Samedi 29 février avait lieu la Provocative Women For Music, une soirée de célébration des talents féminins de la scène électro, organisée à l’initiative du collectif PWFM, en partenariat avec Night Embassy Paris. La fête était précédée de discussions où des acteurices engagé.e.s de la scène parisienne étaient invité.e.s à partager leur précieuse expérience pour rendre la nuit safe pour toustes.
Lancé en novembre, Night Embassy Paris (dont Manifesto XXI est partenaire) offre carte blanche à quatre activistes de la nuit pour organiser une soirée gratuite au cours de l’année 2020. L’honneur de la première est revenu à Marion Delpech, co-fondatrice de PWFM, media dédié aux jeunes talents des musiques électroniques. Évoquant sa prise de conscience, « une sorte de déclic », elle a tenu à s’engager pour la parité dans la nuit en organisant plus de soirées pour « fédérer, rassembler et proposer des programmations de qualité et qui soutiennent les femmes ».
A l’affiche ce soir-là, la productrice Tryphème, les DJs Léa Occhi et LISA en B2B avec Soul Edifice et Lacchesi. Avant de laisser la place à l’euphorie, la soirée commençait par un temps de réflexion nécessaire sur la place des femmes dans la nuit : présentation d’ACT RIGHT, nouvelle plate-forme rassemblant des professionnels de la fête pour lutter contre les agressions sexuelles, puis extrait du documentaire La Nuit venue on y verra plus clair, réalisé par Le Bruit de Fond et PWFM (sortie prévue en avril). « La nuit est un petit milieu, mais ce qui se passe de pas cool dehors se répercute de manière encore plus intense dans les clubs. » concluait Marion.
Une fois le constat des disparités sur le dancefloor et aux platines posé, deux discussions mettaient en valeur les initiatives en place pour corriger les inégalités. Ces deux tables-rondes — « (Ré)inventer la fête : bien-être et accessibilité pour toutes et tous », et « Plus que la techno, quand les femmes refont la nuit. » — étaient organisées par le collectif Woman’s Speech, représenté ce soir-là par Laëtitia Stifanide et Mathilda Portoghese. Des discussions entre ces acteurices de la nuit queer et féministe, nous avons tiré 10 conseils pour faire de chaque dancefloor un espace de célébration safe et mixte.
Veiller à proposer un tarif abordable
Diversifier la population du dancefloor, est une question financière : Parce que les « minorités », aka les femmes, personnes queer et racisées subissent de multiples discriminations, ce sont aussi les populations les plus pauvres. « On ne peut pas occuper le même espace parce qu’on n’a pas le même pouvoir économique. » a résumé Transterror, DJ et organisateur de soirées alternatives à prix libre.
Choisir un lieu avec un espace permettant l’accès aux PMR
« C’est un angle mort de la scène française » selon Elsa Deck-Marsault membre de la Queer Week et du collectif de sex parties Drama : Peu de clubs à Paris semblent configurés de manière vraiment accueillante pour les personnes à mobilité réduite, alors autant bien choisir.
Afficher son intention clairement
Pour qu’une soirée soit safe, il est crucial de l’afficher clairement cet objectif de respect et bienveillance dans sa communication en amont et sur le terrain. Pour cela, Consentis met des affiches format A3 à disposition.
Programmer des femmes
Veiller en même temps à la parité, à la diversité et à la qualité de son line-up, oui c’est tout à fait possible : Si vous cherchez des artistes de talent, Woman’s Speech présente régulièrement de nouveaux DJ et producteurices dans son podcast.
Inviter une association de prévention
Près de trois ans après #MeToo, il faut continuer d’expliquer ce qu’est le consentement, la différence entre du forcing et une drague saine. En soirée, une forme « d’endettement sexuel » peut interférer dans l’expression du désir a ainsi expliqué Domicile Raveau, co-présidente de Consentis : Quand un homme paie un verre à une femme, cela peut créer un sentiment de redevabilité malsain et qui ne devrait plus avoir lieu d’être. Les associations Fêtez Clairs, OUTrans ou encore Sexy Soucis abordent aussi les notions de consentement en lien avec les problématiques de prises de stupéfiants et de santé sexuelle.
Faire se rencontrer les arts pour faire passer des messages
Inviter un.e artiste à performer peut être un moyen de diffuser des messages importants : Par exemple, Cassie Raptor DJ et VJ mélange création artistique et messages explicites dans ses créations visuelles. Hildegarde, artiste non-binaire met en scène sa (quasi) nudité dans ses performances pour revendiquer l’empowerment du corps féminin.
Briefer le personnel de sécurité
Inclure les équipes de sécurité en amont dans le dispositif de bienveillance est une étape clé pour assurer son accueil du public, et la bonne réception de la parole en cas d’agression sexuelle au cours de la nuit. C’est aussi une manière de marquer le respect d’une organisation pour leur travail.
Rendre quelques personnes de l’orga identifiables
S’assurer que tout le monde va bien au cours de la nuit, est la manière la plus basique de faire savoir que vous vous souciez du bien-être des teuffeurs.es. Et cela, que vous soyez une organisation bénévole ou professionnelle comme l’a très bien résumé Cindie co-fondatrice du collectif ACT RIGHT : « Si on veut toucher le public, il faut s’engager en tant que pros. »
Ne pas genrer les toilettes
L’assignation à utiliser telle ou telle toilette peut être vécue comme une injonction particulièrement violente pour les personnes trans, comme en a témoigné Transterror. Quand c’est possible, baliser les toilettes comme un espace mixte permet d’éviter des situations de malaise.
Veiller à la sortie du club
Le choix du lieu est déterminant pour s’assurer que le public le plus sujet aux agressions nocturnes, à savoir les femmes et en particulier les femmes trans repartent saines et sauves de la soirée. S’assurer que l’équipe de sécurité ou qu’un membre de l’orga veille régulièrement sur l’extérieur sera apprécié du public.