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Le communautarisme, une psychose française. De Gaulle’s Drag Race 2022 #3

Le communautarisme, une psychose française. De Gaulle’s Drag Race 2022 #3

La chronique qui massacre le commentaire politique en diffusant un lesbian gaze sur l’actu.

Suivez les actualités politiques de la Gaule judéo-chrétienne décortiquées par le redoutable lobby queer, bastion du communautarisme anti-républicain. Une chronique par Constance de l’Epine, Brutta Garbo et le reste de la menace gouine-féministe-wokiste qui sévit dans ce média islamo-gauchiste.

Le communautarisme est depuis belle lurette le mot clé justifiant toutes les théories à deux balles produites par ces opinionistes télévisuel·les que la France s’obstine à considérer comme des intellectuel·les à la pointe.

Épisode 3 : Le communautarisme, une psychose française

Cher·es tous·tes, 

Veuillez me pardonner pour cette absence prolongée de la chronique la plus lesbian gaze de France. Pendant ces longues semaines, j’ai en effet été kidnappée par les wokistes tandis que notre illustratrice Brutta Garbo a dû se rendre à New York afin d’être intronisée directrice artistique de Vogue US. 

Pendant ce temps, l’année 2022, qui promettait d’être un peu meilleure que les deux précédentes, a réussi l’exploit en seulement soixante jours de s’avérer carrément plus pourrie : ce qu’il se passe actuellement à quelques kilomètres de chez nous rend le psychodrame de cette élection encore plus frivole et donne comme un goût de caprice de riches à toutes les névroses identitaires de Zemmour & cie.

La guerre des fachos a en effet pris des proportions hallucinantes en France avec une dizaine de membres du Rassemblement national ayant quitté le navire pour rejoindre Éric Zemmour. De Nicolas Bay en passant par Stéphane Ravier et Gilbert Collard (oui, cet homme est encore parmi nous), le Rassemblement national saigne et la vie de Marine ressemble de plus en plus à un drame shakespearien aux nuances freudiennes.

Autre basculement « majeur », la candidature de Taubira. Pour les électeurices de gauche, cet événement a eu le même effet que la découverte que le Père Noël n’existe pas. Alors qu’Anne Hidalgo poursuit sa course (en Vélib’) à l’élection, le camp de gauchos se déchire sur des sujets MAJEURS : on a vu la tension atteindre son paroxysme quand Sandrine Rousseau a rappelé à l’ordre Fabien Roussel alors que ce dernier déclarait, attention attention, AIMER LE VIN, LE FROMAGE ET LA VIANDE. Décidément, ce ne sera pas la gauche française à sauver la France, ni l’Europe d’ailleurs.

Enfin, ces derniers jours ont fait émerger un constat, aussi triste qu’important : il est désormais plus probable qu’une pandémie se déclenche, qu’une Troisième Guerre mondiale éclate et que Zemmour passe au second tour, que moi j’aie une vie sentimentale. Mais trêve de ouin ouin.

Aujourd’hui je veux parler de l’un des sujets phares de cette campagne électorale, une thématique qu’il est bon d’éclaircir tant elle provoque des syncopes dans tous les camps : LE COMMUNAUTARISME. Invention de la mauvaise foi de journalistes, auteurices et politicard·es tel·les que Natacha Polony, Éric Zemmour, Michel Onfray et bien sûr Michel Houellebecq, le communautarisme est depuis belle lurette le mot clé justifiant toutes les théories à deux balles produites par ces opinionistes télévisuel·les que la France s’obstine à considérer comme des intellectuel·les à la pointe. Allez savoir pourquoi dans ce pays on confond « l’intellectuel·le » avec « le/la réac ». Peut-être que la puanteur de vieux croûton rappelle la sacralité du Panthéon et de l’Académie française. En tout cas, ça donne un arrière-goût de débat du dimanche avec un tonton ivrogne à toutes les émissions télé qui les invitent.

Le communautarisme serait donc la tendance de certains « groupuscules minoritaires » à vouloir saboter la République par leurs mœurs. On parle, vous l’aurez compris, surtout des musulman·es, des personnes issues de l’immigration, des LGBT+, soutenu·es par ces hystériques de féministes. Quand sur BFMTV ou chez Ruquier vous entendez donc parler de « danger communautariste », sachez que c’est l’expression chic pour dire « homophobie » ou « racisme ». En France, le communautarisme est pensé comme l’ennemi de l’universalisme.

Les candidat·es les plus droitistes ont tous·tes fait du communautarisme un enjeu majeur de campagne. En grand chef de la droite en marche, Emmanuel Macron a même demandé à ses enfants de chœur Jean-Michel Blanquer et Marlène Schiappa de s’emparer de ce sujet encore plus urgent que l’explosion des inégalités, le réchauffement climatique ou la guerre aux frontières de l’Europe.  

