Rencontre – Mahsala, du jazz comme on en voudrait plus

Sept musiciens, un univers jazz marqué, un soupçon de funk, beaucoup de talent, c’est ce qui fait de Mahsala un cocktail musical si parfumé. Avec une section cuivre à l’honneur, leur musique provoque le bien-être, un véritable réconfort auditif. J’ai rencontré deux membres du groupe un matin d’automne un peu morose : Simon Latouche joue du trombone et compose ; Simon Pelé, de la trompette. On se retrouve à l’étage d’un petit bar rennais où l’on passe du jazz et de la funk, histoire de rester dans le thème.

Manifesto XXI – Ça vient d’où, Mahsala ?

Simon Latouche : À la base, j’ai eu l’idée parce qu’on a un morceau qui s’appelle « Salaaam », ça veut dire « paix » en arabe ; Mahsala est l’anagramme, en fait. Je trouvais que c’était rigolo parce que « mahsala », c’est aussi un mélange d’épices indiennes. J’aimais bien l’idée du mélange des saveurs. On a juste changé l’orthographe et le nom a été vite adopté.

Comment avez-vous créé le groupe ?

Simon Latouche : Moi, j’écrivais des morceaux de mon côté depuis un moment, j’ai commencé à écrire au conservatoire. À la fin de l’année 2014, on a monté l’équipe avec des camarades du conservatoire (ndlr : de Rennes). Même si ce n’est pas un projet de conservatoire, c’est là que nous nous sommes rencontrés. On a travaillé pendant un an sur les compositions avant notre premier concert à Jazz à l’Ouest l’année dernière.

Vous êtes sept garçons, tous copains, c’est compliqué de s’entendre parfois ?

Simon Pelé : On est même en coloc… (rires)

Simon Latouche : On a même d’autres projets en commun. Avec la section cuivre, on fait des concerts avec Louisett, on est sur un EP en ce moment, on est en plein KissKissBankBank !

Vous n’avez jamais envie d’en venir aux mains ?

Simon Latouche : Déjà on ne compose pas ensemble, j’écris la musique, j’amène la base et on écrit autour de ça. Les compositions à plusieurs, c’est quand même plus compliqué. Chacun ramène sa patte mais ça permet de donner une vraie ligne directrice au projet.

Simon Pelé : C’est vraiment Simon qui leade.

J’ai senti une grosse influence de Snarky Puppy, je me trompe ?

Simon Latouche : Au moment où j’écrivais, c’est vrai que c’était ma première influence, mais je suis aussi influencé par tout le jazz moderne new-yorkais.

Simon Pelé : Mais aussi par le hip-hop, c’est toute la scène actuelle qui nous influence avec des groupes comme Lettuce, The RH Factor, Kneebody aussi, Christian Scott, ou encore Chris Dave.

Simon Latouche : Avant, la part d’improvisation dans le jazz était beaucoup plus importante, moi j’aime bien quand c’est plus une partie du morceau, qu’il y ait quand même pas mal de choses écrites et qu’une partie seulement soit laissée à l’improvisation. C’est peut-être dû à nos influences hip-hop.

Est-ce que le conservatoire a influencé votre façon de travailler ?

Simon Latouche : Au conservatoire, on nous a donné des pistes pour travailler, et c’est aussi là qu’on s’est rencontrés, mais je sais pas si ça influence notre façon de faire de la musique.

Simon Pelé : On a plutôt appris à s’approprier très vite une partition, même si on nous appelle la veille d’un concert.

Quels sont les projets à court terme pour Mahsala ?

Simon Latouche : On va enregistrer cet hiver en principe, on garde le secret pour le format. Mahsala est un projet qui nous tient beaucoup à cœur même si on ne peut pas faire beaucoup de concerts, c’est toujours plus compliqué à sept… On voudrait vraiment avoir quelque chose de différent des live sessions.

En parlant de live session, pourquoi avoir fait ce choix à la base ?

Simon Latouche : Il y a le côté live qui nous différencie vraiment du clip.

Simon Pelé : Oui, on peut vraiment montrer ce que l’on rend en concert.

Et si vous vouliez faire un clip, on y retrouverait quoi ?

Simon Latouche : Oulà… (rires) Question piège !

