Des clips à l’image « soignée », une émergence en festivals et un album, Mydriaze, qui deviendra culte : Contrefaçon signe avec panache l’épilogue des années 2010. Entre le gabber et le breakbeat, les quatre parisiens ont réussi à construire un univers atypique, chaotique et harmonieux à la fois. A l’occasion de leur prochain concert à la Gaîté Lyrique le 13 décembre, le groupe s’est confié à nous sur ses influences, et leurs futurs projets.
Une semaine avant le concert de leur vie, c’est en pleine répétition de ce dernier que l’on découvre Contrefaçon en plein travail. Junk8 triture ses machines, alors que Mike tente avec exigence de calibrer son autotune. Mandelboy, sous son hoody, fait quelques pas de jumpstyle, tandis qu’une des guests du futur live s’étire avec élégance, telle une ballerine. Aucun doute : pour ce concert à la Gaîté Lyrique, Contrefaçon a décidé d’ouvrir toutes les vannes. Mais revenons sur cette année où le quatuor aura marqué les esprits.
Manifesto XXI – En 2009 sortait Romborama des Bloody Beetroots. Dix ans plus tard, vous sortez Mydriaze, votre premier album. Contrefaçon ne serait-il pas une contrefaçon française de ce groupe mais pour une fois mieux que l’original ?
Mike : On nous l’a déjà dit (même si on aime bien les Bloody Beetroots) mais il n’y a eu aucune volonté d’affiliation à ce duo.
Antipop : C’est vrai qu’on nous fait souvent la comparaison alors que je n’avais même pas écouté cet album quand il était sorti. Aucune volonté de copier ou d’être dans la continuité de ce groupe.
Mike : Ce qui nous a plutôt influencé ce sont les sonorités rave des années 1990, le breakbeat, ou encore le gabber.
Cet album est d’ailleurs scindé en deux parties : la première avec des morceaux aériens et breakbeat, l’autre plus proche du gabber. Pourquoi avoir dissocié ces deux univers clairement ? Sont-ils incompatibles ?
Junk8 : Non… Je ne pense pas. Cet album a été fait sur la longueur, il s’est étalé sur deux ans. Et on a vraiment pas voulu faire de compromis sur celui-ci. On ne voulait pas faire de sélection. Il y a des sons super vénères sur l’EP 2, comme des sons très mélodieux sur l’EP1. Alors on s’est dit pourquoi ne pas rejoindre ces deux univers. On a ces deux styles qui émergent, autant mettre ces deux facettes.
Mandelboy : Tous les sons se répondent d’ailleurs. Ils s’influencent les uns les autres.
Mike : On aurait pu les mélanger, mais à l’écoute il y aurait eu plein de gens qui n’auraient pas eu envie d’écouter des trucs gabber selon leur mood. Avec cet album, ils peuvent se retourner sur la Face A, plus inspirée notamment par un côté French Touch, par exemple. Cette distinction, c’est toujours Contrefaçon, mais plus agréable à l’écoute.
Toutes ces idées on les a depuis très longtemps.
Mandelboy
En parlant de la French Touch, qui a influencé le paysage électronique hexagonal durant des années, pensez-vous que cette nouvelle scène plus underground et brute vont inspirer des courants plus “mainstream”?
Antipop : Le kick de gabber, ça fait pas rêver les foules… (rires)
Mike : Dans les clubs je pense que les gens en ont marre de la techno. De plus en plus, dans les clubs, on retrouve des types comme Casual Gabberz, car c’est très fédérateur (et ça ambiance assez facilement). Mais de là à dire que ça sera une tendance « mainstream »… Je ne pense pas, ça reste quand même du bruit pour beaucoup de gens.
Junk8 : Non mais la trance, ça peut revenir.
Mike : Je pense pas qu’il y ait de relève à des groupes comme Daft Punk ou Justice.
Antipop : Mais n’empêche que ça serait trop bien que Casual Gabberz explosent.
Mike : C’est sûr. Ce sont un peu les seuls qui apportent de la nouveauté à mélanger des univers différents. Mais ça reste cantonné aux clubs et aux festivals, ce n’est pas encore sur les main stages.
Ça fait plusieurs semaines que l’on est spectateurs d’un flirt sur Instagram, à base de likes et et de reposts entre vous et Vladimir Cauchemar. On en a marre de tenir la chandelle : il va se passer quelque chose entre vous ?
Mike: On verra. No Comment (rires)
Junk8 : On l’a rencontré en festival, et c’est quelqu’un avec qui il s’est dégagé des affinités. Mais rien de prévu pour l’instant.
Antipop : C’est vrai qu’on n’a pas encore fait de featurings ou de remixes…
Mike : Si, on en a fait des feats, mais avec nos potes. Et en ce moment, notre réseau de potes commence à s’élargir, donc on verra.
