La chronique qui massacre le commentaire politique en diffusant un lesbian gaze sur l’actu.
Toutes les deux semaines, suivez les actualités politiques de la Gaule judéo-chrétienne en campagne pour le choix de son (ou sa) nouveau·lle chef·fe de l’État, décortiquées par le redoutable lobby queer. En compagnie de Constance de l’Epine, Brutta Garbo et le reste de la menace gouine-féministe-wokiste qui sévit dans ce média islamo-gauchiste. Cette semaine, on analyse la terrible guerre qui ravage le camp des boomers de l’élection.
Épisode 1 : La guerre des boomers
Il y a quelques semaines, alors que je tentais de trouver le sommeil dans une nuit de pénible solitude, je me berçais d’une interview de Jean-Luc Mélenchon. Sa voix de Père Noël indigné, je l’avoue, peut parfois rassurer la lesbienne en manque de repères masculins que je suis. Enfin endormie, je fus néanmoins brusquement réveillée par les hurlements cinglants d’un autre personnage, au virilisme légèrement moins rassurant : Éric Zemmour. La lecture aléatoire de YouTube avait amené à se tenir un meeting d’extrême droite dans ma chambre, à mon insu, et ma coloc, rentrant de soirée, n’ayant pas eu le courage d’y mettre un terme, tenta tant bien que mal de s’endormir sur fond de cris hystériques incitant à la haine raciale et misogyne. Avant de claquer mon écran au grand dam de mon chat, qui suivait attentivement la vidéo (c’est désormais chose connue, à l’extrême droite on kiffe les chats, il a dû le sentir), j’entendis le polémiste scander les mots « justice, autorité, punition, assimilation ». Je ne pus retrouver le sommeil, prise d’un questionnement existentiel de lesbienne communautariste.
Mélancolie et fascisme : autrement dit, la peur ancestrale de la demi-molle chez les boomers soixantenaires. Parlons-en.
La droite en France totalise aujourd’hui plus de 71% des intentions de vote à la présidentielle 2022. Les candidat·es se sont largement aligné·es sur les idées extrémistes du polémiste qui nous inflige sa crise de la soixantaine depuis quelques mois. Clairement, le grand enjeu de la droite va être celui de séduire les hordes de Français·es qui semblent emporté·es par des élans de nostalgie fasciste.
Eh oui, n’en déplaise à l’éditorialiste Renaud Pila qui, avec les autres white mascu de LCI, est un peu gêné d’employer le mot « fasciste », un homme qui croit en une France où « on n’aura pas le droit d’appeler son fils Mohamed », où les chefs d’entreprise « ont le droit de refuser des Arabes ou des Noirs », où l’on justifie les massacres perpétrés en Algérie par le général Bugeaud et où l on dit que, finalement, Pétain aurait sauvé des Juifs, eh bien c’est au moins un huge fan de Mussolini.
Mais si la presque totalité de ce pays s’accorde à dire que le moodboard de la France de 2022 c’est « travail, famille, patrie », à quoi je sers ? Que valent nos spéculations queers sur la justice transformative, la parentalité alternative, nos tribunes wokistes et nos fantaisies féministes ? Rien. Déjà que c’est dur de faire de la pédagogie aux hommes cis het’ de nos entourages, on ne va pas se mettre à expliquer à des millions de zemmouristes euphoriques que le « woke » n’est pas un plat asiatique en train de remplacer la blanquette de veau dans nos assiettes ! Ni le grand danger qu’iels s’imaginent !
Constat final de cette nuit-là : fuir sur l’île de Lesbos et rejoindre la communauté lesbienne de Skala Eressos sera sans doute la meilleure solution pour éviter la charge mentale que cette élection va nous imposer.
Il me semble, après avoir pondu une analyse politique complètement biaisée, subjective et ultra lesbianisante, que tout ça n’est qu’un concours de bites nostalgiques. Mélancolie et fascisme : autrement dit, la peur ancestrale de la demi-molle chez les boomers soixantenaires. Parlons-en.
Mélancolie et fascisme sont les maîtres-mots de cette guerre des boomers. Une bataille intime qui dévoile de tristes histoires de solitude et de fragilité masculine.
Je pense que la seule chose à retenir de ce début de campagne est que des hommes français, d’âge compris entre 60 et 70 ans, digèrent mal le fait que la France, doux pays de leur enfance, soit sortie des années 1960-1970. Ils veulent rejouer les Trente Glorieuses, se promener avec une baguette sous l’aisselle dans « la plus belle avenue du Monde » (la Canebière, on est d’accord ?), porter des marinières et draguer « à la française », gérer les comptes en banque de leur petite bonne femme en « bon père de famille » et pouvoir, en toute tranquillité, réinstaurer le droit à la blague raciste et misogyne !
