Bienvenue dans la Salle d’une fête de Musique Chienne

En cinq morceaux, le nouvel EP de Musique Chienne nous emmène dans un univers acide, survitaminé et faussement naïf. Un peu comme si on mâchait un malabar multicolore, aux propriétés légèrement hallucinogènes, dont chaque bulle exploserait dans un son de percussion. Cinq comptines lo-fi et décalées, posées d’une voix nonchalante, qui parfois ondule et se transforme. Rencontre avec une musicienne, magicienne et dog-sitteuse.

« Quand je fais de la musique, je ne suis pas vraiment de règles, à part peut-être pour le rythme. » Les yeux bleus sous une frange couleur de feu et la voix calme, Musique Chienne explique qu’elle a, pendant neuf ans, suivi des cours de percussions : « J’apprenais d’une oreille et ça ressortait par l’autre, j’ai toujours rejeté la théorie inconsciemment. »

Est-ce de là que vient le côté lo-fi qui s’illustre dans ses productions ? C’est en tout cas bien présent dans son dernier EP, Salle d’une fête, sorti le 18 juin sur le label suisse Cheptel Records. Cinq morceaux à la fois dansants et mélancoliques, aux sonorités acid : « C’est un style qui me convient très bien, ça me permet d’amener ces sons bizarres, qui sont impossibles à chanter, mais sans faire un morceau club. »

Comme souvent dans son travail, une dimension étrange et un peu loufoque se fraie un chemin. Dans les sonorités, mais aussi au gré des paroles, qui revêtent une certaine candeur. Plutôt que dans l’optique de raconter une histoire, Musique Chienne les écrit pour accompagner la mélodie : « J’aime bien quand ça ne veut pas dire grand-chose. Et je préfère être discrète, garder une part de magie. » Elle nous parle d’une fée au fond d’un couloir, reine de la musique, d’un scarabée qui se déhanche, et – clin d’œil à un sketch de Elie Kakou – répète pendant 4 minutes « je crois que j’ai besoin d’une douche ».

Un EP pensé en 3D

Avec Salle d’une fête, Musique Chienne confie l’illustration de son projet à une tierce personne. C’est un détail de taille : elle est également illustratrice – sous le nom de Sarah-Louise Barbett – et a toujours associé le dessin à la musique, créant sans cesse des liens entre ces deux pratiques, comme récemment en co-signant la bande-son d’une BD.

Ce sont d’ailleurs ses dessins qui sont à l’origine du clip de « Wormz », animés et augmentés par la 3D de l’artiste shoboshobo. Tout commence avec un numéro du fanzine Decapitron, édité par ce dernier, qui met à l’honneur le travail de Sarah-Louise. « Ça correspond au moment où je commençais à utiliser la 3D, se souvient shoboshobo. Alors pour faire la promotion du fanzine, j’ai modélisé la couverture et créé une petite boucle vidéo que j’ai postée sur les réseaux. »

Le résultat détonne, et les deux artistes se lancent dans le clip de « Wormz ». shoboshobo donne alors vie à tout un écosystème de scarabées, chenilles et autres insectes, se dandinant dans un décor digne de celui d’Alice au pays des merveilles. C’est également lui qui signe les images de Salle d’une fête : « On voulait quelque chose d’un peu froid et figé, qui soit à la fois artificiel et réaliste. Un peu pop, mais aussi académique, par la rigueur de la perspective et des points de vue. C’est un mélange des propositions de Sarah-Louise et des ouvertures techniques. »

Telle une cheffe d’orchestre, Musique Chienne arrange les multiples facettes de son EP. « Je sais exactement ce que je veux. Mais j’ai souvent été seule dans mon travail, alors c’est un défi de penser des projets à plusieurs, de montrer ce que j’aime et de créer des cohérences entre différents univers. »

Salle d'une fête
Salle d’une fête © shoboshobo

Aux images de shoboshobo s’ajoutent bientôt celles pensées pour la communication de l’EP. Cette fois, Musique Chienne décide de faire appel à Francis Jaillans, artiste, coiffeur et costumier à l’univers punk-arlequin, qui détaille : « Pour moi, c’était l’occasion de jouer avec tous mes instruments de beauté, et d’imaginer un monde parallèle dans lequel elle incarne un personnage de bergère du XVIe siècle qui s’est égarée pendant le carnaval et qui rencontre une chenille, par exemple. »

Le photographe Robin Plus rejoint la petite équipe, et si chacun·e a un univers bien distinct, la collaboration est un succès. « C’était important pour moi que le ton reste gai et léger, explique Francis. Mon inspiration initiale, c’est la couverture du livre de maquillage pour enfants de mon mentor, un artiste incroyable qui s’appelle Claude Giordano qui peignait sur les corps dans les années 80. Sur la photo il y a un sourire presque de Joconde que je trouve assez invitant, parfait pour une photo de presse. »

Musique Chienne. © Photo : Robin Plus. Make up & hair : Francis Jaillans

Une des images représente Musique Chienne en pleine crise de panique, son téléphone à la main. Une façon d’être transparente sur la façon dont elle vit les injonctions à la communication. « Tout le jeu des réseaux sociaux, c’est une manière de travailler qui m’intéresse, mais ça m’angoisse aussi énormément. »

Panic Attack 

Parce que sous les airs déjantés de ses morceaux, Musique Chienne cultive le calme et ne cache pas une certaine timidité. Elle raconte son trac avant de monter sur scène, presque étonnée de se sentir si peu à l’aise après tout ce temps : « J’ai beaucoup de mal à être le centre de l’attention, je n’ai aucune aisance et, clairement, je suis parfois tétanisée. Alors que des dates, j’en ai fait ! »

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Lors d’une interview à Trax, elle expliquait : « Faire un concert pendant trente minutes et se barrer, je trouve ça compliqué. Je ne suis pas à l’aise alors j’explique, j’ai envie de faire un truc un peu didactique pour montrer aussi ce que ça fait d’être sur scène. » C’était il y a deux ans : son parti pris n’a pas franchement évolué et son aisance sur scène non plus. Musique Chienne a décidé d’être à l’aise avec le fait de ne pas être à l’aise : « Je n’ai pas envie de faire semblant et de montrer une assurance que je n’ai pas. C’est une faiblesse qui me donne de la force, et pour moi le plus important c’est d’être sincère dans mon projet. »

Pour prendre de la distance avec des circuits de communication trop codifiés, elle crée Miss Bean, un projet qui sonne presque comme une cour de récré. « C’est une autre façon de fonctionner, plus spontanée. » Il en résulte des morceaux encore plus acid, et des lives proches du dj set pendant lesquels elle ne prend pas nécessairement le micro.

Dans son concert idéal, elle serait entourée du public, plutôt que juchée quelques mètres plus haut. Pour un moment d’échange et d’écoute collective : « J’aime le fait d’être au milieu, et pas sur une scène au-dessus des gens. J’aime aussi que le public participe. » On vous souhaite de la voir à l’action durant l’été, où elle se baladera de festival en festival, entre la France, la Suisse et la Belgique. Vous pourrez notamment la croiser à Marseille à La Traverse début juillet, ou plus tard en Ardèche sur le festival Oh Plateau !, en tant que Miss Bean.


Photo à la une © Robin Plus. Make up & hair : Francis Jaillans

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