De Kooning a dit quelque chose comme « la chair a été la raison de l’invention de la peinture à l’huile ». Les œuvres de Christiaan Conradie rappellent en effet que la peinture est profondément liée à la vie, au sens le plus sensuel, dionysiaque, énergique. Héritière en cela de Rubens, Rembrandt ou de Lucien Freud, cette touche est enlevée, matiériste et généreuse.
Pourtant, nul déjà-vu sur ces toiles : elles sont bien loin les jeunes vénus alanguies et plantureuses. Les modèles de Conradie sont des hommes, d’un certain âge, dont l’expérience de la vie a marqué les fronts et les regards. Souvent réduits à des yeux, à une main ou à un visage effacé, ces bouts d’humain n’en sont que plus présents et inquiétants. Car cette chair comporte quelque chose de carné, maladif. Et la morbidité des peaux est mise en exergue par le constant travestissement clownesque ou bouffon des personnages. C’est ce décalage qui étonne le plus dans l’œuvre de Christiaan Conradie.
Les chairs flasques sont en effet inextricablement liées au monde de l’enfance : confettis, bonbons, fleurs de plastiques et néons multicolores viennent nier la planéité de la toile tout en créant une atmosphère kitsch des plus truculentes. Loufoques et absurdes, les mises en scène créent un mauvais goût baroque et plastique qui nous échappe et nous étonne. Entre le cocasse et le sérieux, l’équilibre se fait : c’est un art qui mérite attention.
Exposition de Christiaan Conradie jusqu’au 10 novembre 2017, à la Galerie Bellechasse.