La création émergente du 62e Salon de Montrouge

Marianne Mispelaëre, installation 62e Salon de Montrouge 2017 ©Starface Frederic Garcia

Regroupant 53 artistes internationaux émergents et un grand nombres d’œuvres réalisées pour l’occasion, le 62e Salon de Montrouge ouvrait ses portes la semaine dernière. Lieu de découverte de la jeune création, il donne aussi un aperçu de ce que la France regroupe comme talents entre les nationalités et les cultures. Pour nous guider à travers les œuvres, Ami Barack et Marie Gauthier, directeur artistique et directrice artistique associée, ont choisi quatre thématiques : Laboratoire des formes, Fictions des possibles, Récits muets et Élevage de poussière. Des thématiques qui s’interpénètrent, se confondent, et nous répètent quelques fondements de la création artistique. Au milieu, les œuvres installent leur discours multiples.

Voici donc un premier regard sur quelques artistes du Salon.

Romain Gandolphe

Entre visite guidée imaginaire du Salon de Montrouge encore vide des œuvres des artistes, ou expédition pour retrouver au milieu du désert le lieu d’une photographie, les vidéo-performances de Romain Gandolphe interrogent avec humour les rapports entre œuvre et spectateur, mais aussi entre objet artistique et immatérialité de l’acte de création.

À la recherche, 2016-2017 - extrait de vidéo ©Romain Gandolphe
À la recherche, 2016-2017 – extrait de vidéo ©Romain Gandolphe

À la recherche (2016-2017) trace le récit de son voyage dans le désert de Mojave, à la recherche de l’emplacement exact de la prise de vue d’une photographie de Robert Barry. Cette quête impossible, l’artiste compte bien la continuer jusqu’au bout ! Une recherche de la source de l’œuvre qui se transforme en métaphore de l’acte de création lui-même.

À la recherche, 2016-2017 - extrait de vidéo ©Romain Gandolphe
À la recherche, 2016-2017 – extrait de vidéo ©Romain Gandolphe

Hélène Bellenger

Dans le Salon de Montrouge, plusieurs groupes de poster roulés en tubes sont installés ici et là par Hélène Bellenger. Chacun représente un paysage de coucher de soleil : des images kitsch et exotiques trouvées sur internet que l’installation démultiplie, morcèle et recompose.

Placebo Landscape / Screenshot (2015-2016), installation 62e Salon de Montrouge 2017 ©Hélène Bellenger
Placebo Landscape / Screenshot (2015-2016), installation 62e Salon de Montrouge 2017 ©Hélène Bellenger

Photographe de formation, Hélène Bellenger questionne avec distance et humour nos systèmes de représentations et leurs sources à l’ère 2.0. Ainsi, la série Placebo landscape détourne des images kitsch symbolisant des lieux de vacances. La série Screenshot regroupe des photographies d’écrans d’ordinateurs qui font apparaître leurs traces et leurs poussières. Des interventions qui investissent les images d’une nouvelle matérialité et interroge leurs significations.

Sans titre (objets), 2015-2016, Placebo Landscape ©Hélène Bellenger
Sans titre (objets), 2015-2016, Placebo Landscape ©Hélène Bellenger
Sans titre (objets), 2015-2016, Placebo Landscape, installation 62ème Salon de Montrouge 2017 ©Hélène Bellenger
Sans titre (objets), 2015-2016, Placebo Landscape, installation 62e Salon de Montrouge 2017 ©Hélène Bellenger

Jeanne Briand

Les sculptures en verre soufflées de Jeanne Briand ont une présence étrange. Leurs formes organiques donnent l’impression d’une nouvelle espèce cyborg. La technique artisanale qu’utilise l’artiste contraste avec ces formes épurées et futuristes. Légèrement dérangeantes, elles semblent cacher une vie interne. Dans son travail, Jeanne Briand envisage la matière et les sculptures en termes de flux dont le flux sonore, entre autres. Cela se traduit à travers son projet Gamète Glass : dans ce projet, chaque sculpture est réalisée dans le but de produire son propre son. Celui-ci, une fois fusionné aux sons des autres sculptures, permet la création d’une matière sonore inédite avec laquelle l’artiste à déjà créé quelques compositions.

Ferdinand Makouvia Kokou

Les sculptures de Ferdinand Makouvia Kokou – dont on a déjà présenté le travail ici –  ont elles-aussi une certaine intériorité. Chaque sculpture, bien que massive, a paradoxalement des aspects légers, en éternel suspens. Chaque forme semble être en équilibre entre projection imaginaire et représentation d’une réalité concrète ou vécue. Ainsi, les contours du bois dans J’ai gardé le réflexe découlent d’un exercice libre de dessin à partir du souvenir des contours et des frontières des pays que l’artiste a traversés. Une superposition d’espaces qui imprègnent l’esprit et marque la mémoire du corps comme autant de structures matérielles et sociales contraignantes. Car les imposantes sculptures de Ferdinand Makouvia travaillent la matière autant qu’elles travaillent le corps de l’artiste.

Ferdinand Kokou Makouvia, installation 62e Salon de Montrouge 2017 ©Starface Frederic Garcia
Ferdinand Kokou Makouvia, installation 62e Salon de Montrouge 2017 ©Starface Frederic Garcia

Pauline Brun

Au Salon de Montrouge, Pauline Brun présente une absurde micro-fiction en vidéo : un corps y évolue dans une petite pièce au murs blancs, il cherche en vain à s’y installer avec confort mais semble surtout en combat avec l’espace et les objets. Des objets sous lesquels le corps disparaît souvent, le transformant en pur amas de matière abstraite. Imaginaire névrotique ? Repli vers l’intime pour rompre avec la réalité ?

Capitons, Installation, 2016, collaboration avec Clara Stengel - Grotte du Dard, Baumes les Messieurs ©Pauline Brun
Capitons, Installation, 2016, collaboration avec Clara Stengel – Grotte du Dard, Baumes les Messieurs ©Pauline Brun

Le travail de Pauline Brun s’articule entre installations, vidéos, performances et chorégraphies. Investissant les relations corps-espace-objet, ses œuvres nous apparaissent surtout comme des métaphores des rapports entre le sujet et l’espace individuel et social. Si les limites du dispositif vidéo en salle d’exposition impose une distance avec les spectateurs-trices, la texture sonore des vidéos de Pauline Brun transmettent à l’inverse une impression de proximité. Un son brut qui double les mouvements de l’actante nous plonge dans la matière, et capte notre attention.

Marianne Mispelaëre

Le travail de Marianne Mispelaëre représente des gestes individuels, et interroge leurs causes et leurs conséquences. Cette réflexion peut se traduire à travers des formes abstraites comme avec Mesurer les actes, ou de façon plus concrète et sur fond politique et social comme pour Silent Slogan. Cette dernière œuvre est un répertoire de gestes spontanés et collectifs – entre triangle féministe et V de la victoire – regroupés dans une série de cartes postales que l’artiste distribue gratuitement : libre à nous de continuer à les transmettre !

Une résonance politique que l’on ne peut pas s’empêcher de souligner, et qui se retrouve plus directement dans certaines œuvres que l’artiste a créées en réaction au contexte contemporain, des printemps arabes aux débats sur l’identité nationale.

Noir Gris Blanc, dessin (fusain, charbon), 2016 ©Marianne Mispelaëre
Noir Gris Blanc, dessin (fusain, charbon), 2016 ©Marianne Mispelaëre

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Le Salon de Montrouge s’expose au Beffroi de Montrouge 7j/7 du 27 avril au 24 mai

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