Destiny Frasqueri aura vogué à travers les styles avant de trouver sa pleine et grandiose maturité. Anciennement Wavy Spice, puis simplement Destiny et ses accents soul, avant de se poser définitivement pour son alter ego Princess Nokia, ses identités se déploient comme autant de richesses dans son dernier album 1992, sorti en septembre dernier.
C’est l’apothéose de ses engagements, l’harmonie du fond et de la forme : elle nous balance punchline sur punchline en faisant un doigt à tous les clichés du rap féminin mainstream U.S. Elle nous parle de ses petits seins et de sa bedaine, du ghetto, ou bien de ses cheveux, avec rage. Ce qui pourrait être vu au premier abord comme un ego trip basique de type ascenseur social camoufle un empowerment jouissif pour les femmes, mais surtout pour les femmes racisées.
Et là, Princess Nokia nous fait le plaisir d’ajouter huit titres à 1992 pour une version deluxe, mais aussi un court-métrage qu’elle a co-réalisé pour le morceau « Flava ». Ce dernier est justement le réceptacle de cet empowerment pour les femmes, pour « l’intersectionnalité de l’estime de soi », comme elle l’explique sur Facebook.
Sa voix, posée en amont du son, déroule lentement le propos. Toutes les filles sont destinées à briller. Toutes les filles sont destinées à être spéciales dans ce monde. Elle glisse doucement à ces filles qui sont moquées, puis copiées, qu’elles sont belles. Elle y expose l’appropriation culturelle de la beauté urbaine, le racisme de celles qui dépensent des milliers pour se brunir la peau. Avant de complètement retourner le stigmate dans la deuxième partie du clip.
Princess Nokia, avec ses huit titres supplémentaires, complète son récit. Sur des rythmes à l’ancienne, on vogue à New York au milieu de l’adolescence de Destiny Frasqueri. On suit sa colère dans des atmosphères sombres et planantes.
Ses mots se déroulent, évidents. Afro-portoricaine, à la croisée de multiples identités, elle explore les problématiques sociales qui l’entourent de manière systématique. On ne se lasse pas de ses envolées d’auto-célébration, de la récurrence de ses petits seins, comme une injonction universelle à s’aimer soi-même sans limite, sans se soucier des standards privilégiés.