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Art fair·e #8 : flyers de rave, danses virales, beautés trans…

Art fair·e #8 : flyers de rave, danses virales, beautés trans…

L’été est déjà bien entamé et les sorties culturelles reprennent fort, avec ou sans pass sanitaire. Pour cette nouvelle sélection Art fair·e, des expositions colorées à Marseille et Berlin, de belles lectures imagées pour les jours de pluie estivale, et des tutos danse en ligne pour se préparer à enflammer les dancefloors.
À visiter

Faites passer ! Trente ans de rave chez Dizonord

Le disquaire, label et éditeur Dizonord pose ses valises à Marseille et présente une exposition inédite : l’équipe a réuni un fonds conséquent d’éphéméra, ces documents qui n’ont pas vocation à être gardés. Et pas n’importe lesquels, puisqu’il s’agit de brochures liées aux fêtes électroniques. Des archives précieuses, qui retracent trente ans d’histoire de teufs : flyers de rave, de free party ou de club, mais aussi prospectus de prévention anti-drogue, tracts pour des radios ou manifestes liés à la teuf. « Et encore, là il n’y a même pas 10% du fonds » ajoute le disquaire et digger Vincent Privat en présentant l’expo. Un panneau entièrement dédié aux raves trances se démarque, tant l’esthétique développée dans les flyers est brute et impactante : on y sent l’urgence de communiquer, mais aussi les contraintes économiques et le besoin de discrétion poussant à imprimer de minuscules formats au graphisme violent et robotique.

Pour appuyer le lien entre scènes électroniques et arts graphiques, une pièce textile de Rémi Calmont est exposée. L’artiste est allé piocher dans les archives, à la recherche de graphismes, slogans et typographies : « J’adore les 90’s au niveau musical, et j’ai grandi avec ces visuels cheap à l’esthétique très forte, fluo et colorée. La partie graphique de cette scène m’a toujours inspiré. » Avec un immense patchwork cousu, il sort du format confidentiel du flyer pour s’étendre et occuper l’espace, évoquant à juste titre des banderoles de manifestation : « Évidemment qu’il y a une portée politique et, selon moi, un vrai parallèle entre la manifestation et la rave. Surtout aujourd’hui, au paroxysme de la répression que subissent celles et ceux qui font la fête. »
S.P.

Faites passer ! Immersion dans l’univers graphique des fêtes électroniques françaises
Du 6 juillet au 4 septembre 2021
Bruit de fond, 42 rue Consolat, 13001 Marseille

copyright dizonord - julia von dorp manifesto 21
© Dizonord – Julia Von Dorp

Palangana : les rituels poético-textiles de Fabienne Guilbert Burgoa

« No se viste, se reivindica.
On ne s’habille pas, on revendique. »

Textiles tout en transparence tendus à travers l’espace, petites céramiques colorées posées à même le sol, larges aplats unis débordant des murs… C’est toute la lumineuse galerie des grands bains douches de la Plaine que Fabienne Guilbert Burgoa a rhabillée. Ou plutôt, revendiquée. Diplômée de l’école d’art de Paris-Cergy en 2017, résidente des ateliers Blancarde à Marseille depuis 2020, la jeune artiste franco-mexicaine crée des « pièces portables », à la croisée de l’artisanat et du design textile : sandales à enfiler par-dessus ses chaussures, lunettes en argile, chaussettes à poches pour y garder précieusement les cailloux que l’on trouve sur son chemin… Réhabilitant des techniques traditionnelles ou hyper-locales, son travail met en valeur les héritages et métissages culturels, particulièrement entre l’Amérique latine et l’Europe, et aujourd’hui à Marseille. « Palangana n’est pas un projet mais un désir de réinventer les modes d’emploi pour ajouter une plus-value de plaisir à ce qui nous entoure », explique la plasticienne, dont l’œuvre appelle à une révolution de la matière, rendant « l’utile inutile et l’inutile primordial ». Dans une perspective joueuse et décalée, les objets du quotidien deviennent les outils de rituels poétiques.

Pour cette exposition, Fabienne Guilbert Burgoa a collaboré avec la designer textile Violette Loosen et la créatrice de bijoux Sylvia Burgoa. Mardi 20 juillet, l’anthropologue Enif Hernandez, spécialisée en mode éthique, sera l’invitée d’un talk autour de la révolution textile dans la mode et l’art contemporain. À ne pas rater : le finissage le 24 juillet, ponctué de lectures, dont celle d’un texte de la commissaire et théoricienne de l’art Roberta Garieri, et d’autres invité·e·s tba.
S.D.