Simon Pelé : Après, je pense qu’il y aurait le côté amitié, tous les potes ensemble parce qu’on est toute une bande. Ça refléterait sûrement ça.

Et être jeune dans le milieu de la musique, ça représente quoi pour vous ?

Simon Latouche : L’héritage des précédentes générations représente nos racines. Et puis à Rennes, ce n’est pas compliqué, il y a plusieurs générations mais on joue tous ensemble. Je ne me sens pas jeune mais musicien.

Simon Pelé : C’est exactement ça, on est jeunes mais surtout musiciens. Il y a plein de choses qui ont été faites mais c’est plus de l’inspiration, on pourrait aussi passer notre vie à écouter des CD.

A l’heure où le monde part en vrille, le Brexit, Trump, entre autres, ça ne vous manque pas, les paroles ?

(silence)

Simon Latouche : Ce n’est pas une question facile, je ne suis pas sûr qu’il y ait besoin de paroles pour exprimer des choses. Le jazz a été une musique extrêmement politique dans la lutte des Noirs aux États-Unis, sans qu’il y ait forcément des paroles.

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Simon Pelé : Après, je pense qu’on ressent les choses quand même ; si tu écris une chanson après que quelque chose de fort s’est passé, ça va forcément se ressentir à un moment donné.

Simon Latouche : Après, moi je ne sais pas écrire de paroles aussi… Je ne suis pas sûr que ce soit comme ça que je m’exprime le mieux. Mais l’auditeur peut me comprendre quand même. Ce dont j’ai envie quand j’écris, c’est que la personne qui écoute ressente quelque chose, qu’elle puisse s’évader. Mais après, oui, c’est sûr qu’on n’est pas engagés. Pour le moment, je n’ai pas l’impression d’avoir la maturité suffisante pour composer des chansons engagées. On a surtout des mélodies heureuses, on veut mettre les gens dans un happy mood, qu’après un concert, ils soient heureux.

Simon Pelé : On l’a bien testé, notre premier concert était le lendemain du Bataclan, à Jazz à l’Ouest, et juste avant notre concert, la directrice a fait un discours sur les attentats. On a joué, on n’était pas vraiment heureux mais on a réussi à ce que le public soit un peu plus joyeux. Sur scène, on n’a pas forcément évoqué l’événement mais je voulais que les gens écoutent et s’évadent.

Pourtant vous avez déjà fait quelque chose avec une chanteuse ?

Simon Latouche : On voit vraiment le projet sans chant pour mettre la section cuivre en avant. On adore le chant, c’était une super opportunité de faire quelque chose avec cette chanteuse, et prochainement, on voit éventuellement des rappeurs. Il y a des morceaux qui s’y prêtent plus en tous cas.

Si vous deviez tous les deux choisir deux CD qui vous ont marqués ?

Simon Pelé : Je dis ceux qui me viennent en tête : We Want Miles, ça m’a permis de voir ce qu’avait fait Miles après ses premiers albums. L’autre serait Hard Groove de The RH Factor. Moi qui écoutais beaucoup de hip-hop et de jazz, il a réussi à rassembler les deux. Moi c’est un des albums qui m’a vraiment marqué.

Simon Latouche : C’est vraiment dur, mais si je devais choisir des albums pour emmener avec moi sur une île déserte, ce serait Tigran Hamasyan, leur album Shadow Theatre. Mais c’est beaucoup trop dur… Il y a tellement de choses que j’écoute plein de fois. Un album que je pourrais écouter toute ma vie sans jamais en avoir marre, Ambrose Akinmusire, When The Heart Emerges Glistening.

La dernière musique que vous avez écoutée ?

Simon Pelé : Moi j’ai écouté Wiz Khalifa ; rien à voir, je sais.

Simon Latouche : Moi c’est Wolfgang Muthspiel Quintet, « Father And Sun ».

Pour finir, quelle a été votre plus belle expérience sur scène ?

Simon Latouche : Je dirais Jazz à Vannes, on jouait le même soir que Snarky Puppy, juste après, et ils sont venus nous écouter, l’ambiance au concert était géniale. On leur a parlé et le bassiste Michael League nous a même dit : « Yeah, great songs! ».

***

Pour le prochain concert, il faudra être patients : ce sera le 31 mars au festival jazz de Fougères.

En attendant, c’est ici ou qu’on peut les écouter.

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