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Black Bones, le contraste démultiplié

Black Bones, le contraste démultiplié

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Homme aux multiples projets live, Anthonin Ternant semble se frotter à tout. Entre son projet solo folk Angel, son projet new wave avec The Wolf Under The Moon, ses dessins et Black Bones, on se perd dans l’immensité géniale de l’ensemble. L’artiste, progressivement, mêle un son extrêmement varié et pop à une proposition visuelle obscure. Sur scène alternent un roi dans son château, un ange puis une équipe de baseball mexicaine au fil des projets musicaux. Aujourd’hui, tous les morceaux des trois idées sont réunis sous le nom de Black Bones, bien que cela n’enlève rien à l’autonomie live de ces derniers. Rencontre avec celui qui apparaît comme un véritable puits créatif.

Manifest XXI – Pour pouvoir recontextualiser, qui es-tu ? Que fais-tu ?

Anthonin : Avant Black Bones, je jouais dans un groupe qui s’appelait The Bewitched Hand qui a duré 7 ans et s’est arrêté en 2014. Suite à ça j’ai monté plusieurs projets : Angel, The Wolf Under The Moon et Black Bones. Ce sont des groupes pop qui ont la particularité d’avoir une scénographie très visuelle. En l’occurrence Black Bones, on est une équipe de baseball mexicaine. Enfin ça dépend des concerts, quand on a la place de la faire on le fait comme ça sinon on est juste en mexicains avec des sombreros. On s’adapte au lieu, et dès qu’on a la possibilité de faire un truc un peu marrant visuellement, on le fait.

Tu as réuni tous tes sons sous le nom de Black Bones mais en live ça existe quand même séparément, comment ça se déroule concrètement ?

Effectivement, pendant deux ans j’ai eu trois projets live, ce qui m’a permis de jouer beaucoup mais là on va sortir notre premier album avec Black Bones en septembre, donc on cherche un peu à simplifier. On s’est rendu compte, notamment pour les pros, que le fait d’avoir trois projets brouillait trop de pistes. Nous sommes clairement en recherche d’un tourneur et il fallait simplifier le message. On se concentre plus sur Black Bones et c’est vrai qu’à l’avenir, il n’y aura que des albums de Black Bones même si les projets de Wolf et Angel continueront en live. Ça veut dire aussi que sur les albums de Black Bones, on pourra retrouver un peu tout.

Même si ça a été réuni, tu peux me décrire les particularités de chaque projet, qui ont des scénographies différentes, pour comprendre la complexité de l’ensemble ?

Angel est un projet solo plutôt folk où je suis un ange sur scène. J’ai des ailes et une auréole incrustées de leds de couleur. Je suis tout seul avec ma guitare habillé en ange et j’ai un système lumineux autour de moi qui est synchronisé au morceau que je joue. Selon le passage du morceau, les couleurs et leurs intensité changent, ça peut aussi déclencher du stroboscope, de la fumée, de la lumière noire, etc… Ça peut se jouer un peu n’importe où, on a déjà joué chez des gens. C’est le côté pratique du projet.

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The Wolf Under The Moon

Après tu as The Wolf Under the Moon, qui a beaucoup été joué en jeune public même si c’est un projet tout public. C’est un mini-opéra : je suis un roi sur scène, il y a un château hanté avec un cimetière et une forêt. Il n’y a pas d’instrument, seuls les chants sont live, le reste est sur bande à la manière des émissions TV de variété. Il y a plusieurs intervenants sur scène qui animent des squelettes, des fantômes et puis encore d’autres vrais personnages : une reine, un viking, un ange, Dieu. Tout ça en lumière noire, dans une ambiance fluo de train-fantôme.

Enfin Black Bones, on est un groupe de 5 musiciens. C’est pop, comme les deux autres projets. Alors que Angel est plutôt folk et Wolf plutôt new wave et mélancolique, Black Bones est plus fun et dansant, plus 90’s. À certains moments du concert, nous nous transformons en équipe de baseball de zombies mexicains et nous faisons des chorégraphies avec les battes. C’est le contraste entre le côté très pop des chansons et le côté violent des battes de baseball qui m’amuse.

Tu disais dans une interview que c’était un peu comme un laboratoire. Pourquoi tant de projets ?

