À son rythme, Ange Halliwell parsème sa dose de fantaisie sur diverses plateformes. Depuis The Wheel Of Time, son premier album sorti sur High Heal en janvier, le jeune musicien harpiste nous dévoile des bribes de ses multiples talents. Aujourd’hui, nous vous proposons de déambuler dans son monde qui affronte la réalité avec une douce spiritualité.
En composant son personnage de scène d’un nom influent tiré de la culture populaire et visuelle, Ange Halliwell englobe son oeuvre d’une aura mystique et mystérieuse. Il fait honneur à la magie de ce monde lorsqu’il est accompagné de sa harpe électrique afin d’exprimer maintes émotions vécues à travers les saisons. Ange Halliwell revisite les codes de la musique de chambre en y ajoutant des références d’électronique et manœuvrant son travail post-enregistrement. Son travail est à savourer à tout moment, mais particulièrement en cette période automnale douillette. Ange Halliwell est un contemporain qui aborde le passé de façon non exclusive, en faisant perdurer l’héritage musical dans la modernité.
Manifesto XXI – Ce nom, Ange Halliwell, est-ce une référence aux sœurs Halliwell de Charmed ? Si oui, pourquoi ?
Ange Halliwell : Exactement ! Depuis tout petit, j’ai baigné dans cet univers de “sorcières”. J’étais trop fan. Puis j’ai combiné avec “Ange” parce que je suis très intéressé par la spiritualité. Ce n’est pas vraiment pour me représenter moi mais plutôt parce que j’adore ce mot : c’est très pur, très blanc. En tout cas, pratiquement indescriptible avec nos mots humains. De combiner ça avec « Halliwell », qui se raccroche aux sorcières. C’est un contraste marrant je trouve.
La sorcellerie, qu’est-ce que c’est pour toi ?
Pendant un temps ça m’a intéressé, mais j’en ai jamais pratiqué. Je considère cela comme dangereux. C’est utiliser des forces qu’on ne maîtrise pas et qui nous dépassent, que ce soit pour faire le bien ou le mal. Bien sûr ça m’intéresse beaucoup d’en parler et toute l’esthétique qui entoure ce sujet mais j’ai du mal avec l’aspect “mode” qui fait que beaucoup de gens n’effleurent que ce que peut être une sorcière. Chez nous par exemple, en Béarn, elle s’appellent les « broishas » (brouche). Elle étaient craintes, mais à la fois respectées car guérisseuses . D’un point de vu personnel, la spiritualité c’est quelque chose de distinct qui est plus organique et proche de la nature. C’est un respect de ce qui nous entoure et qui est fondamentalement « bon ».
En dehors de ton rapport avec la musique, comment te décrirais-tu en tant que personne ?
(rire, puis beaucoup de rires) Je ne sais pas ! Je suis très curieux. Lorsque quelque chose me fascine, je m’y mets à fond. Puis lorsque j’ai fait tout ce que j’aurais pu faire, je passe à autre chose.
D’un point de vu personnel, la spiritualité c’est quelque chose de distinct qui est plus organique et proche de la nature. C’est un respect de ce qui nous entoure et qui est fondamentalement « bon ».
Ange Halliwell
Quand a commencé ton processus de création musicale ?
Au départ j’ai commencé avec de la guitare, mais ça ne me plaisait pas du tout. Je me souviens qu’un jour j’ai vu une amie de mes parents, Véro, jouer de la harpe et j’ai trouvé ça trop beau. Vers 14-15 ans, j’ai pris des cours, non pas dans un encadrement classique du style conservatoire mais avec cette dame, qui de base n’était pas professeure. J’ai été son premier élève et je ne la remercierai jamais assez pour tout ce qu’elle m’a appris !
Je jouais un peu de harpe mais je me demandais ce que je pouvais faire pour que ce soit plus en osmose avec mes inspirations. Je m’en suis un peu éloigné lorsque j’étais au lycée. Ensuite, j’ai vu sur internet qu’il y avait plein d’artistes qui faisaient leur propres trucs, qui chantaient, remixent et cela m’a inspiré. Je pense par exemple à Oklou ou Malibu. J’ai trouvé ça cool et ça a plutôt bien marché, enfin, je crois !
La harpe est un instrument souvent confiné à la musique classique, baroque ou médiévale. Pourtant, beaucoup comme Mary Lattimore par exemple, tentent de l’intégrer dans un registre plus moderne. Comment travailles-tu avec cet instrument et comment t’inspire-t-il ?