M’enfin, arrêtons de brutaliser ces golden boys boomers, n’ont-ils pas déjà assez souffert après la cauchemardesque, terrifiante, apocalyptique insertion du pronom « iel » dans le Robert ?
Mélancolie et fascisme sont les maîtres-mots de cette guerre des boomers. Une bataille intime qui dévoile de tristes histoires de solitude et de fragilité masculine. « J’ai peur, j’ai peur maman, j’ai pas envie de partager mes bonbons avec les autres enfants de l’école » : voici le résumé de la campagne du mouvement Reconquête. Laissez aux tontons Éric leurs bonbons, enfin ! Nous, les gouines, leur en demandons sans doute trop.
Laissez-les bâtir, avec leurs petits Lego colorés, un « Guantanamo à la française » et qu’ils s’éclatent avec leurs armes gros calibre en échangeant entre eux des regards d’entente puant le vin rouge made in France en mode « ça rigole plus hein, mon vieux ?! ».
Zemmour déclare tristement être encore traumatisé par la mort de Louis XVI. Mais vous vous rendez compte ? Le pauvre bonhomme, tu m’étonnes que ça le trigger quand SOS Racisme débarque à ses meetings. Face à un tel passif de souffrance, que sont finalement les trois viols par heure qui ont lieu en France tous les jours ?
Et il n’y a pas qu’Éric Zemmour qui, après avoir découvert l’art et la manière du ouin ouin, se dit « victime de violences ». Montebourg, dont on connaît le charme poivre et sel, en pleine montée de viagra, nous parle de « remontada » et d’homme providentiel… alors que sa candidature suscite le même enthousiasme qu’une émission de télé-achat diffusée un mercredi après-midi sur une chaîne régionale. Éric Ciotti, quant à lui, y a cru à sa droite assumée, avant que tata Valérie le rappelle à l’ordre de sa main thatchérienne. Xavier Bertrand, après sa défaite aux primaires LR, affichait une mine d’enfant de chœur déçu qui m’a brisé le cœur en mille morceaux. M’enfin, arrêtons de brutaliser ces golden boys boomers, n’ont-ils pas déjà assez souffert après la cauchemardesque, terrifiante, apocalyptique insertion du pronom « iel » dans le Robert ? N’avez-vous donc pas remarqué que Blanquer ne se rase plus depuis des semaines suite à cet effondrement civilisationnel sans commune mesure dans une France exposée à la menace terroriste, au danger nucléaire et aux catastrophes climatiques ?
Dans le but de rassurer tous ces bonhommes apeurés, une voix s’élève : celle du journaliste Brice Couturier, auteur de Ok Millenials (éditions de l’Observatoire). Une enquête où l’auteur baby-boomer s’auto-caricature dans l’effort de détruire les mythes wokistes de la génération de ses enfants. À l’entendre parler face à Alice Coffin sur France Inter, j’ai eu la sensation d’assister à un repas de Noël qui tourne mal après avoir eu l’idée malheureuse de parler politique. Je priais pour que Léa Salamé arrête Alice Coffin et lui dise : « Mais arrête, arrête avec ton génie lesbien, ne vois-tu pas que tu t’en prends à un chaton soixante-huitard qui va faire une syncope en direct s’il apprend qu’on est en 2021 ? »
Brice Couturier est convaincu que sa phase maoïste de jeunesse lui vaut aujourd’hui une sorte de pass révolutionnaire ad honorem causam, comme si Mai 68 avait été l’alpha et l’oméga des mouvements sociaux du XXème siècle. Il suffit de songer à Cohn-Bendit pour se rendre compte qu’on n’a pas tous·tes la même définition de révolution. Bref, cet homme n’est pas si différent au fond de ses congénères qui se battent pour conquérir le Trône de fer de la France : un boomer égaré redoutant les « djeunz » qui le font douter de sa légitimité. Cœur sur lui.
J’ai une proposition pour accompagner ces boomers dans leur combat encore plus hystérique que le danger féministe : parlez un peu entre couilles, retrouvez-vous autour d’un pastis, laissez tata Valoche et cousine Marine gérer leur dyke energy entre elles et le petit « adolescent qui se cherche » qui occupe l’Élysée se faire bizuter par les daronnes. Restez entre vous, boomers, découvrez les joies de la non-mixité, créez des clips de campagne nostalgiques, déguisez-vous en Général de Gaulle version drag race et pleurez sur la septième de Beethoven toute la journée, pendant que la modernité avance, mue par les ficelles sournoises du lobby LGBT+.
Illustrations : © Brutta Garbo. Pour suivre son travail, rendez-vous sur son incroyable compte Instagram.
Retrouvez le deuxième épisode de De Gaulle’s Drag Race 2022 :