Trois ans après leur premier album, les Italiens Guglielmo Torelli et Dario Bracaloni, plus connus sous le nom d’Aquarama, reviennent avec un deuxième opus et la ferme intention de conquérir l’Europe à coup de pop nourrie aux influences tropicalo-sixties.
Aquarama quitte le large pour observer de nouveaux horizons avec Teleskop. C’est lors de leur passage à Paris, pour leur date au Supersonic que nous avons rencontré les deux capitaines du navire pour une entrevue au Café de la Presse.
Nous avons tourné pendant près de deux ans avec presque une centaine de concerts en Italie et dans d’autres pays d’Europe, puis on a décidé d’arrêter de tourner et on a travaillé sur l’album pendant un an.
Dario Bracaloni
Manifesto XXI – Buongiorno Aquarama, vos concerts en France se sont-ils bien déroulés jusqu’à présent ?
Guglielmo Torelli : Bien sûr ! On adore jouer en France et c’est la deuxième fois qu’on y joue. On a déjà eu la chance d’y tourner pour le premier album Riva, mais c’est aussi grâce au prix qu’on avait gagné, le Italia Music Export. Cette victoire pour la première édition nous avait permis de tourner durant deux semaines en France en avril 2018.
Dario Bracaloni : Nous chantons en anglais, c’est un choix que nous avons fait pour nous exporter à l’étranger. Le marché musical français est plus ouvert et réactif que l’italien. C’est très important pour nous de nous exporter.
[À ce moment là, l’alarme incendie du Café de Paris retentit bruyamment et on se demande si cette interview ne va pas finir sur cette seule question. Deux minutes plus tard, fausse alerte, nous pouvons continuer].
Pourquoi la mer est-elle si importante dans l’identité de votre groupe ?
G. T. : C’est essentiel parce que c’est à travers ça qu’on a commencé notre projet Aquarama. Tout a commencé durant un été très chaud. On passait toutes les nuits dans notre studio à Florence parce qu’il y faisait plus frais. Nous rêvions de nous échapper par la mer et c’est comme ça que tout a commencé.
D. B. : Notre studio était situé dans la banlieue de Florence, sous le béton et le ciment, dans une zone industrielle. On souhaitait alors s’enfuir métaphoriquement en rêvant de la mer, d’îles tropicales et ce genre de choses. On s’est dit pourquoi ne pas élargir l’idée artistiquement et c’est devenue une grosse influence pour Riva. On écoutait et on écoute toujours beaucoup de bossa nova, de samba et de tropicalisme du Brésil des années soixante et soixante-dix. On a décidé de lier ça à nos influences pop westcoast des sixties pour composer notre musique.
Cette tournée européenne célèbre la sortie de votre deuxième album. Votre premier était sorti en 2017, pourquoi une aussi longue attente avant le deuxième opus ?
D. B. : Parce qu’on a tourné depuis la sortie du premier album sans s’arrêter [rires].
G. T. : On a fait le dernier concert du Riva Tour le 26 octobre 2018 à Lyon.
D. B. : Du coup, on a tourné pendant près de deux ans avec presque une centaine de concerts en Italie et dans d’autres pays d’Europe, puis on a décidé d’arrêter de tourner et on a travaillé sur l’album pendant un an. À ce moment là, alors qu’on composait les titres de l’album, on construisait également notre propre studio, c’est pour cela que ça a pris tant de temps.
D’accord, donc la réalisation de Teleskop vous a pris un an c’est bien ça ?
G. T. : Un peu plus d’un an mais la plupart des morceaux étaient déjà prêts depuis un moment. À la fin de l’année 2017 on avait déjà une bonne partie de la musique. Avoir son propre studio libère des contraintes, pas de limites de temps, on peut jouer en matinée ou la nuit, inviter des amis pour jammer, … C’est aussi la raison pour laquelle Teleskop est différent de notre dernier album. Riva on l’a fait juste tous les deux, ce nouvel opus est plus collectif.
D. B. : Le morceau « Vietnam » sur Teleskop s’est vraiment développé pendant la tournée de Riva. C’est un titre qu’on avait commencé à jammer, puis à mettre dans notre setlist et à développer d’un concert à l’autre. Ensuite, on l’a enregistré pour l’album.
Chaque chanson de Teleskop est une réflexion sur le monde : comment il était et comment il est aujourd’hui.
Guglielmo Torelli
Justement, de quoi parlent les morceaux de l’album ? « Vietnam » est un morceau instrumental qui commence par le son d’un avion et finit sur un rire. Pourquoi l’avoir titré ainsi, quel est le rapport avec le Vietnam ?
D. B. : Il fait référence à la guerre du Vietnam, mais il y a également une histoire très intéressante là-dessus à propos de notre pays.
G. T. : Vers la fin des années soixante-dix, la marine italienne a fait sa plus grande mission de secours pour sauver des milliers de boat-people qui fuyaient le Laos, le Vietnam et les autres pays sinistrés par la guerre dans cette région. La marine italienne a envoyé des bateaux pour naviguer jusqu’en Asie et ramener les boat-people en Italie.
