Lecture en cours
ascendant vierge, au top : « Une nouvelle chance, c’est une transformation »

ascendant vierge, au top : « Une nouvelle chance, c’est une transformation »

ascendant vierge, le duo formé par Mathilde Fernandez et Paul Orzoni a publié fin avril son premier album, Une nouvelle chance. Les chansons des deux artistes sont toujours aussi épiques, mais iels ont aussi su ralentir un peu pour explorer d’autres rythmes. 

Leur premier EP Vierge avait un peu (carrément ?) sauvé notre année covid. La pandémie aura un peu ralenti l’ascension de l’explosif duo gabber lyrique mais trois ans plus tard, ascendant vierge est de retour avec un album destiné à faire décoller leur carrière, Une nouvelle chance. Un titre qui évoque une nouvelle rencontre avec leur public, mais laisse aussi la place à plusieurs lectures. « Une nouvelle chance, c’est une transition, une transformation, c’est se donner une nouvelle chance à soi » explique Mathilde au tout début de cet entretien. Sur la couverture de l’album, co-publié avec leur label 12 Stars, Mathilde et Paul posent en rescapés d’un crash d’avion. Une nouvelle chance, c’est aussi la somme des réflexions qui ont traversé les deux artistes pendant la période passée de quasi fin du monde. Si demain tout peut s’arrêter, alors que peut-on faire de mieux que danser ? L’énergie rave d’ascendant vierge répond à un besoin vital d’optimisme et d’évasion, une rage de vivre au bord du gouffre, une soif de beau contre le vertige de la dystopie. Ce premier album posait presque un défi en soi pour ce groupe à l’esthétique hyper affirmée. À travers cette dizaine de tracks, ascendant vierge a réussi à trouver un équilibre entre ce qu’on aime de son ADN au caractère bien trempé et une ouverture sur d’autres facettes sonores. Le nouveau départ se fait en trombe avec deux dates sold out au Trianon, une belle tournée européenne derrière, et la consécration d’une date au Berghain en juin. On a discuté avec elleux juste avant leurs concerts à Paris.

Manifesto XXI – Qu’est-ce qui vous a amenés à choisir le symbole de l’avion ? 

Mathilde Fernandez : Quand on est sortis du confinement, un ami nous a appelés pour nous dire de venir vite à Charleroi parce qu’il y avait un avion écrasé dans la ville. Donc on a pris tous nos habits pour faire des photos, sans savoir pourquoi ! C’était complètement providentiel. On a fait les images, d’ailleurs je crois que l’image de la pochette de l’album a été prise avec un Fujifilm jetable. À ce moment-là, on avait déjà quelques morceaux, et quelque chose se passait entre eux. L’association d’Une nouvelle chance et de la photo a été une évidence. Ça a été super intéressant de construire autour de ça ensuite.

Paul Orzoni : Il y avait l’idée aussi qu’après un crash, tu récupères la boîte noire, avec toutes les informations du vol. C’est la mémoire de l’avion mais ça peut être aussi la mémoire personnelle, quand tu as frôlé la mort et que tu as vu toute ta vie défiler. C’était marrant qu’il y ait plusieurs niveaux de lectures, avec un côté un peu mégalo, un peu Lost

Est-ce qu’on sait où allait cet avion ? 

M.F : Il faisait du sur place. (rires) 

Est-ce que la réponse fait partie du live ?

M.F : On garde un peu le mystère, mais oui on va dire qu’on s’est beaucoup amusés avec toutes ces histoires, notamment sur les réseaux sociaux. On a fait un gros black out à la fin de la tournée l’année dernière, et pour reconnecter les gens, on a fait ce post qu’on a passé pas mal de temps à imaginer pour annoncer notre retour. Il y avait plein de petits indices cachés : A14 c’est le nombre de morceaux, le symbole de l’infini, une référence au Megamix… Quand tu scannais le QR code, tu tombais sur un morceau quelques jours avant la sortie en exclu. C’est comme ça qu’on a lancé la promo. 

Vous avez beaucoup investi Instagram avec des productions drôles aussi pour teaser l’album. Quelle place occupe ce réseau dans votre vie ? 

P.O : Comme beaucoup de personnes, on est dans un rapport hyper complexe aux réseaux sociaux. On est ultra conscient·es [de leurs limites] tout en étant pris au piège. Même pour avoir un discours de groupe, ce n’est pas simple. Tout l’aspect mise en scène de la vie privée ne nous met pas à l’aise. Donc on a pris le parti de montrer tout ce que le public voudrait voir, de nos enregistrements, nos rêves, nos peurs, mais d’ajouter une dose d’absurde, quelque chose de décalé. C’est quand même une mise à nu, une manière de se rapprocher de son public. C’est vrai que c’est pas mal de discussions, toujours en cours : comment continuer, comment exister ? Comment disparaître aussi ? Moi à titre personnel, j’ai supprimé Insta quatre ou cinq fois, j’ai eu beaucoup de « nouvelles chances » avec ce réseau. Je ne suis pas super à l’aise. En plus, avant, je taffais dans la pub, le digital.