Palangana, Fabienne Guilbert Burgoa
Du 9 au 24 juillet 2021
Art-Cade, galerie des grands bains douches de la Plaine
35 bis rue de la bibliothèque, 13001 Marseille

© Fabienne Guilbert Burgoa, chaussettes à cailloux, 2021, Lille

Be AWARE : une histoire de l’art féministe

En partenariat avec le Forum Génération Égalité organisé par ONU Femmes, l’association AWARE a conçu Be AWARE. A History of Women Artists, une exposition discursive mettant en avant des artistes femmes (Louise Bourgeois, Frida Kahlo, Claude Cahun et Marcel Moore, etc.), ainsi que des autrices, des historiennes de l’art, des chercheuses et des curatrices (Linda Nochlin, Arlene Raven, Judith Butler, etc.), qui ont marqué les XIXe, XXe et XXIe siècles. Imaginé par AWARE, en étroite collaboration avec la designer matali crasset, cette exposition rassemble quatre modules colorés, chacun dédié à une thématique – « S’allier », « Écrire », « Montrer », « Créer » –, et composé d’illustrations représentant des figures tutélaires de l’art et des théories féministes et de textes en français, traduits en anglais. D’abord présentée à la Bibliothèque nationale de France, du 15 juin au 4 juillet 2021, cette exposition itinérante se tient actuellement à Berlin jusqu’au 19 septembre, avant de voyager à Moscou fin 2021. Cette manifestation réussit, au-delà de rendre accessible une histoire de l’art féministe, à aborder les difficultés et les inégalités auxquelles sont encore confrontées les artistes femmes et les travailleuses de l’art contemporaines.
L.P.

Be AWARE. A History of Women Artists
Du 14 juillet au 19 septembre 2021
Tempelhof, Hangar 2+3
Alt-Mariendorf 43,
12107 Berlin, Allemagne

Be AWARE. A History of Women Artists © Louise Nelson
À regarder

Let’s dance, avec les vidéos Body Movin’

Les boîtes rouvrent, les soirées reprennent, alors quoi de mieux que de réviser quelques pas de danse et s’inspirer des pros pour briller (ou pas) sur le dancefloor ? Pour cela, il y a toutes les productions de Body Movin’, le cycle dédié aux danses non académiques de la Gaîté Lyrique, disponible en ligne ! Au printemps, l’institution qui œuvre depuis longtemps pour la visibilité de différentes pratiques a choisi de développer tout un programme vidéo, faute de pouvoir organiser des événements ouverts au public. Le cœur de cette série, ce sont les quatre battles organisées pour quatre danses différentes : vogue fem, waacking, dancehall et afro. À chaque édition, un jury d’exception est invité à départager dix participantes, et à ouvrir la compétition avec une performance. Chacune rivalise de style et d’énergie, et chaque séquence est tout simplement époustouflante de talent. De plus courtes vidéos font des focus sur des pas de danse. Ou des chorégraphies spéciales. 
A.B.

Tout Body Movin’

À lire

Elle, She, Her.

Ici, entre nos mains, le cliché déborde, comme leurs identités. Persiste la beauté dans le difforme comme dégoulinent les âmes des peintures de Francis Bacon. Tout est rapport de posture dans ce recueil où la dé­fiance du modèle tonne. Ne cherchez pas le paisible, il ne s’affiche pas dans cette tonalité. L’Être transgenre est l’orage de nos plaines normalisatrices. Ici on fait du corps une matière à voyager, un pèlerinage vers l’être libéré.

Phia Ménard

Dans la préface de Elle, She, Her., la metteuse en scène et performeuse Phia Ménard restitue parfaitement l’aura sauvage qui émane de ce recueil d’images et de textes. Premier ouvrage du photographe François Pragnère, le livre nous plonge dans l’intimité de dix femmes transgenres qui racontent leur corps, leur identité et leur expérience du regard d’autrui. François Pragnère capture les détails, les regards intenses, sans jamais figer les contours de ces femmes en perpétuelle affirmation d’elles-mêmes. Elle, She, Her. fait réfléchir à ce qui constitue la féminité, dans ce qu’elle peut avoir de singulier pour chacune, et de puissamment universel.
A.B.

Voir Aussi

Elle, She, Her.
Photographies : François Pragnère, préface : Phia Ménard
37.2 / Rive Gauche Éditions, 39€

Gaze #2 : dialogues entre générations de femmes

« La revue des regards féminins » a sorti son deuxième numéro et ne déçoit toujours pas : en parcourant ces 140 pages grand format au papier mat, on trouve un portrait touchant de Rokhaya Diallo, des histoires de lesbiennes âgées sous la plume de Laurène Daycard qui s’aventure à la première personne, Romy Alizée en Sainte-Agathe BDSM, ou encore un shooting plein de puissance de l’équipe de foot féminine Gadji FC par la styliste et photographe Dünya Boukhers. Les images organiques futuristes de Marion Maimon accompagnent la fabuleuse lettre d’amour à elle-même de Morgane Ortin, tandis que l’écrivaine Nancy Huston se livre en interview croisée avec Bebe Melkor-Kadior, artiste afroféministe et travailleuse du sexe. La série enflammée d’Ada Zielinska, photographe pyromane, ne laisse pas non plus indifférent·e. Des pionnières pro-grrrl aux activistes contemporaines, entre courts textes et longs récits, ce sont des générations de femmes qui dialoguent, et se regardent. Du pur plaisir presse.
S.D.

Commander Gaze


Sélection et rédaction : Anne-Charlotte Michaut, Apolline Bazin, Léa Pagnier, Sarah Diep et Soizic Pineau

Image à la une : © Fabienne Guilbert Burgoa, Palangana, 2021. Photos et productions textiles en collaboration avec Violette Loosen. Modèle Violette Loosen, extrait de collection, Lille

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