Ce matin, nous avons enfin écouté Stop and Start, le troisième album de Tristesse Contemporaine, à paraître le 20 janvier sur Record Makers.
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Tristesse Contemporaine. Acte III, scène 1. Après un premier album en forme de déclaration d’indépendance (Tristesse Contemporaine) et un second en lévitation au-dessus de la meute (Stay Golden), Stop and Start vient clore une trilogie tout en anticipant un nouveau cycle. Aux commandes de cette véritable machine à voyager dans le temps, le trio le plus apatride de l’Hexagone : Narumi est japonaise, Maik anglais d’origine jamaïcaine et Léo suédois.
Accompagnés d’un batteur sur la moitié des titres, ils appuient ici sur l’accélérateur. Direction : le futur ; destination : inconnue. Comme carburant, l’essence de ce qui fait Tristesse Contemporaine : « deux accords/un minimum d’instruments/un maximum de réverb ». Soit une certaine idée du less is more appliquée à la pop music. Produit par le groupe et mixé par Clément Bonnet, Stop and Start développe ainsi la fonction « clean and trash », celle du chaos généré par frappes chirurgicales, pour créer une forme de Big Bang entre musique industrielle et psychédélique qui ferait le pont entre Suicide et Television Personalities, entre ESG et Chris & Cosey. Les armes à la main, Tristesse Contemporaine attend avec impatience le choc du live pour développer les structures de ces clashs sonores, mais l’on sait déjà à l’écoute de Stop and Start que le groupe y a banni le « middle of the road » pour se concentrer, pied au plancher, sur dix morceaux aussi tranchants que la lame d’un rasoir.
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Vous connaissez ce précédent paragraphe, il est déjà partout. Article d’un chargé de communication, il a traversé toutes les rédactions, ses éléments de langage nous imprégnant au passage. Il fallait tous nous positionner en regard. Devions-nous encenser l’album sur le même mode, le détruire parce que trop de nos confrères se sont déjà prêtés à l’exercice, enchérir ou contre-attaquer ? La critique musicale, scénographie pour un simulacre.
Mise au point :
« Mon idéal, quand j’écris sur un auteur, ce serait de ne rien écrire qui puisse l’affecter de tristesse, ou, s’il est mort, qui le fasse pleurer dans sa tombe : penser à l’auteur sur lequel on écrit. Penser à lui si fort qu’il ne puisse plus être un objet, ou qu’on ne puisse pas non plus s’identifier à lui. Éviter la double ignominie du savant et du familier. Rapporter à un auteur un peu de cette joie, de cette force, de cette vie amoureuse et politique, qu’il a su donner, inventer. »
Gilles Deleuze, Dialogues
Stop and Start, « mieux vaut pas que tu l’écoutes, tu risques de pas comprendre ce qu’il y a dessus », c’est Le Chant de la machine¹, celui que tu peux replacer dans la longue continuité de Kraftwerk aux Sleaford Mods, en passant par New Order et Joy Division. Influencés par le punk et les raves, certes, probablement aussi par « l’horizon indépassable de notre temps »… « No Hope ».
« Tout se passe comme si le catastrophisme écologique né du sentiment diffus d’une fin du monde provoquée à plus ou moins long terme par la poursuite d’une dévastation sans fin se doublait d’un catastrophisme social. »
Jean-Pierre Garnier
2017, Trump, élections, primaires, post-vérité, Tristesse Contemporaine. D’aucuns trouvent leur nom laid, nous le trouvons à-propos. À tout perdre, comment entamer l’année d’une meilleure façon qu’en l’exorcisant à coups de riffs trash, de kicks exutoires, de spoken word déshumanisé et de transe répétitive ?