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Alice Vanor, jeune promesse de la pop française.

Alice Vanor, jeune promesse de la pop française.

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Alice Vanor est l’une des nouvelles découvertes de la scène pop francophone. Citée dans le top 5 des surdoués de la chanson par les Inrocks, nous l’avons rencontrée un dimanche pluvieux de ce début 2016. Prochain live le 23 mars à la Gaîté Lyrique.

Manifesto XXI – Premièrement, on aimerait savoir comment tu as commencé la musique…

J’ai un parcours absolument pas classique je pense. En gros, mon père avait un groupe de rock punk quand il avait vingt ans. J’ai toujours fait de la musique avec lui. Il m’encourageait à faire de la guitare et du piano, mais il avait une approche rock donc il ne m’a pas appris le solfège. J’ai commencé à l’oreille. Je me rappelle que quand j’avais quatorze ans nous étions dans un club de vacances et j’avais appris une chanson à la guitare dont j’étais fière. Alors mon père sans que je le sache a demandé aux organisateurs du club de me programmer dans le spectacle du soir. Une heure avant il m’a dit de mettre ma plus belle robe et j’ai du coup chanté devant 700 personnes. C’était tout le temps comme ça avec mon père. Il me poussait vraiment à faire ça tout en voulant que je fasse des études. Ma mère était un peu dubitative et avait peur pour moi. Du coup on avait fait un deal : j’aurais fait des bonnes études et ensuite elle m’aurait aidée à faire de la musique. J’ai donc fait khâgne, hypokhâgne et maintenant Sciences Po donc elle a été rassurée. Maintenant elle m’aide à payer les cours de chant, le studio de répét etc.

Manifesto XXI – Du coup tu as commencé en même temps la guitare, le piano et le chant ? 

Je ne suis pas instrumentaliste, ma spécialité c’est le chant. Ce que je préfère faire c’est écrire les paroles et trouver la mélodie. En concert je vais m’exhiber avec une simple boîte à rythmes plus une loop station pour enregistrer des voix et des échos. Je n’aurai pas de synthé ni de guitare, mon truc c’est vraiment le chant et j’ai des musiciens très très bons avec moi.

Manifesto XXI – À quel moment tu t’es dit que tu allais te professionnaliser dans la musique ? 

C’est horrible parce que la musique c’est tellement personnel que je peux pas en parler sans raconter des expériences personnelles… disons que je n’étais pas super heureuse dans ma vie, je voulais que quelque chose change mais je savais pas que c’était la musique forcément. Depuis que je suis petite j’adore l’univers de l’image et je m’enregistrais en train de chanter. Pour moi ce sont deux choses qui vont ensemble. Bref, je sentais que de créer quelque chose me faisait du bien. Mais en même temps je culpabilisais parce que je pensais que ce n’était pas très sérieux et que je devais me consacrer à mes études. Jusqu’au jour où je me suis rendue à une sorte de vernissage de boutique de prêt-à-porter et je m’étais habillée un peu marrante. Une fille s’est approchée de moi et elle m’a dit qu’elle aimait bien mon style et m’a demandé si je faisais de la musique. J’ai dit « un peu », elle m’a dit qu’elle représentait une marque italienne appelée Pennyblack et qu’ils cherchaient une fille pour incarner Pennyblack pendant une soirée. Elle m’a dit qu’ils faisaient un concours et qu’il se terminait le lundi (on était jeudi). Du coup j’ai appelé un pote, je savais que son père avait un studio, j’ai composé une chanson pendant la nuit aidée par mon père. Ensuite on est allés chez un autre pote chez qui on a réalisé un clip où je dansais sur des images bizarres. Genre je caressais une loutre. Bref, n’importe quoi. Après j’ai partagé sur Facebook ce travail et personne de mes amis ne savait que je faisais de la musique, juste mes amis proches. Pour moi c’était super intime. J’ai donc gagné ce concours et j’ai fait un concert en Italie avec mes quatre chansons en anglais. Depuis ça, ma mère me supporte à fond. C’est après ce concours que mon producteur David Dahan m’a contactée et m’a présenté Ivan, mon musicien.