M.F : Moi j’ai une utilisation d’Instagram façon Tumblr, à l’ancienne, je me fais des moodboards. En tout cas on se rejoint sur notre vision des réseaux. Ça m’énerve de faire un selfie, j’ai l’impression de me mettre un coup de poignard… Donc on trouve des parades pour assurer une présence et jouer avec les codes.

P.O : C’est vrai que c’est aussi une proximité géniale avec le public.

M.F : Disons que le chemin a été long pour trouver une manière de connecter en s’amusant. 

J’ai la mentalité hip-hop, je suis un peu un rageux. Pas dans le sens où je bitche sur les gens mais j’ai ce truc avec la performance… Mais c’est vraiment positif, c’est une compétition avec moi-même, et pour faire plaisir à Mathilde, être mieux que la prod d’avant.

Paul Orzoni

C’est ce recul qui fait qu’« Influenceur » résonne chez tant de gens ? C’est devenu un tube emblématique de l’époque, au point même d’en agacer certain·es.

M.F : Quand j’ai écrit « Influenceur », c’était que j’avais quelque chose à régler quelque part. J’avais déjà fait quelques performances dans le milieu de l’art contemporain avec Cécile Di Giovanni sur cette addiction aux écrans, sur le narcissisme. C’était décliné en plusieurs parties : « Internet balad », « Porter la peau de sa victime »… C’était sur l’obsession de l’image de soi-même, poussé à l’extrême. C’est tombé au moment où la prod de Paul est arrivée.

P.O : Le son le plus simple à faire, enregistré dans sa chambre ! (rires)

M.F : J’étais tellement chargée de ces réflexions-là que le texte s’est écrit en une demi-journée. J’écris rarement un texte aussi vite. 

Ce qui m’intéresse c’est la poésie, les ornements, les cheminements pour disséminer du sens de-ci de-là et qu’après l’auditeur fasse son travail d’aller récupérer ce qui résonne pour elle ou lui.

Mathilde Fernandez

Plusieurs chansons de l’album font référence à la compétition (« Défi », « Au top »). D’où vient cette thématique ? 

P.O : On a un défi permanent entre nous.

M.F : Les paroles « C’est un défi, c’est pour te plaire », c’est pas une blague !

P.O : Deux jours après la sortie de l’album, je lui ai envoyé une nouvelle prod et j’étais tout excité, j’adore me dire qu’elle va bien aimer. Ou « Ah, elle s’y attendait pas à celle-là » ! J’ai la mentalité hip-hop, je suis un peu un rageux. Pas dans le sens où je bitche sur les gens mais j’ai ce truc avec la performance… C’est vraiment positif, c’est une compétition avec moi-même, et pour faire plaisir à Mathilde, être mieux que la prod d’avant. 

M.F : On est dans un jeu permanent, on a plus envie de se faire peur que de se rassurer…

P.O : Moi je suis comme un ouf quand Mathilde est un registre vocal comme « Au top » où ça rappe presque, ou par exemple sur « Slowlita ». 

M.F : Moi aussi j’essaye de te surprendre à chaque fois !

Un album c’est comme une pièce de théâtre de Molière, tu as un personnage principal et tous les personnages comptent. Si tu en enlèves un, ça ne tient plus debout.

Mathilde Fernandez

Comment l’actualité impacte-t-elle votre travail ? Les thématiques de l’urgence climatique ou une forme d’appréhension face au futur sont là en fil rouge dans les textes mais ce n’est jamais explicitement le sujet d’une chanson.

M.F : Quand j’écris, j’aime bien laisser la potentialité à ce que l’inverse du sens soit également lisible. J’aime faire des textes à double sens, miroir. Je pense que je serais gênée d’aborder les textes de manière frontale. C’est dans ma personnalité, ce qui m’intéresse c’est la poésie, les ornements, les cheminements pour disséminer du sens de-ci de-là et qu’après l’auditeur fasse son travail d’aller récupérer ce qui résonne pour elle ou lui. Si on va franco sur un sujet, ça laisse peu de place à l’interprétation. 

Et toi Paul comment ça se traduit en production ? 

