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Rencontre du troisième type avec Le Groupe Obscur

Rencontre du troisième type avec Le Groupe Obscur

Le Groupe Obscur

Ils sont cinq cerveaux créatifs et bouillonnants actifs depuis 2012, chantent dans une langue inconnue nommée « l’Obscurien », et affirment faire de la « dream-pop heavenly voices ». Ils sont attachés à une éthique DIY des costumes jusqu’au tarot divinatoire, proposent un univers extravagant et fantastique aussi bien sur les Internets que sur scène, et seront prochainement en live aux Transmusicales de Rennes ; on n’est pas peu fiers de vous présenter Le Groupe Obscur.

Manifesto XXI – D’où vous vient ce rapport très fort avec le fantastique et l’onirisme, si présents dans votre projet ?

Le Groupe Obscur : On passe la moitié de sa vie à dormir et l’autre moitié à raconter ses rêves, nous le faisons avec notre dream-pop. Il est naïf de croire que le songe est mort lorsque s’ouvrent les paupières, le rêve est partout puisqu’il est nous : dans la nuit décante le jour, et dans le jour décante la nuit. Notre création n’est pas la quête d’un ailleurs mais bien l’expression de notre perception. On se bride en croyant que le pouvoir des rêves n’appartient qu’au rêve, à négliger cette force et cette évidence imaginaire.

On a juste tenu le lien qui unit nos jours à nos nuits. Ne pas y trouver de différence nous donne la possibilité infinie de créer. Comme le dit Elektra King dans Le Monde ne suffit pas, « La vie ne vaut pas d’être vécue si on ne la vit pas comme un rêve ».

Vous prolongez votre musique par un univers global passant par l’image, la vidéo, des costumes… et même un tarot divinatoire récemment ! Pourquoi cet aspect multidimensionnel vous a-t-il paru crucial ?

Le médium est le message. Delamore a inventé une langue qui s’appelle l’Obscurien dans laquelle nous chantons. À travers la pluralité de ce que l’on propose, on se donne la liberté d’exister, de se définir par une multiplicité et non une spécialité. En décuplant les allées, on clame la certitude que l’on n’a pas besoin de se contraindre, que l’on n’a de limite que celle que l’on s’invente, et que de la création naît la création.

Impulsés par Delamore nous produisons tout nous-mêmes au quartier général du groupe (décors, costumes, images, etc.), on s’assure ainsi de transmettre exactement nos intentions et notre propos. Il y a dans l’artisanat une unicité précieuse. Nous aimerions pouvoir nous entourer de professionnels en accord avec cette démarche inventive autonome.

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Il y a quelque chose dans votre musique qui évoque des temps lointains, un mélange de mélancolie, de nostalgie, d’échos du passé dans certains partis pris de composition, comment l’expliquez-vous ?

Comme entre le réel et l’imaginaire, on ne creuse pas le fossé entre les ressentis contraires.

La mélancolie c’est une ivresse triste, la nostalgie un regret agréable. On peut rassembler les opposés en les accolant et créer une dualité en rapprochant les extrêmes. Nous avons fait des temporalités et des émotions de vastes oxymores dans lesquels nous évoluons librement.

On ne peut concevoir un futur sans utiliser un vocabulaire passé, et les tons familiers de ce nous produisons viennent de ce que l’on a vécu, ou d’un historique que l’on nous aurait transmis. Mais notre création n’est pas une réplique, elle est l’expression naturelle de l’existence et de l’espoir, de ce qui a été, est et sera. Dans l’évocation de ce passé nous avons trouvé le portail temporel nous permettant d’être de tous les temps. L’Obscurien convient parfaitement pour exprimer cela, à la fois familier et inconnu. Les vestiges sont éternels et nous allons-venons sur leur infini dernier souffle en l’évocation d’un temps lointain qui pourrait être hier comme demain.

Votre univers révèle une ambivalence constante entre un aspect féerique et un autre plus inquiétant, quel sens donnez-vous à cette ambivalence ?

C’est le Yin et le Yang ! Nous ne pensons pas les forces duales comme opposées mais comme complémentaires. Aucun des deux aspects que tu décris ne fonctionne sans l’autre, qui lui donne évidemment du relief et de la consistance. Nous sommes de bons vivants émerveillés par la mort. Et naviguer entre deux pôles nous permet de raconter une histoire car l’évolution amène le rythme et l’incertitude.