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Ivan et Alice

Manifesto XXI – Ce qu’on écoute dans ton EP a donc été travaillé à deux, Ivan s’est occupé des arrangements et toi de la partie chant-texte ? 

Oui voilà. On est un binôme. Il a une grande expérience musicale, il faisait des musiques de pub. Ce que j’aime bien chez lui c’est que c’est un peu un éternel adolescent, tout comme moi.

Manifesto XXI – Donc sur scène vous n’êtes que deux ? 

On a fait des petits concerts à deux et ensuite on a rajouté Adrien à la basse et aux synthés. On trouvait que c’était dommage qu’il n’y ait pas quelqu’un qui fasse plus de rythme car le rythme est super important pour l’énergie, du coup on va embaucher quelqu’un.

Manifesto XXI – Tu parles souvent de l’adolescence. Quelle est la place du fait de rester un grand enfant quand on fait de la musique ? 

Pour moi elle est énorme. D’ailleurs là on bosse sur une chanson qui parle de l’adolescence. C’est un sujet qui me travaille beaucoup. Dans l’adolescence j’ai vécu des trucs parfois un peu durs et je faisais de la musique pour me sentir un peu plus vivante, plus réelle. J’ai lutté contre la petite ado en moi qui se posait des questions que tout le monde se pose du style que fait-on dans ce monde-là, qu’allons-nous faire de notre seule vie… ces questionnements me paraissaient débiles. Quand j’ai eu mon bac je me suis dit qu’enfin j’allais pouvoir bosser dans la culture, avoir une famille et des enfants… en fait depuis que je fais de la musique je me rends compte que j’avais raison à quatorze ans. C’est fondamental de se poser ces questions-là et tant mieux pour les gens qui arrivent à faire sans mais je comprends juste pas comment ils font. Quand on est ado on prend la vie en pleine gueule et c’est là qu’on s’exprime vraiment. Alors en mélangeant l’adolescente et la fille qui essaye quand même de sortir de l’adolescence je me sens moi-même, je me sens bien.

Manifesto XXI – Tu peux nous parler de tes influences musicales, littéraires, cinématographiques ?

En musique j’écoute beaucoup de rock mais ce n’est pas forcement ce qui m’influence pour ce que je fais maintenant. Je m’intéresse plus à la musique pop et en français. J’aime Moodoïd et La Femme…

Manifesto XXI – Nous en t’écoutant ce matin on s’est dit Vanessa Paradis…

Ah c’est fou, vraiment ? J’allais le dire ! J’étais une fan absolue quand j’étais petite, sauf que mon père trouvait que c’était pas assez rock ‘n’ roll. Alors moi je chantais du Vanessa Paradis en cachette dans ma chambre. J’adore ses textes et surtout, sa présence sur scène. Elle a une sorte d’aura autour d’elle.

Manifesto XXI – Justement, est-ce que tu peux approfondir ton univers visuel ? Est-ce que le cinéma a une influence sur toi ?  

Comme j’ai dit, l’image et la musique pour moi ça va ensemble. C’est moi qui ai réalisé le clip de Jeux Savants et je voudrais réaliser tous mes clips. J’ai fait le synopsis, j’ai choisi les gens, l’ambiance, j’ai fait le montage… c’est aussi moi qui ai décidé de tous les plans et des lumières. Après Maya, la fille qui était avec moi, est metteuse en scène donc je l’ai laissée s’exprimer et trouver ses inspirations. J’ai toujours aimé le cinéma, j’ai même tenté La Fémis. Le dossier de cette année-là était intitulé « La Trace ». J’avais interviewé des gens qui s’étaient fait tatouer le prénom de la personne aimée et qui n’étaient plus avec. J’ai pas été prise à cause de l’épreuve d’analyse filmique. Mais cette expérience m’a donné envie de faire du journalisme du coup.

