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Stensy, flow ardent et spleen fébrile

Stensy, flow ardent et spleen fébrile

Un flow percutant, frais et spontané, une écriture habile et des punchlines qui visent juste, des instrumentations éminemment contemporaines, dont les rythmiques incisives côtoient des arrangements mélodiques et aériens : voilà ce que nous offre le jeune Stensy au fil des morceaux de son premier opus Rotations, dont Wizman signe la production. Avec simplicité, aisance et humour, le rappeur dépeint son quotidien, ses visions, aspirations, et offre un miroir prenant à sa génération. Bâtissant un univers doux-amer où ardeur et fragilité s’équilibrent, Stensy invoque la musicalité et l’émotion avec brio.

Manifesto XXI : Comment en es-tu venu à t’exprimer par la musique, par le rap ?

Stensy : Ça doit faire maintenant quatre ans que je fais du rap. J’ai commencé parce que je voyais mes proches en faire, il y avait une bonne ambiance, c’était assez entraînant, du coup je me suis dit « pourquoi pas moi ? ». J’ai gratté mon premier texte, puis un autre, puis je me suis retrouvé en studio… et ça a évolué avec le temps.

Pourquoi le rap ? C’est venu assez naturellement, je faisais de la musique déjà auparavant, et ça semblait le moyen le plus accessible pour mettre mes textes en musique. Puis au fil du temps c’est devenu quelque chose de plus personnel, c’est quelque chose d’accessible mais que tu t’appropries, tu crées ton délire.

Qu’est-ce qui t’a nourri musicalement ?

Depuis petit j’écoute de la musique, mais pas de la même manière que depuis que j’ai commencé à en faire. Depuis que j’en fais je suis plus investi dans l’écoute. Mais ce n’est pas spécialement certains sons qui m’ont donné envie d’en faire, c’est plus une énergie.

J’ai mes propres classiques, mais il y a plein de « classiques » que je n’ai jamais écoutés. Les premiers CD que j’ai achetés c’était du rap américain, genre 50 Cent, Nas…

Et est-ce que la scène moderne t’inspire ?

J’écoute ce qui se fait autour, c’est important, et pas mal d’artistes m’inspirent oui.

N’étant pas producteur toi-même, tu bosses souvent avec Wizman ?

Je ne produis pas en effet. Wizman est un ami d’enfance, on a commencé la musique ensemble, puis petit à petit on s’est mis naturellement à travailler tous les deux. Il m’envoie ses prods, on est chacun à l’écoute, il y a une vraie cohésion. Je travaille essentiellement avec lui.

Vous bossez ensemble directement en studio, ou il t’envoie des prods déjà avancées ?

Il m’envoie régulièrement des prods, et je lui fais un retour pour voir si on se lance dessus. Des fois on travaille directement ensemble en studio oui.

Tu viens de sortir ton premier LP ‘Rotations’, comment as-tu franchi ce pas ?

Avant je n’avais pas de pages sur internet, j’ai fait de la musique pendant longtemps avec des potes à moi, puis fin 2016 j’ai eu envie de me lancer en solo, donc j’ai travaillé ce projet de LP avec Wizman, qui est sorti sur les plateformes de streaming.

Est-ce que tu as des rituels, des cadres, des moods pour écrire ?

Pas vraiment, je raconte ma vie, ce que je ressens sur le moment, je n’ai pas vraiment de logiques récurrentes. J’essaie de mêler technicité et musicalité. Souvent j’écris au studio, ou bien des bouts d’idées me viennent comme ça et je les note de côté. J’écris sur mon temps libre en fait. Ça peut être autour d’une ambiance, d’une énergie, de catch-phrases… comme un tableau, une histoire.

Après, trouver les mots justes qui vont bien sonner, pour en faire un bon morceau, quelque chose de personnel, ça ne vient pas n’importe quand. Il faut qu’il y ait cette petite flamme, que tu alimentes bien sûr, mais que tu ne peux pas avoir à tout moment.

Que penses-tu du statut moderne d’artiste-entrepreneur, où l’artiste se retrouve contraint d’assumer beaucoup d’autres tâches que la création pure ?

Je ne trouve ça ni bien ni mal, je pense qu’il faut faire avec son époque. Après il faut savoir bien s’entourer, déléguer et faire confiance. Et il ne faut pas oublier que tous ces changements modernes ont permis de rendre la musique accessible et diffusable facilement.

Est-ce qu’il t’arrive de penser au public que tu cherches à toucher ?

Je cherche simplement à m’adresser à n’importe quelle personne à qui ma musique parle. Je ne sais pas ce que ma musique peut transmettre, je la travaille dans mon coin avec mes potes puis je la diffuse, ensuite si certaines personnes arrivent à s’y identifier et y trouver une certaine émotion, c’est parfait et ça me rend heureux, quelles que soient ces personnes.

Tu as sorti trois clips jusqu’ici ; avec qui travailles-tu sur cet aspect-là, et quelle part de direction artistique prends-tu à ces projets ?

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C’est très important pour moi. Je n’avais jamais travaillé sur des clips avant ces projets-là. J’avais envie de mettre mes morceaux à l’image pour montrer un peu aux gens qui j’étais et mon univers. Pour ceux-là j’ai travaillé uniquement avec des proches.

Je suis ouvert à pas mal de choses en termes de mises en scène, j’ai aussi des envies qui sortent des codes du rap. Parfois je m’identifie plus à des artistes référencés comme pop. De toute manière la frontière entre rap et pop est de plus en plus fine.

J’aimerais aussi faire plus de direction artistique sur mes prochains clips. Également travailler sur des projets dans leur ensemble, créer du lien entre cover, clip, musique… Comme par exemple l’animation que j’ai sortie sur ‘T-shirt Blanc’ qui fait écho à la pochette du disque.

Est-ce que tu fais déjà de la scène avec ce projet ?

Non pas encore, mais j’aimerais vraiment défendre ce projet sur scène. On y réfléchit avec Wizman. Pour le moment je suis plus concentré sur la création musicale que l’aspect scénique, mais ce sera la prochaine étape.

Est-ce que tu travailles déjà à d’autres morceaux ?

J’ai continué à créer oui, mais je ne sais pas encore sous quelle forme sortir tout ça. Pour l’instant le but c’est d’en accumuler, enfin de faire de la musique tout simplement.

Mais pour entrer dans une phase de création plus développée, j’ai besoin de savoir où je vais et sous quelle forme je veux sortir ça, histoire de m’imaginer le projet, de pouvoir créer des ambiances que je souhaite retrouver dessus… avoir du recul en fait sur la musique que je fais. 

Il y aura surement des singles à suivre, et quelques collabs également.

Quel est le morceau dont tu es le plus fier sur cet EP ?

Celui que je préfère je crois que c’est ‘Magenta’. Et celui qui représente le plus l’énergie générale du projet, même s’il est plus connoté rap et hiphop, c’est ‘Rotations’, le titre éponyme. Musicalement parlant ce n’est pas forcément un reflet fidèle du projet, mais dans les textes et les thèmes il y a un condensé de ce que je fais à mon sens, c’est pour cette raison que j’ai baptisé l’EP comme ça.

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