Hyperlink, nouvelle agence de management et de booking fondée au début de cette ère covid, a réuni 11 talents artistiques internationaux sur une compilation, lilywhite, dans le but de soulever des fonds pour la Fédération nationale Solidarité Femmes. On les retrouvera le 13 mars lors d’un takeover sur Rinse France de 18h à 22h pour fêter cette très belle sortie.
Fanny Cahu a créé l’agence Hyperlink il y a un an, ayant pour objectif de faire rayonner une certaine scène électronique française, mais qui a toutefois été stoppée dans son élan suite aux mesures sanitaires en réponse à la pandémie de covid. En attendant la reprise des activités, plusieurs mix ont été publiés et une initiative est née : celle de sortir une première compilation d’artistes repéré·e·s à travers le monde, ayant comme seul lien les unissant la lutte contre les violences conjugales, nommée lilywhite.
Le résultat est sublime. On entend se soulever des chants célestes, des chœurs résonnent de toutes parts, bravant les brutalités expérimentales de certaines sonorités que composent ces 11 pistes. À travers lilywhite se dessine un univers réellement contrasté, dans lequel la violence des tremblements se mêle à des voix radiantes et rassurantes. Les morceaux accueillent des atmosphères résolument opposées, certaines sont angoissantes, d’autres révoltantes, parfois elles sont réconfortantes, donnant au projet une puissance mystique. L’objet forme finalement une belle union musicale électronique entre ces 11 artistes grâce à une direction artistique plus que maîtrisée pour ce premier one-shot.
On en a donc profité pour en savoir plus sur cette nouvelle entité, Hyperlink, et sur la compilation lilywhite, en posant quelques questions à Fanny Cahu, sa fondatrice.
Manifesto XXI – Comment est née Hyperlink ?
Fanny Cahu : Il y a un peu plus d’un an je me suis lancée en freelance et c’est au même moment que j’ai rencontré Marie qui cherchait un·e freelance avec qui collaborer. Elle a créé une agence de management, All Play Management, il y a quelques années et souhaitait la faire évoluer en créant une branche de l’agence centrée sur les musiques électroniques. Je me suis occupée de tout ça ! Je venais pile poil de terminer mon premier contrat freelance avec la Gaîté Lyrique, j’avais travaillé dans le spectacle vivant et dans l’industrie musicale, fini mes études, c’était la suite logique de monter Hyperlink… Et c’était un désir profond de travailler auprès des artistes et de partager ma passion pour la musique.
Quel est le but de ce collectif/label ?
Hyperlink c’est, à la toute base, une agence de management et de booking. Malheureusement j’ai commencé cette activité juste avant le premier confinement et ça n’a donc jamais réellement tourné. Mais j’ai voulu faire en sorte que Hyperlink existe tout de même et j’ai donc ouvert une chaîne soundcloud pour mettre en ligne des podcasts. J’ai invité une vingtaine de djs qui viennent de partout dans le monde et je continue à alimenter la chaîne régulièrement. J’ai écouté beaucoup de mix en 2020, j’étais contente d’en recevoir et de les partager aux autres. Je remercie aussi la chaîne de podcasts de mes copains toulousains Aïra pour avoir rendu cette année moins difficile.
Comment est née l’idée de créer cette compilation ?
C’est un truc que je voulais faire depuis tellement longtemps que je ne me souviens même pas exactement du moment où je me suis dit que j’allais le faire. Je pense que j’étais un peu bloquée dans ma zone de confort, et que je ne me sentais pas légitime. Moi je ne suis personne, je mixe seule dans ma chambre, j’écoute mes albums, je les envoie à mes ami·e·s et voilà, je n’aime pas le devant de la scène. Au fil des années je me suis créé une petite communauté et internet a été une ressource incroyable pendant des années pour que j’alimente mon désir de musique. J’ai commencé à discuter avec des producteur·rice·s, certain·e·s sont devenu·e·s des ami·e·s. Puis la pandémie est arrivée et le confinement a remué beaucoup de choses en moi. Alors c’était le bon moment, il fallait évacuer, et se jeter à l’eau. Finalement tout s’est fait assez naturellement.
Quant à la notion d’engagement, c’était là depuis le début, la question ne s’est pas vraiment posée. La cause féministe m’importe, je suis tous les jours inspirée par les femmes militantes, par leurs œuvres. La lutte contre les violences conjugales fait partie de ce combat qui me touche et que j’ai envie de mener.
Nous ne pouvons pas supporter d’autres féminicides, ça doit s’arrêter.
Fanny Cahu
Tu as réuni plusieurs producteur·rice·s locaux·les, mais aussi inter. C’était important d’aller chercher des talents artistiques au-delà des frontières françaises ?