D. B. : C’est intéressant, parce que cela montre comment notre pays était très différent de ce qu’il est aujourd’hui. La plupart de nos politiques parlent de ne pas accueillir les migrants sur notre sol. Aucun réfugiés, même s’ils sont en danger. Le gouvernement des années soixante-dix n’était pas particulièrement à gauche, c’était le parti Democrazia Cristiana et pourtant ils ont décidé d’accomplir cette grosse mission. Et plus que la mission en elle-même, la population italienne était très accueillante avec ces réfugiés en leur proposant de les héberger.
G. T. : Chaque chanson de Teleskop est une réflexion sur le monde : comment il était et comment il est aujourd’hui. Le rire à la fin du titre « Vietnam » est une clef pour comprendre l’ironie dans chaque chanson.
Le dernier album s’appelait Riva. Riva Aquarama est le nom d’un luxueux modèle de bateau italien. Pourquoi avoir nommé cet album Teleskop, avec l’orthographe allemande ?
G. T. : On l’a intitulé comme ça parce que l’orthographe allemande permettait qu’il n’y ait pas de mésinterprétation à travers la prononciation. La prononciation avec cette orthographe est très directe pour cet objet.
D. B. : Le concept de l’album comme l’a stipulé Guglielmo est d’observer le monde avec distance. Observer le monde, les vieux souvenirs et comparer avec ce qu’il est aujourd’hui, comment il a évolué, mais aussi avec ce qu’il aurait pu devenir. On a enregistré en étant isolé du reste du monde, c’était comme une base d’observation et d’expérimentation où on observait métaphoriquement la planète avec un télescope.
Riva sortait chez FreshYo ! Label et Irma, deux labels italiens. Teleskop sort chez FreshYo ! Label mais aussi chez les Grenoblois Sand Music et les Hambourgeois Popup-Records. Pouvez vous nous raconter comment cela c’est passé ?
G. T. : C’est le résultat de nos concerts à travers l’Europe. En fait, on a rencontré Sand Music après la sortie de Riva. L’histoire est drôle. Le directeur du label était en vacances à Florence. Il a vu la couverture de l’album chez un disquaire, il l’a aimé, a acheté le disque et nous a contacté ensuite. La collaboration a commencé comme ça. Le contact avec Pop-up Records c’était quand on a joué au Reeperbahn Festival de Hambourg en 2018. On a eu la chance de rencontrer le manager du label, ils ont aimé notre musique et ont pensé que ce serait une bonne idée de nous éditer en Allemagne.
D. B. : En fait le plus gros pari de ce nouvel album était l’Allemagne parce qu’on avait très envie de tourner sérieusement dans ce pays. Mais on est quand même aussi très contents d’être édités en France. Par rapport à notre dernière tournée dans l’hexagone il y a deux ans, c’est un autre monde maintenant, on a plein de fans et on joue dans de meilleures salles. On adore jouer pour eux et on adore la France.
Dans vos chansons on peut entendre beaucoup d’inspirations de partout dans le monde, et particulièrement d’Amérique latine, mais quelles sont vos inspirations italiennes ?
D. B. : Surtout Lucio Battisti, c’est probablement le plus grand compositeur de musique pop en Italie avec Lucio Dalla. C’était un énorme compositeur et chanteur, un géant dans la musique. On aime aussi les compositeurs de musique de films italiens. Guglielmo est un grand fan des films de Sergio Leone. Beaucoup de choses d’Ennio Morricone font partie de notre ADN parce qu’on écoute ses titres depuis qu’on est gamins. Cela fait partie de notre culture et tout le monde en dehors de notre pays connaît Morricone, on en est très fiers.
Mais y a t-il une empreinte italienne dans votre musique ?
G. T. : Bien sûr, on est italiens, on a appris la musique, on la compose et on la produit en Italie. Hier on nous a dit qu’on sonnait comme Battisti, donc tu vois ? Pendant nos concerts on met toujours des références à ces compositeurs italiens. On cache ces influences dans nos chansons mais pas pendant les concerts. Si tu viens à notre concert ce soir tu pourras entendre certaines influences de Dalla et de Battisti.
D. B. : Ce n’est pas parce qu’on chante en anglais qu’on rejette nos origines. Ce n’est pas pour être snob envers notre pays. La langue anglaise nous permet de nous faire comprendre à l’étranger.
L’esthétique de votre groupe est très pop culture. Guglielmo Torelli est artiste-visuel, quelle place a le visuel dans vos productions ?
G. T. : Depuis le début de notre projet on a travaillé avec une amie à nous qui est une très bonne illustratrice française, elle s’appelle Clémence Chatel. On faisait la musique et elle est arrivée avec toutes les illustrations de Riva. Je préfère personnellement me concentrer sur la musique et que quelqu’un d’extérieur nous apporte quelque chose de nouveau. C’est aussi la raison pour laquelle je n’ai pas non plus fait l’artwork de Teleskop. On aime qu’un artiste interprète notre musique en image. J’ai par contre réalisé la vidéo de « Coral » et l’animation des trois singles de Teleskop.
La sortie du clip d’un morceau de l’album est-elle prévue ?
D. B. : Ce n’est pas prévu même si on aimerait bien. Pourquoi pas, mais là on se concentre surtout sur les concerts.
Peut-on espérer un troisième album pour l’année prochaine ?
D. B. : Ça va être dur pour l’année prochaine mais le plus vite possible.
G. T. : Quand on s’arrêtera un peu de tourner on se reconcentrera sur les compositions [rires].