C’est d’abord parce que je ne veux pas faire autre chose que de la musique et que plus j’ai de projets, plus j’ai de concerts et plus je peux en vivre. Et puis c’est aussi en réaction à l’arrêt des Bewitched. J’avais déjà Wolf en parallèle mais ça n’était pas encore développé comme aujourd’hui. Angel s’est monté très vite après parce que j’avais envie de rejouer et qu’un projet solo c’est rapide à mettre en place. Black Bones est arrivé ensuite parce que pour moi la base c’est de jouer en groupe.

Tu conçois la musique sans le visuel ?

En tout cas en live, Black Bones peut très bien exister sans le visuel. Pour Angel et Wolf c’est différent, la scénographie a une part plus essentielle. Mais c’est très rare que je compose à partir du visuel, c’est plutôt la musique qui m’inspire des images. Ce que j’aime avec ces projets c’est que ça réunit ce pour quoi j’étais plutôt destiné enfant c’est-à-dire le dessin et ma passion d’adolescent, la musique. Au début des projets et pendant deux ans, je n’ai quasiment pas écrit de morceaux, j’en avais déjà tellement dans mes tiroirs. Pour couper le cordon avec Bewitched, je me suis concentré à trouver des identités visuelles. Pour résumer, le visuel c’est le plus, l’important c’est la musique.

C’est toi qui t’occupes de tout du coup ?

Pour la musique, je fais les compos puis les morceaux se mettent en place en groupe. Le mix, c’est Ludo et Samuel du groupe qui s’en chargent. J’ai réalisé une grande partie des décors mais je me suis fait aider pour le dispositif lumineux des ailes d’Angel ou par Marianne pour les costumes. Pour les vidéos de Black Bones et Wolf, je me suis fait aider par Rod Huart à la réal. Disons que j’amène les idées et dès que ça sort de mes compétences techniques j’appelle à l’aide.

Pour revenir au live, pour toi ça doit être un spectacle ?

C’est hyper paradoxal parce que je suis venu à la musique par des groupes comme les Pixies, Sonic Youth qui étaient en mode « come as you are » sur scène. J’ai pas du tout été influencé par des trucs comme Kiss ou Iron Maiden (rires). Je trouvais même tout ce décorum craignos quand j’étais ado. J’ai eu un déclic en voyant les Flaming Lips en concert il y a quelques années et le côté psychédélique du truc.

J’ai envie que nos lives soient aussi excitants que ta première boum. Par contre, je ne suis absolument pas dans un registre narratif. On pourrait croire, surtout avec Wolf, qu’il y a une histoire mais ce n’est pas le propos. Il s’agit plus d’une série de clips sur le thème du château hanté.

Pour Black Bones, comment cette idée d’équipe de baseball/squelettes t’est apparue ? Qu’est-ce qui t’a inspiré ?

Quand on a monté Black Bones il n’y avait pas de scénographie puis pour notre premier concert on a dû faire une photo de presse. Il se trouve que le photographe avait une veste teddy noire, genre universitaire américain. J’ai trouvé ça classe et je me suis dit que ce serait cool qu’on en ait tous une sur scène. Puis ça m’a donné l’idée du gang à battes de baseball.

Ce qui est intéressant c’est que la batte renvoie à un sport et à de l’ultra violence, deux choses aux antipodes d’un groupe de pop. Et puis pour que le gang soit encore plus ghetto on leur a donné des pseudos mexicains. Et le côté zombie parce que c’est plus marrant avec du sang et pour la référence à la fête des morts au Mexique.

Comme le groupe ne peut pas jouer tout le temps en mode baseball, cela dépend de la taille de la scène, on a une alternative en jouant en sombreros dans les clubs. Black Bones, c’est une équipe de Super-Vilains mais dans le civil ils ont juste des sombreros.

Black Bones c’est un peu un nom de pirates ou de corsaire, c’est une référence à l’aventure, etc ?

Il y a toujours l’étape où il faut trouver un nom de groupe. J’ai fait une liste d’une centaine de mots que j’aimais bien. J’ai fait une cinquantaine d’associations. Et Black Bones est sorti. On y retrouve le black de la lumière noire et le bones de notre maquillage squelettique. Bon c’est vrai aussi que ça évoque un groupe de blues rock en Harley Davidson mais au bout d’un moment, le nom tu l’intègres et il n’y a plus vraiment de référence.

