Figure de proue de la vague lo-fi que la house a connue en 2016, Tristan Hallis aka DJ Boring explose les compteurs sur Youtube et Soundcloud avec son track « Winona » cette même année. Un morceau de huit minutes que l’Australien relie à une sombre période de sa vie durant laquelle il se faisait harceler au lycée.
En septembre 2016, sur sa chaîne Slav, dédiée à une niche d’amateur·rice·s de house, Oskar Koch poste cette vidéo sans le savoir alors qu’elle comptabilisera aujourd’hui près de 6 millions de vues. DJ Boring est un des premiers « bedroom producers » à sortir de l’anonymat grâce à ces chaînes Youtube spécialisées. Plusieurs centaines de petit·e·s producteur·rices·s ont suivi le mouvement et bénéficient aujourd’hui de ce soutien. Conscient de sa chance, le DJ australien vit désormais à Londres et continue de jouer une deep house aux accents breakbeat.
Manifesto XXI – Tu t’es fait connaître avec le morceau « Winona » pour lequel tu as samplé une interview de Winona Ryder de 1999. Dans le passage en question, la jeune actrice évoque la difficulté d’exercer son métier et le souvenir de castings où des réalisateurs lui expliquent qu’elle n’est pas assez jolie. Ça t’a rappelé des moments de ta vie. Peux-tu nous en dire plus ?
DJ Boring : Mes tracks sont souvent tristes, pas nécessairement dépressives, mais on y retrouve toujours un sentiment assez froid. Je me suis fait harceler durant une grosse partie de ma jeunesse et j’y pense lorsque je produis. Récemment, alors que je jouais dans un club en Australie, j’ai reconnu deux des mecs qui me tapaient au lycée, au milieu de la foule. Ils sont venus me voir à la fin de mon set : « Hey ! Salut, comment tu vas ? On adore ce que tu fais ! » Ça m’a un peu troublé…
Même s’ils m’ont frappé à l’époque, je suis content de les voir apprécier ma musique.
DJ Boring aka Tristan Hallis
Tu peux considérer leur présence à ton set comme une victoire, non ?
Oui, totalement ! Je n’ai rien fait si ce n’est passer de la musique. Je ne suis pas rancunier. Même s’ils m’ont frappé à l’époque, je suis content de les voir apprécier ma musique aujourd’hui.
Tu sembles puiser dans tes souvenirs pour produire. Comment-est-ce que tu fonctionnes exactement ?
Ça dépend. Je commence par jouer avec mes synthés. Certaines mélodies font remonter des souvenirs. Je ne vais pas forcément piocher dans mes émotions pour lancer un morceau. Les premières notes m’évoquent un sentiment. C’est ce qu’il s’est passé avec « Winona ». L’objectif était de sampler une voix sans qu’elle soit chantée. Je venais de finir la série Stranger Things dans laquelle Winona Ryder joue. Depuis que j’ai vu Beetlejuice, un de mes films préférés, j’ai toujours adoré cette actrice. En regardant des vieilles interviews, je suis tombé sur celle-ci. « Winona » est né.
Comment as-tu vécu le succès de ce titre ?
C’est fou ! C’est un rêve qui devient réalité. Toute personne qui poste de la musique sur Soundcloud aimerait que ça lui arrive. Ça s’est passé très rapidement. Le morceau est devenu viral du jour au lendemain. Il a été vu et partagé des millions de fois. C’était sans cesse dans les recommandations Youtube. Je peux remercier leur algorithme !
À 16 ans, tu avais un groupe d’electro rock. Tu t’es ensuite tourné vers le disco, la pop et la new wave. Depuis 2012, tu es connu en tant que DJ et producteur de house. Quelle est la prochaine étape ?
Ma musique risque de s’intensifier. À la façon de Tom Trago, Busy P ou Justice à l’époque A Cross The Universe. J’adore cette période de la musique électronique française. Je ne sais pas comment sera ma musique de demain, mais on pourrait appeler ça de la « noise house ».