P.O : L’époque et les messages passent plus par le texte. Je n’ai jamais demandé d’explication à Mathilde. Des fois même, je ne comprends pas. (rires) Je vais dire quelque chose de banal mais je n’ai jamais d’idée quand je commence à composer. J’ouvre le logiciel et c’est en faisant que je vois des connexions. Quand les premières tracks de l’album ont été posées et qu’on a eu une première image de l’ensemble, oui je me suis dit qu’il y avait par exemple des territoires sur lesquels on n’était pas allés. Les ajustements sont plutôt fonctionnels disons. Après bien sûr, je suis traversé par les événements de l’époque comme tout le monde.

ascendant vierge
© Ines Ziouane


Il y a une forme de progression dans l’album, de votre socle sonore vers d’autres rythmes. C’est voulu ? 

Voir Aussi

P.O : Oui en quelque sorte.

M.F : Un album c’est comme une pièce de théâtre de Molière, tu as un personnage principal et tous les personnages comptent. Si tu en enlèves un, ça ne tient plus debout. On avait vraiment cette volonté, pour le jour où on ferait un album avec un grand « A », de créer cette trame. Il y a plein de tracks qu’on n’a pas mis dans l’album par exemple.

P.O : On a l’approche de l’album à l’ancienne. C’est peut-être un fantasme d’artiste, mais la chanson un correspond bien à sa place dans la tracklist.

Et comment on arrive sur « T’aimer sur le long terme » qui est une chanson super reggae ? 

P.O : Pendant le confinement, je me suis rapproché d’un ami qui a un show de reggae sur Kiosk Radio, et il m’a entraîné dans ses ambiances. J’écoutais aussi beaucoup de playlists sur NTS. 

M.F : C’était très confortable d’écouter du reggae pendant le confinement à Bruxelles où il fait tout le temps moche. Écouter du reggae était assez thérapeutique pour contrebalancer l’ambiance morose. J’en ai beaucoup écouté gamine.

P.O : Oui moi aussi, ça ne vient pas de nulle part. Après pourquoi retenir cette influence-là plutôt que Brian Eno qu’on a beaucoup écouté par exemple ? Qu’est-ce qui fait que c’était valable pour ascendant vierge ? Parce que le reggae vient du soundsystem, de la dub, des basses. Même dans les influences des 90’s dans lesquelles on va piocher, il y a eu pas mal d’incursions reggae, par exemple « All That She Wants » d’Ace of Base. C’était cohérent dans le tableau général et c’est pour ça qu’on y est allés.

M.F : C’était un vrai challenge, on s’y est pris à plusieurs fois.

P.O : Oui c’est un morceau qui a été long à produire mais dont on est super fiers. On écoutait aussi Nightclubbing de Grace Jones, un EP de club avec des inspirations reggae.

M.F : Moi j’écoute beaucoup Leila K, une chanteuse suédoise des années 90 qui a eu pas mal de morceaux avec un petit vernis dub-reggae mais complètement destroy, avec des sons d’impacts métalliques, limite empruntés à l’indus, en même temps. On s’est rejoints sur cette envie, et ça s’est bien complété avec Lucien Krampf qui a réalisé l’album.

P.O : À un moment où on avait remis le morceau totalement à nu, les seules choses valables c’étaient les paroles de Mathilde et la ligne de basse. Par hasard, je suis arrivé chez Lucien hyper excité et il était en train de bricoler un tape delay à l’ancienne. Avec ça tu ne contrôles pas bien la manière dont vont tomber les effets, mais tout de suite on s’est lancés, on a tout ouvert et construit la rythmique ensemble. On a mis longtemps à trouver ce que devait être ce morceau. 

M.F : On a rajouté des instruments organiques là-dessus, deux guitares et un pedal steel. Ça fait un peu des glides, quelque chose d’hawaïen. 

Quelles sont les autres influences de l’album ?

M.F : On aime bien « Frozen » de Madonna, qui s’entend dans « Ce monde où tu n’existais pas ». C’est un morceau plus anglais, trip-hop. Là il y a eu moins de trafic, Paul m’a envoyé l’instru et j’ai posé le texte le lendemain. Je me traînais cette phrase « J’ai ressuscité dans un monde où tu n’existais pas… » depuis quelque temps. C’est un morceau qui n’a quasiment pas changé. 

P.O : Moi j’avais envie de faire un morceau plus lent et ça se voit sur « Lubies ». C’est une continuité de mon EP Amoureuse, inspiré du style lento violento du DJ Gigi D’Agostino. C’est à 110 BPM mais avec des placements de hard music. 

M.F : C’est le dernier morceau qu’on a ajouté à l’album, il date de décembre 2021. Il a été enregistré à New York pour la petite anecdote un peu chic !

Image à la Une : © Ines Ziouane

Voir les commentaires (0)

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

© 2022 Manifesto XXI. Tous droits réservés.