J’avoue que lorsque j’ai commencé la harpe, ma prof me disait d’écouter tel ou tel artiste. Je crois que ça m’ennuyait plus qu’autre chose… Bon il y a des trucs super beaux que j’adore mais c’était barbant au bout d’un moment. C’est pour ça que je suis passé à l’électrique car je pouvais modifier le son, m’amuser avec. J’ai ainsi pu revoir le traditionnel et c’est tout de suite devenu plus intéressant.
Je me suis beaucoup inspiré de ce que je voyais en ligne et les artistes que je découvrais. Ce qui m’inspire et ce que j’admire en général, c’est de voir l’aspect créatif et bien personnel qu’un artiste peut exprimer sur internet.
Mon rapport avec la harpe est devenu très fusionnel quand j’ai compris tout ceci. Elle s’est transformée en une personnalité à part entière; elle vit et je la vois aussi un peu comme une fenêtre qui donne sur un monde tout invisible. Je pense qu’elle m’aide à y accéder parfois.
Ton album The Wheel of time est un hommage aux saisons et au temps. Tu exprimes, via certaines publications, que le concept du temps qui file peut t’angoisser. Pourtant, en écoutant ton album, on trouve beaucoup de sérénité. Tu préfères aborder l’inconfort par le positivisme ?
Je pense que c’est ça en effet. La majeure partie des morceaux que j’ai composé c’était à Paris en 2019. J’avais déjà vécu à Bordeaux mais lorsque je suis parti à Paris, c’était un choix pour moi et non motivé par des études ou autre. J’ai adoré Paris car j’y ai fait des rencontres géniales mais j’avoue que j’avais une énorme nostalgie pour le lieu dont je viens. C’est un petit village dans la campagne proche de la montagne et de l’océan. Lorsque je composais dans cet appart, ce n’était donc pas du tout en mode torturé mais plutôt un hommage à tout cet héritage. En conséquence, j’ai pu renforcer mes racines plantées là-bas. Ça m’a aussi permis aussi de vraiment m’intéresser un peu plus à toute cette riche culture qui se trouve en Occitanie.
On retrouve également dans ton album un mélange époustouflant d’incantations imperceptibles mêlées à des chorales aériennes. D’où t’es venue l’idée de cette douce association ?
Lorsque je parle, sauf dans la chanson avec Marilis (ou l’on parle en Béarnais) c’est une langue que j’ai inventé, lorsque j’étais à Paris. C’est marrant que tu me dises ça car tout au long de l’enregistrement, j’écoutais des musiques de collégiale, des chorales. Lorsque je parle avec cette langue, je voulais qu’il y ait quelque chose de spirituel. Je me suis parfois aidé de l’Arabe et de l’Hébreu, des langues que je trouve juste sublimes et hyper… vivantes, vibrantes. Dans la première track, j’ai enregistré ma pote Jeanne (alias Sandylene) dans une église au Portugal. À chaque fois qu’elle chante elle me met des frissons tellement sa voix est claire et fragile. Je voulais combiner les deux pour créer un côté un peu mystérieux et mystique.
Elle [ma harpe] s’est transformée en une personnalité à part entière; elle vit et je la vois aussi un peu comme une fenêtre qui donne sur un monde tout invisible.
Ange Halliwell
Même si tu réussis à intégrer la harpe dans un registre plus ambient et pop par moments, la continuité de l’album semble céleste. Quel est ton rapport avec cette spiritualité ou la religion dans les temps modernes ?
J’ai grandi dans une famille très ouverte. C’est surtout grâce à eux (mes parents, mon frère) que je fais ce que je fais aussi librement. J’ai très vite compris que tout ce monde-là est important. J’ai fait plusieurs stages sur les énergies, le corps, les vibrations. Je me suis rendu compte qu’une majeure partie de ces stages, qui sont souvent très chers, sont tenus par des “charlatans”. Mais j’en ai eu aussi qui étaient tellement incroyables et qui m’ont ouvert sur pas mal de choses. Il suffit d’avoir assez de recul ou d’expérience pour s’en rendre compte.
Je trouve que c’est chouette que ça devienne quelque chose d’accessible de nos jours mais si c’est mal fait, cela peut s’avérer hyper dangereux aussi. Il y aussi beaucoup de gens qui mettent en avant des pratiques ou des pensées néfastes et ça peut m’énerver par moments. Surtout lorsqu’on ne sait pas vraiment de quoi on parle.