Il y a tout un pan de la musique électronique qui reste assez peu connu en France et beaucoup de choses se passent au-delà de nos frontières aussi. J’aime bien l’idée de mélanger les personnes, de faire se croiser les artistes, d’avoir plusieurs nationalités ensemble pour avoir la vision musicale de chacun·e.
La couleur de cette compilation me fait beaucoup penser à la direction artistique de High Heal. Est-ce que c’est un label dont tu te sens proche ?
C’est un vrai compliment. C’est trop bien High Heal, je suis fan et le graphiste d’Hyperlink aussi ! On vous aime High Heal ! D’ailleurs il y a Fetva sur la compilation. Gros bisous Fetva.
Si je te dis que cette compilation est céleste, ça te parle ? Je me demandais si tu avais donné des indications aux artistes ?
Oui c’est aussi l’image que j’ai en écoutant la compilation. Cette notion du céleste c’est ce que je recherche quand j’écoute de la musique, j’ai envie que ça me transporte. Et non, je n’ai pas vraiment donné d’indications aux artistes, pour plusieurs raisons : d’abord pour ne pas brider leur créativité, mais aussi parce que je leur faisais 100% confiance et que je savais plus ou moins à quoi m’attendre. Il y a des morceaux plus brutaux que d’autres, et ça donne un bon équilibre à l’ensemble.
Quand j’ai demandé à thirdworldlabour s’il voulait participer à une compilation pour lutter contre les violences conjugales il m’a dit “je ne cautionne aucune violence, sauf dans la musique”, ça m’a marquée.
Fanny Cahu
Est-ce que tu peux nous en dire plus sur le nom de la compilation lilywhite ? Comment l’as-tu choisi ?
Eh bien, ça m’est venu tout seul, un soir. Je parlais avec le graphiste et on disait qu’on voulait faire un visuel à l’antipode des violences, donc un truc doux, avec une fleur peut-être. Et là tout s’est connecté, j’ai pensé au lys blanc (« white lily » en anglais) et au fait que si on inversait les mots, « white lily » devenait « lilywhite » et « lilywhite » signifie « innocent, pur » en français. Donc c’est complètement l’inverse du comportement des agresseurs, mais c’est souvent comme ça qu’ils se qualifient. C’est aussi une façon de dénoncer la justice, qui parfois ferme les yeux.
Tous les fonds seront reversés à la Fédération nationale Solidarité Femmes. Est-ce que pour toi la musique se doit d’être de plus en plus engagée dans des causes telles que celle-ci ?
C’est évidemment super de voir des labels et des artistes être engagé·e·s et j’aimerais que ce soit plus le cas, oui bien sûr ! Surtout pour des causes comme celles-ci, pas assez médiatisées. Cependant, la question de politiser la musique est une question compliquée et chacun·e est libre de penser la musique comme il/elle le veut. Là, je vais reverser chaque euro à la FNSF et je le referai sans doute si on sort un deuxième volume. Mais si on sort des albums un jour, j’aimerais que l’artiste impliqué·e puisse récupérer l’argent des ventes, et qu’on puisse se créer un budget pour financer les futurs projets.
C’est quoi la suite pour Hyperlink ?
Comme je le disais, je vais continuer à inviter des djs sur la chaîne soundcloud dans un premier temps, j’y tiens. C’est comme un terrain de jeu, je peux inviter qui je veux et uploader quand je veux.
La partie management est plus délicate, car on a mal démarré, et j’aimerais inclure plus de femmes dans le roster. Ce serait cool aussi que je trouve une personne qui connaît bien le milieu pour qu’on travaille ensemble, mais il est impossible de salarier quelqu’un·e.
Ensuite, j’aimerais bien que la partie label ne s’arrête pas, car j’ai plein d’idées de petit·e·s producteur·rice·s à release et avec qui j’ai envie de travailler, ou même à qui j’ai envie de donner un peu plus de visibilité avec les petits moyens que j’ai. Cela fait un an que je veux faire une soirée avec des lives et des dj sets, mais pour le moment c’est trop compliqué et il faut une trésorerie. J’ai aussi envie de faire un clip vidéo un jour, une installation sonore, ou même des lectures, demander à des artistes de venir mettre de la poésie en musique… J’ai envie de faire tellement de choses, mais pour le moment ça se promène dans ma tête de façon aléatoire. Je vais devoir poser tout ça au clair, mais j’ai le temps, je ne suis pas pressée. Sinon, dans un futur très proche, on propose de se retrouver pour un takeover sur Rinse France le 13 mars. Ce sera un peu notre release party à nous.
La compilation lilywhite de Hyperlink est disponible sur Bandcamp et SoundCloud. Les fonds seront reversés à la Fédération nationale Solidarité Femmes.
Artwork : ©Kevin Depessemier