En théorie, l’universalisme signifie garantir les mêmes droits et chances à tout le monde au sein de la République. En réalité, il s’intéresse plutôt à tous·tes celles et ceux qui rentrent dans la définition de ce qui est républicain selon les classes dominantes.

Dans le discours politique dominant, le communautarisme s’oppose à l’universalisme républicain, qui à force de crispations et de réappropriations politiques malhonnêtes est devenu un euphémisme pour définir « l’esprit colonialiste français ». En théorie, l’universalisme signifie garantir les mêmes droits et chances à tout le monde au sein de la République. En réalité, il s’intéresse plutôt à tous·tes celles et ceux qui rentrent dans la définition de ce qui est républicain selon les classes dominantes, et donc humain. Tout ce qui ne l’est pas, est communautariste et donc passible de détruire le fabuleux château de cartes qu’est l’universalisme à la française. 

Cela fait que tous les ans, le débat fait rage pour savoir qui est républicain·e et qui ne l’est pas, qui peut prétendre aux droits universels et qui ne peut pas en bénéficier. L’identité française, cette bonne vieille notion figée et visiblement inadaptée aux évolutions de l’Histoire, est alors accommodée à toutes les sauces. Pour le dire avec Judith Butler, il y a des vies incluses dans la définition de l’humain et d’autres qui sont considérées comme secondaires, pas dignes d’accéder aux droits fondamentaux ni d’ailleurs d’être pleurées.

C’est simple, en France, pour être républicain·es il faut être tous·tes pareil·les : blanc·hes, hétéro, minces, cis, d’origine catho si possible. Ah oui, il faudrait aussi apparemment porter un prénom bien franchouillard dans la conception du candidat Zemmour. Fini les Mohamed, les Jordan, les Enzo et les Rachida : si vous avez la malchance de vous appeler de la sorte, faites vos bagages, vous n’avez rien à faire dans cette « République ». Petit tips pour celles et ceux qui auraient des doutes sur la validité française de leur prénom : rendez-vous sur ViteMonPrénom.fr pour une vérification instantanée. 

Tout ce gloubi-boulga politique a amené à la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. Cette loi voudrait lutter contre le séparatisme en défendant de vagues principes de laïcité et de « respect du contrat républicain ». Les associations doivent ainsi respecter sept principes pour pouvoir demeurer dans la légalité : le premier engagement précise qu’elles « ne doivent pas se prévaloir de convictions politiques, philosophiques ou religieuses pour s’affranchir des règles communes » ni « inciter à aucune action manifestement contraire à la loi, violente ou susceptible d’entraîner des troubles graves à l’ordre public ». 

Est-ce que, vous aussi, vous voyez le danger qui se profile à l’horizon quant à l’interprétation de ce que sont les « règles communes » et le chamboulement de l’ordre public ? Voulez-vous que l’on revienne sur la flexibilité dont nos gouvernements ont fait preuve quant à l’usage de la violence policière ? Ou que l’on reparle des petites dérives sécuritaires qu’on a connues sous le quinquennat d’Emmanuel Macron ? Chez Manifesto XXI, on commence à faire nos cartons pour partir s’exiler sur une île déserte, après avoir enfreint le « contrat républicain » depuis près d’une décennie…

Oui, dans notre pays il y a bien des communautés : il s’agit de familles choisies, de groupes, dont certain·es d’entre nous aiment faire partie car, comme dans une famille saine, on nous fait nous y sentir bien et accepté·es. Nous pouvons y partager nos expériences communes et nos passe-temps préférés, comme le broutage de minous par exemple. Dans un pays qui serait véritablement démocratique, l’existence de ces familles serait vue comme un atout, une force qui permet de sauver des vies ou en tout cas d’en améliorer certaines.

Avant d’attaquer ces communautés, les Français·es devraient se demander ce qui les dérange profondément dans leur existence, et s’il est bon et juste de demander aux autres de vivre « à notre façon ». S’il ne vaudrait pas mieux construire des républiques détendues du string plutôt que des démocraties névrotiques qui marchent aux antidépresseurs. La France est l’un des pays qui en consomme le plus en Europe… Y a-t-il un lien à faire entre consommation, Covid-19, dépression et vote d’extrême droite ?

Le terreau du fascisme n’est pas dans l’extrémisme mais dans la complaisance et le conformisme.

Les intellectuel·les mentionné·es plus haut affichent une peur panique que des familles aux identités complexes existent en France. À coups de raccourcis frôlant l’absurde, iels inventent des mots vides de sens du type « islamo-gauchisme » pour définir des personnes qui, d’après elleux, défendent les droits basiques de tous les individus et sont tolérantes envers les différences culturelles ET DONC cautionnent le terrorisme islamiste. 