Il y a ce concept psychologique, le Numineux, qui dans l’expérience religieuse lie les notions de fascination et d’effroi (mysterium tremendum). En relativisant l’aspect théologique de cet exemple, nous le comparons avec la sensation créative, l’expérience artistique irréductible qui échappe à toute forme de rationalité, une expérience qui nous dépasse. Tout ce qui est de l’ordre du ressenti pur, n’a d’autre réalité que le ressenti.

Le Groupe Obscur serait-il une nouvelle forme de religion, de mysticisme artistique…? Pourrait-on comparer vos concerts à des rituels ?

Jusqu’ici, on a pris notre temps et à chacune de nos échéances s’est associée une certaine solennité, de fait une aura toute spéciale émane de nous cinq lorsque nous montons sur scène. Le combo de nos cinq personnalités est une curiosité, un alliage sincère de sensibilité et de bizarrerie, alors l’énergie indéchiffrable qui nous unit doit être communicative.

L’arrivée des Trans impacte sur notre rythme, densifiant nos relations et confirmant des habitudes étranges comparables à des rituels secrets. Se costumer est le premier rituel, puis vient le maquillage où chacun choisit sa propre signature. On a un truc secret avec du chatterton noir aussi, un autre avec un appareil photo possédé, et un hymne, mais on ne peut pas en dire plus. Avant que le mystique ne soit lié au religieux, le terme antique définissait ce qui relève de la connaissance du mystère, de son initiation. Alors oui, nous nous initions au mystère et partageons avec plaisir cette expérience.

Peut-on s’attendre à une mise en scène originale pour les Transmusicales ?

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Oui ! Il y aura l’ombre, la lumière, et dans elles nous cinq pour œuvrer à la communication des forces invisibles. Et comme quelque chose qui brille dans la nuit, il faudra s’en approcher pour être bien sûr de voir ce que l’on a cru voir.

À quelle réception de votre travail artistique aspirez-vous ? Votre idéal est-il l’invitation à l’évasion, au rêve, au voyage, une immersion globale, un appel au questionnement…?

Notre travail artistique n’est pas façonné dans la projection de comment il sera reçu. Notre création est motivée par le désir et la pulsion ; elle donne vie à des apparitions. Comme nous n’avons ni honte, ni peur de l’incarner, nous pensons que quoiqu’elle inspire, elle aura tout fait pour impacter pleinement. Alors bonnes ou mauvaises nous espérons que les sensations seront fortes.

On ne peut donc pas parler d’un idéal de réception, surtout que l’agréable se trouve souvent dans la surprise et l’imprévu. Bien sûr, nous avons toujours plaisir à lire ou entendre notre musique qualifiée de singulière ou de troublante, car troubler, c’est parvenir à être entré un peu dans le cœur.

Est-ce votre réponse personnelle au monde moderne cette évasion ou fuite dans un univers imaginaire riche qui mobilise tous les sens jusqu’à en faire oublier le réel ?

Comme on allait à l’Opéra pour assister à un spectacle mettant en scène l’histoire de son époque, on va voir Le Groupe Obscur en concert pour prendre certaines nouvelles du monde. Bien sûr, c’est choisir un chroniqueur particulier, mais on n’en reste pas moins membres de notre époque, avec un discours ancré en elle. On ne cherche pas à scinder notre quotidien d’un univers fantasmé. La phénoménologie est très importante : le réel n’est qu’une somme de perceptions. Nous sommes tous des catalyseurs du réel, comment pourrait-on ne pas y appartenir?

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En live prochainement :

Samedi 9 décembre 2017 – L’Étage – Rennes (35)
Vendredi 01 décembre 2017 – L’Échonova – Saint Avé (56)
Samedi 25 novembre 2017 – Théâtre De Poche – Hédé (35)
Vendredi 24 novembre 2017 – Le Cargö – Caen (14)
Jeudi 23 novembre 2017 – Stereolux – Nantes (44)
Jeudi 16 novembre 2017 – Ubu – Rennes (35)

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