Manifesto XXI – Quid de la mode ? 

J’ai un peu été bercée là-dedans parce que mes deux parents ont travaillé dans ce milieu. Pour moi c’est hyper important le vêtement, j’adore la mode pour son côté créatif et fou. Je m’intéresse au déguisement par exemple, parce que je pense que sur scène les gens veulent voir autre chose que l’ordinaire. Mes musiciens ne sont pas vraiment d’accord mais je vais les entraîner. (rires)

Manifesto XXI – Tu accordes beaucoup d’importance aux textes de tes chansons. En littérature, qu’est-ce qui t’inspire ? 

Cela va sembler un peu banal mais Baudelaire, Apollinaire, Rimbaud, tout ce que j’ai étudié en prépa. Je n’ai pas envie de dire que ce sont mes influences au sens propre, mais j’ai été frappée par leur usage des mots. Sinon j’aime Camus parce qu’il se pose les questions métaphysiques que les ados se posent, comme on disait tout à l’heure.

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Extrait de Jeux Savants

Manifesto XXI – Et du coup pourquoi tu as choisi de chanter en français ? 

J’ai toujours écouté de la musique française, en partant des grands classiques comme Édith Piaf. D’ailleurs, j’en ai fait une reprise pour les Inrocks. L’anglais me permettait de me cacher un peu et d’instaurer une barrière. En revanche, le français me donne l’impression de me livrer totalement et de me confesser. Quand tu chantes, c’est toi qui parle aux gens et quand c’est en français en plus c’est ta langue, donc c’est encore plus fort. J’ai toujours écrit en français, pas forcément des chansons mais des petits textes. Quand on s’est mis au français c’était un peu compliqué pour Ivan car il avait toujours tout fait en anglais, mais maintenant ça va très bien.

Manifesto XXI – Quelles thématiques tu abordes dans tes chansons généralement ? 

Bon, je vais pas vous surprendre… c’est l’amour ! C’est dur de ne pas en parler en faisant des gros clichés, mais j’ai du mal à parler d’autre chose. J’ai jamais vraiment connu des couples stables pendant mon adolescence et j’ai assisté à plusieurs séparations. Cela me rendait dingue parce que j’adore la famille. Mais je n’ai pas été désillusionnée, je suis très romantique, j’ai vraiment envie d’y croire. C’est dur aujourd’hui d’avoir des repères mais je pense que l’amour peut t’en donner.

Manifesto XXI – Il y a une sorte de contraste entre tes paroles et tes mélodies, qui sont très entraînantes. C’est d’ailleurs un peu dans l’air du temps de faire des chansons tristes sur une musique qui reste joyeuse…

Oui c’est vrai, pour moi les émotions en sortent renforcées quand on joue sur les contrastes. De plus, faire la fête est aujourd’hui un état d’esprit, un appel, on peut pas s’y soustraire donc il faut proposer aussi quelque chose de dansant, qui donne envie de bouger.

Manifesto XXI – Comment ça va se passer tes prochaines sorties, le travail sur ton EP…

Alors l’EP a été travaillé surtout l’année dernière. Après, j’avais pas envie d’attendre donc on a déjà réalisé un clip et sorti un single. Je suis censée le sortir courant avril. Mais j’ai plutôt envie d’en faire un album, on a déjà une dizaine de sons qui sont prêts et je trouve cela difficile de sortir seulement quatre titres. Entre temps les Inrocks nous ont suivis et ça nous a vraiment aidés. Ils nous ont programmés pour le 23 mars à la Gaîté Lyrique, donc ce sera un concert devant environ 300 personnes.

Manifesto XXI – Tu es rattachée à un label ? 

Non, on en cherche un. Mais pour cela il faut d’abord acquérir un peu de notoriété, avoir fait plus de live et puis je tiens quand même à avoir mon diplôme Sciences Po cette année.

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