Tu disais que The Wolf Under The Moon ça avait été surtout pour un jeune public, et tes projets en général évoquent beaucoup l’enfance vis-à-vis de leur spontanéité, tu en penses quoi ?

On me le dit souvent mais c’est pas un truc que je calcule. Je suis fan de Daniel Johnston, ça a été ma référence en tant que mec qui dessine ses propres pochettes de disques. Il se trouve que je fais avec les moyens du bord c’est à dire essentiellement de la récup de carton que je colle et que je peins ensuite. Je suis aussi d’une génération DIY et lo-fi, ça peut expliquer. C’est pas un truc très conscient.

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Entre les squelettes et les fantômes face à un univers un peu enfantin, entre un son mélodique joyeux et un visuel plutôt sombre, qu’est-ce qui te plait tant dans la confrontation d’univers ?

Pour moi les projets, c’est comme un train fantôme à la fête foraine. C’est une imagerie d’épouvante mais tu y vas pour rigoler. C’est étrange, avant de faire Wolf j’étais pas un gros consommateur de films d’horreur et je n’avais pas de références visuelles dans ma musique. C’est en faisant qu’après je me suis intéressé à tout ça. Et puis c’est plus fun d’avoir un fantôme et une tombe sur scène qu’une biche et une marguerite.

Wolf, ça a commencé par un projet solo où j’étais juste guitare, voix et ordi. J’avais peur d’ennuyer le public dans cette formule. Je me suis dit que ce serait marrant de sortir d’un château avec une couronne sur la tête, le côté mégalo du musicien, tout ça, juste pour la blague. Ça s’est étoffé au fur et à mesure avec des personnages et plus de déco.

Dans tes projets, il y a pas mal de trucs un peu incongrus, qui n’existent pas comme dans tes dessins, ou ta chanson en yaourt, c’est un rapport un peu ludique à la musique que tu as?

La chanson en yaourt espagnole à laquelle tu fais référence est « Kili Kili ». Je me souviens que je l’ai composée après une journée où j’avais écrit que de la merde. J’ai commencé à faire une impro à la voix sur une boucle. C’était comme un défouloir. J’ai chanté/rappé ça en une sorte d’espagnol avec un cheveu sur la langue en postillonnant partout sur mon ordi.

Les textes c’est toujours ce que je fais en dernier, c’est vraiment la corvée. Si j’avais vraiment des trucs à dire, je le ferais en français pour que tout le monde comprenne. J’envisage plus ma voix comme un instrument que comme un vecteur de messages. C’est dû au fait que 95% de mes influences sont anglo-saxonnes et que le sens du texte m’est toujours passé au dessus de la tête. D’ailleurs, le visuel est aussi une extrapolation de la musique comme peut l’être le texte.

Mais ces trucs incongrus là comme « Kili Kili » font sens que si dans le tracklisting il y a à côté des jolies chansons. Si c’est faire que du potache c’est nul. Un groupe qui excelle dans ces contrastes-là c’est Ween. Une grosse référence pour moi.

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Black Bones

De manière plus concrète, comment tu te projettes ?

On sort le premier album de Black Bones KILI KILI en septembre avec un single « Deathco » pour l’annoncer en juin. Le deuxième album est déjà écrit. A priori, on devrait l’enregistrer cet automne et le sortir au printemps 2018.

En te recentrant sur Black Bones ça veut dire que musicalement vous allez faire de tout ou vous allez vous concentrer sur un style en particulier ?

Jusqu’à présent, quand j’envisageais un album c’était sous la forme d’une compilation des meilleurs titres que j’avais. Le fait d’avoir développé les trois projets me donnent plus envie d’aller vers des albums concept. Ce que sera d’ailleurs notre deuxième disque. Je l’ai écrit en pensant au projet Angel, médiéval et mystique.

Cela fera d’ailleurs l’objet d’une nouvelle création scénique que l’on proposera pour la première fois le 8 juillet au Festival des Musiques d’Ici et d’Ailleurs de Châlons-en-Champagne. Niveau déco, on sera à l’intérieur d’une cathédrale à l’effigie de The Wolf Under The Moon, les vitraux relateront l’histoire de ce spectacle. Pour l’occasion nous serons une trentaine sur scène, dont la chorale de Châlons.

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Black Bones au Pop-up du Label le 1er juin

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