De mon côté, j’essaie de ne pas trop en parler sur les réseaux car j’ai parfois l’impression d’imposer un truc. Ce genre de sujet peut aussi être très mal compris. Je ne veux pas me faire le relais de certains propos, ou réduire la spiritualité à une seule chose.
Je suis de ton avis. Bon du coup, on va se concentrer sur le côté plus nature et organique de la spiritualité. J’ai remarqué dans ton album qu’il y avait aussi la présence d’enregistrements, dont des bruits d’oiseaux par moments. La nature est-elle essentielle à ta création ?
Carrément. C’est le fil conducteur. J’ai pu enregistrer cette nature qui m’est proche et qui est autour de la maison de mes parents. Ça renforce le côté hommage de ces chansons.
J’en profite pour parler de ton très beau clip pour « Summer Day » & « Autumn Day ». On t’y voit porter une armure, symbole médiéval d’un corps pratiquement indestructible. Totally Enormous Extinct Dinosaurs a également utilisé cette armure pour la pochette de « Don’t you forget about me« . Pour lui, c’est une référence possible au besoin de se protéger des émotions écrasantes que chacun vit individuellement. C’est pareil pour toi ?
Pour être honnête, c’était purement esthétique. J’avais vu le film Jessica Forever de Caroline Poggi et Jonathan Vinel dans lequel certains personnages portent des armures modernes. J’ai trouvé ça assez fort et j’avais voulu m’en acheter juste comme ça pour le fun. Par chance, j’en ai trouvé une à 30 euros. On a ensuite fait une sélection avec Rémy de ce que j’avais dans ma garde-robe. Après j’avoue que l’esthétique est devenue plus travaillée et symbolique car ce personnage en armure se balade dans la forêt et se rend compte qu’il croit en ce qu’il veut. Il y découvre également ses pouvoirs. Dans la deuxième partie du clip j’ai cette robe verte un peu comme une sorcière, on me voit en ville jouant de la harpe, encerclé de feu.
J’ai l’impression qu’il était très important pour toi de fabriquer un “album total” ou “pluridisciplinaire” à travers The Wheel of Time : tu as gravé des symboles sur tes CDs et évoque qu’ils lancent des signaux à l’univers. Quelles sont tes inspirations ?
Un film qui m’a énormément inspiré c’est Tree of Life de Terrence Malik que je trouve très anecdotique. Dans les artistes, je dirais Marilis Orionaa, que j’ai besoin d’écouter au moins une fois par jour et qui a d’ailleurs participé à mon album. Puis Malicorne, un groupe de chanson française médiévale des années 80’. C’est génial. Mais j’écoute vraiment de tout et je peux devenir hyper fan très vite. J’adore les films d’horreur dont Hereditary (2018), the Witch, et Dark Crystal ainsi que du jeu vidéo “Oddworld l’odyssée d’Abe” auquel j’ai beaucoup joué pendant mon adolescence.
Toutes les voix qui accompagnent tes productions sur l’album sont des voix éthérées et plutôt féminines. Qui sont tes collaboratrices Petra Hermanova, Sandylene, Avril23 (aka Oklou de NUXXE), Odete, Malibu, Sarahsson et Marilis Orionaa ? J’ai fait mes petites recherches et très peu d’information existent sur elles. Sont-elles tes fées accompagnatrices ou des alliées écoféministes ?
Je voulais mettre un point d’honneur à ce que toutes les collaborations de cet album soient avec des femmes; qu’il y ait une énergie féminine. C’est pour réagir à ce qu’il se passe dans l’actualité aujourd’hui et parce que c’était pensé comme ça depuis le début. Aussi, depuis tout petit, je n’ai pratiquement que des amies ! Lorsque je parle de femmes collaboratrices, j’évoque bien évidemment tout le spectre. Il y a des artistes cisgenres, trans et non-binaires. J’avais pas envie de faire une distinction radicale et donc rester respectueux. Ces éléments ne sont visibles que lorsqu’on va creuser dans leurs univers respectueux.
Aimerais-tu ajouter quoique ce soit ?
Non, c’était grave cool ! Juste quelque chose de très important: dans mes clips et visuels, c’est très important qu’il y ait des ANIMAUX. Ah, et c’est bon aussi de ne jamais trop se prendre au sérieux !
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Crédit photo : Ludovic Boy