Quel rapport entre l’inclusivité et l’amour du terrorisme ? Elleux seul·es le savent. Et bien que certains de ces personnages vomissent Zemmour en surface, la réalité est que leurs avis se rejoignent complètement et qu’iels ne savent point le contredire. Le terreau du fascisme n’est pas dans l’extrémisme mais dans la complaisance et le conformisme, comme le met brillamment en scène Bernardo Bertolucci dans Le Conformiste. Ce film de 1970 montre comment le fascisme est le pur produit des pulsions cachées des bien-pensant·es nostalgiques. Bref, on dirait vraiment que c’est le black-out au pays des Lumières. 

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La création de la menace wokiste est le résultat final de ce processus de non-pensée complotiste étalé sur des décennies.

En pratiquant ce que des journalistes et philosophes tel·les que Simon Blin ou mon amie Anne Plaignaud appellent le « confusionnisme », les opinionistes et les politicien·nes « boomers avec le seum » détournent à dessein les discours de gauche. Selon Simon Blin, le confusionnisme serait une récupération par l’extrême droite des idées progressistes menant à un pernicieux brouillage de pistes. Des revendications démocratiques légitimes, comme le combat anti-raciste ou anti-homophobe par exemple, viennent alimenter un discours complotiste enrichi de fake news. On se retrouve alors à adhérer à des principes de post-vérité absurdes comme le fait que les « wokistes » seraient là pour mener à bien un projet de « grand remplacement » orchestré par des lobbies. En tête desquels, le fameux Lobby LGBT+ (toujours pas trouvé, si vous avez un numéro pour les joindre faites tourner !). 

La création de la menace wokiste est le résultat final de ce processus de non-pensée complotiste étalé sur des décennies. Malgré ce que racontent les philosophes de comptoir et les écrivain·es de plateau télé, le « wokisme » ne veut rien dire, et d’ailleurs très peu de militant·es dans ce pays s’en revendiquent. Ce mot, venu des combats pour la reconnaissance des droits civiques des afro-descendant·es aux États-Unis, non seulement ne nous concerne pas stricto sensu, mais n’a pas ramené le danger féministe décolonial en France car celui-ci y a pris racines depuis des lustres. Eh oui, le féminisme a écrit certaines de ses plus belles pages en France grâce à des autrices comme Monique Wittig ou Simone De Beauvoir… Passionné·es de made in France que vous êtes, les boomers, vous devriez en être fier·es !

Il y a des intellectuel·les du showbiz qui se branlent sur les idées d’extrême droite en privé, tout en cultivant une espèce de respectabilité face caméra. 

Dire que les revendications féministes, queers et antiracistes en France sont le fruit d’une tendance anglo-saxonne est une absurdité historique. Jean-Michel Blanquer devrait réviser ses classiques avant d’organiser des think tanks pour combattre la « wokisation » des facs. « On ne combat pas des dérives en faisant la guerre à l’intelligence », comme l’a si bien écrit l’historienne Élisabeth Roudinesco dans Le Monde. Peut-on par ailleurs revenir sur l’incohérence qui consiste à créer des « think tanks » à l’anglo-saxonne alors même qu’on dénonce une « anglo-saxonisation » des universités françaises ? Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, nous vivons selon un modèle économique ultra américain et la macronie se réclame volontiers de la start-up nation : décidément, on n’aime les tendances anglo-saxonnes que quand ça en arrange certain·es. 

Pour résumer donc : il y a tout un tas de gens en France qui ont le seum de voir évoluer le doux pays de leur enfance et la rage de devoir remettre en cause leurs privilèges. Iels sont visiblement en panne d’idées pour leurs bouquins et s’inventent donc des ennemis imaginaires, des wokistes aux islamo-gauchistes-philo-terroristes. Il y a des intellectuel·les du showbiz qui se branlent sur les idées d’extrême droite en privé, tout en cultivant une espèce de respectabilité face caméra. 

Suggestion pour Jean-Michel Blanquer, je pose ça là : monter un nouveau think tank pour réfléchir à 1/ pourquoi cinq ans de macronie ont mené à cette montée en puissance de l’extrême droite ; 2/ au lieu de s’en prendre à une fantomatique idéologie woke, se soucier plutôt que des gens ne revisitent pas l’Histoire en clamant que « Pétain a sauvé des juifs » et que « l’innocence de Dreyfus reste à prouver ». Voyez-vous, de la peur du communautarisme à la réhabilitation du régime de Vichy, il n’y a qu’un pas !

Un dernier appel à la gauche, si quelqu’un·e m’entend dans la clameur des luttes d’ego : et si vous arrêtiez de vous plaindre parce que machin mange de la blanquette, et vous attaquiez plutôt à contredire les fachos ? Sortez de votre royaume parisien fait de gauche caviar et de champagne bio, il est temps de gagner la bataille des mots.


Retrouvez tous les épisodes de De Gaulle’s Drag Race 2022 :

• #1 La guerre des boomers
• #2 Marine, Valérie, une dyke romance patriote

Illustrations : © Brutta Garbo. Pour suivre son travail, rendez-vous sur son incroyable compte Instagram.

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