » je dis « I wanna be that girl », mais en fait cette fille, c’est moi. C’est garder à l’esprit la force que l’on a en nous, qu’il faut la manifester, se motiver, croire en soi. Il n’y a que nous qui nous limitons au final. Dans des sociétés plus patriarcales, ou moins modernes c’est beaucoup plus compliqué même s’il y a des évidemment des femmes réussissent à changer les mentalités partout. C’est hyper important de se rendre compte qu’on est privilégiés en France et qu’on a les outils pour accomplir beaucoup de choses. C’est un travail quotidien, parce que c’est facile de se démotiver mais une fois passé un certain stade, plus rien ne peut t’arrêter.

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