Antipop : Si ça se trouve ça se concrétisera autour d’une raclette…
La cover de votre album fait écho à l’album de Nirvanna Nevermind. Ici le bébé qui tente d’attraper le billet a bien grandi. Que tente-t-il d’attraper maintenant ?
Antipop : Il est surtout un peu plus « foncedé » le bébé.
Mike : Sur notre cover, le bébé a juste perdu l’oseille, comme à la fin du court métrage de Mydriaze. À la fin, le héros tombe dans la piscine et il n’a plus l’oseille en vue. Il a juste l’horizon, avec rien devant. Je sais pas si cela représente une grande allégorie ou je ne sais quoi. Mais en effet, il y a un gros clin d’oeil à Nevermind sur la pochette.
C’est une image de Paris que peu de gens se font et connaissent. Et pourtant c’est un Paris qui existe vraiment et qui reste caché.
Mike
L’hymne “Destroy” scande “Mollo Mollo sur le destroy ». Si le ministère de la santé était amené à synchroniser ce morceau pour une campagne anti-drogues, seriez-vous d’accord ?
Antipop : Pourquoi pas, ça serait marrant non? On est ouvert à toutes les collaborations.
Mike : Par contre, on fournit un clip destroy qui va avec et on le fait nous-même.
Junk8 : Par contre, pas sur que ça fonctionne. (rires)
Mike : Il faudra juste qu’ils ne décèlent pas les images subliminales.
Dans cet album, on y retrouve les voix d’Adé de Thérapie Taxi, et de Regina Demina, plus connues dans le monde de la pop. Pourtant elles se retrouvent parfaitement dans l’univers que vous avez construit. Pour vous, ces femmes sont-elles “destroy” ?
Antipop : Regina peut être destroy.
Mike : Ah non! Je trouve pas. Elle n’est pas destroy.
Antipop : Ça dépend… qu’est ce que tu qualifies de « destroy » ? Pour moi ce n’est pas péjoratif.
Mike : Pour moi destroy, ça fait référence à la drogue…
Mandelboy : … Ou juste un état d’esprit Rock&Roll.
Mike : Alors c’est vrai que l’univers de Regina est un peu chaotique par moment.
Antipop : Ah oui il est bien destroy son univers. Après c’est quelqu’un de très sain. Tu la voyais, elle faisait des étirements pendant les répétitions tout à l’heure.
Mike : Elle n’est pas destroy pour moi. Et puis Adé, on ne s’en est pas servi à contre emploi. On l’a mise sur un morceau qui lui va bien. Elle reste plutôt fidèle à ce qu’elle fait habituellement mais dans un univers un peu plus électronique. Tout comme LAAKE. Si on a choisi ces trois personnes, c’est parce qu’on a fait des tests, que c’était nos potes, et le tout s’est fait naturellement.
Vos clips, votre merchandising, votre court métrage… Votre image semble millimétrée. Est-ce le cas ou vous fonctionnez à l’instinct?
Antipop : Toutes ces idées on les a depuis très longtemps. Pour le merch’, on a plein de projets, mais cela prend du temps à mettre en place. Le nom “Contrefaçon” t’offre plein de possibilités en fait, surtout pour le merch : on peut faire plein de détournements.
Mike : Ce qui est sûr, c’est que la base de notre univers vient des clips. Puis ça s’est extrapolé sur les réseaux, sur les dates… On essaie de rester cohérents dans l’ensemble.
Mandelboy : Il y a aussi beaucoup d’instincts, qui s’agrègent progressivement et se collent sur l’image que l’on construit. On bricole avec les moyens qu’on a.
Dans le morceau “Virtuel”, on peut entendre “Sans espoir, sans repaire y a des airs d’irréel; sans ton âme tu vies en parallèle; dans Paname la vie est virtuelle/éternelle, dans Paname l’éternel visuel”. Est-ce que ce constat que vous faites s’applique particulièrement à Paris, d’où vous venez, ou c’est tout simplement un phénomène universel?
Mike : Cette chanson parle du rejet de la ville. Tout dépend si tu viens de Paris.
Mandelboy : Et puis Paris est une ville qui est chargée de symboles, on joue avec.
Mike : On habite pas très loin de Porte de la Chapelle. Il y avait encore la colline il n’y a pas très longtemps. Et là-bas, c’est clairement “Sans repères”, quand tu es à côté du F1 et du Bowling. C’est une image de Paris que peu de gens se font et connaissent. Et pourtant c’est un Paris qui existe vraiment et qui reste caché. On habite la même ville, et on ne vit pas la même vie. Pour eux, l’image de Paris véhiculée, elle est clairement virtuelle.