Perché, impalpable, comme une comptine sous acide pour adulte en montée, le dernier album de Bonnie Banane, Sexy Planet, est à son image. Comme un refus des convenances, Bonnie provoque des émotions irrationnelles, un trip légal que l’on vous recommande.
Oscillant entre des univers variés, entre un « Zinzin », dont les consonances lunaires rappellent l’atmosphère d’un Vol au-dessus d’un nid de coucou remasterisé façon synthés, les voix perchées d’un « Cha-Cha-Cha » ou les regrets d’un « Mauvaise Foi », Bonnie Banane surprend. Nous targuant de ces mondes insolites, l’artiste expérimente autant qu’elle nous balade. Chaque morceau est une invitation à ressentir une émotion singulière, puissante, dont elle fait varier les fréquences. Seul point de repère, cette voix rauque, gutturale, qui structure son album, et les suaves mélodies, sensuelles, sexy dont elle assume et souligne le trait.
Sexy Planet explore donc les différents tréfonds amoureux, du désir, de la haine, de l’orgasme aux papillons dans le ventre, Bonnie Banane livre les composantes de son cœur au prisme de morceaux éclectiques. Une planète mue par ce regard d’enfant omniprésent qui décrit avec sincérité les émotions ressenties. À la manière d’un Candide, Bonnie semble vouloir rester la plus pure, un regard neutre, comme si le monde des adultes était synonyme de mensonge et de faux-semblant. Et pourtant, la complexité de ses sentiments rompt avec cette innocence, rattrapée par la réalité et l’amour. C’est ici le paradoxe de l’artiste qui rend son style unique, à l’orée de galaxies perchées.
Dans « Intuition », Bonnie parle de cette impression étrange que quelqu’un l’habite, qu’elle est une invitée de son propre corps, tandis que dans « Limites » elle affirme – « c’est pas contre toi mais j’ai déjà dit non, allez, fais un effort, la vie c’est pas compliqué, des limites à ne pas dépasser, si je t’appelle plus c’est que j’en ai assez vu » – les bases d’un consentement dont les enfants sont souvent ignorants. Dans « Mauvaise Foi », c’est le repenti dont Bonnie explore le spectre : « J’aurais jamais dû faire ça, j’aurais jamais dû te faire du mal, c’est juste que parfois j’oublie que ta présence est vitale, pardonne-moi, encore une fois. »
Bonnie décrit elle-même : « J’ai voulu écrire une sérénade de rachat pour un femme qui essaie de faire bonne figure, mais qui ne pense qu’à moitié ce qu’elle chante. Incorrigible, maladroite, elle s’adresse à cet homme un peu bitchy sur les bords, si vénal qu’on pourrait le corrompre. » Au final, Sexy Planet résume avec brio le quotidien de beaucoup d’entre nous, et c’est pour cela que l’album nous touche tant.
Photo de couverture : © Pierre-Ange Carlotti