Patriarchy is burning, c’est le titre sans concession du festival artistique organisé par GANG OF WITCHES ce week-end du 15 – 16 juin au Palais de Tokyo.
Au programme de GANG OF WITCHES : du voguing, de la photographie, de la sculpture, de la peinture, du théâtre, de la musique… Le tout placé sous le signe véner de la contestation, féministe et écologique. Une réflexion complète, tant pour la pluralité de medias mobilisés que dans les problématiques soulevées. Patriarchy is burning ambitionne de rassembler celleux qui se sentent sorcière ; un peu, beaucoup, passionnément. L’ouverture des réjouissances fait feu de tout bois avec notamment la projection de Mon enfant, ma bataille d’Émilie Jouvet, une performance de Rebecca Chaillon, le concert des GOW ou encore l’hommage à Paris is burning d’Amélie Poulain. Bref, on regrette déjà que ça ne dure qu’un week-end. Mais pour l’occasion, le GANG édite aussi une série de livres et de disques inédits. Sorcière en chef de cette tribu d’artistes fondée en 2016, Paola Hivelin a répondu à quelques questions.
Manifesto XXI – Le titre de l’événement est très visuel, et il peut être optimiste en un sens ! Vous pensez que le système brûle vraiment vers sa fin ?
Paola Hivelin : Ça peut être interprété de trois manières. D’abord ils s’enflamment. C’est assez innommable tout ce qui se passe aux Etats-Unis, au Brésil, et même en Europe avec la clauses de conscience des médecins… Ça peut aussi vouloir dire que ce sont les derniers feux du patriarcat. Enfin ça peut aussi vouloir dire que ça nous brûle nous. C’est une chanson à la base.
Mon sentiment c’est que comme les extrémismes montent, la résistance s’organise. Si cela s’intensifie d’un côté c’est normal que cela s’intensifie de l’autre. Depuis Trump tout nous oblige à nous organiser.
Vous avez tous·tes des pratiques artistiques différentes, qu’est-ce qui unit les membres de GANG OF WITCHES?
Des valeurs communes. Il y a des membres amis comme la peintre Ciou, qui n’est pas dans tout ce qui est exécutif comme on se voit une fois par an. Même chose pour Mina Mond. On a une révolte commune.
Notre art c’est notre religion, c’est notre façon d’être au monde. C’est cet espèce d’extrémisme artistique qui nous lie.
En même temps, on est des chouchous entre nous mais ça ne se voit peut-être pas forcément. (rires) C’est une envie de justice qu’on exprime à travers notre art mais il y a tellement de choses à faire et à changer qu’on l’exprime aussi à travers notre philosophie et notre vie.
Cet événement est la continuité d’un cycle commencé en 2017. Comment avez-vous fait le choix de cette thématique ? La figure de la sorcière a vraiment gagné en popularité depuis deux ans.
Disons, comme tous les ans on choisit un archétype, on le choisit pour nous. Cette année on a choisi Mars, l’archétype masculin. Donc on échange, on se réunit. On se demande de quelles guerres on va parler ? Celles qui sont faites par les Etats ou contre les individus ? On a choisi celles qui se font contre l’intime, les corps. On a déconstruit les archétypes patriarcaux au quotidien encore plus cette année dans l’actualité. Par exemple, je suis allée chez un médecin la semaine dernière et ça m’a vraiment choquée mais il parlait que de ses réussites, m’a dit que j’étais jolie et ne m’a absolument pas écoutée. Il était objet absolu et j’étais sujet absolu. Je me suis dit que j’allais approfondir les huiles essentielles et manger du céleri tous les jours, parce que le corps médical c’est compliqué. (rires) Quand on a choisi le nom en 2016, c’était pas du tout comme ça. Aujourd’hui je m’aperçois que beaucoup de gens ont des démarches éco-responsables, surtout des femmes.
Quid des pratiques magiques ?
C’est vraiment propre à chacun·e. Nous, avec Sophie Rokh ma binôme, on a un rapport spirituel avec la sorcières mais on n’éprouve pas le besoin d’en parler pendant une interview par exemple. On se sent sorcières. On aime le rituel quotidien tout simplement pour essayer de rester dans l’instant pour être connecté et sentir ce qui se passe autour de nous. C’est là aussi pour Sophie, Fanny, Sabrine… Chacun fait sa petite popote après.
Le titre de ta série “Witches spread like fire” est aussi très visuel. Qu’est-ce que cela signifie pour toi ?
Je suis en train de la terminer, ce sont des paroles de la chanson. C’est une série sur les violences de genre, nos corps sont extrêmement politiques et même si on en a pris pleins la gueule pendant des siècles, on est là et c’est fini. Le titre je l’ai choisi parce que je vois qu’il y a de plus en plus de sorcières, partout, que de plus en plus de gens comprennent ce qu’est le patriarcat et que c’est obscène. C’est l’idée de rassemblement contre l’oppression. Toutes les nanas que je connais, tout le monde a été victime de violence, ou au moins des amis. Ce n’est pas normal. C’est sociétal, c’est un espèce d’effet fractal qui se retrouve au niveau de la famille et de la société.
Comment c’est arrivé l’idée du chant ?
Sophie est musicienne, batteuse punk et elle a fait le conservatoire. S.O.A.P lui c’est son métier de produire. Je crois que c’est arrivé pendant un brainstorming. Tout ce qui arrive est très organique j’ai du mal à l’expliquer. Moi j’ai eu trente opérations sur les cordes vocales, j’ai failli devenir muette… Bref. Sophie m’a mis un coup de pied aux fesses et voilà j’ai pris le micro. Après en y réfléchissant la musique est le cheval de Troie idéal, parce qu’on a envie que ce soit fun, dire ce qu’on a à dire mais avec des injonctions positives aussi : « C’est la merde mais regarde on n’est pas tout seul, viens on crée un autre monde. »
On ne peut pas changer le monde, mais on peut créer un système parallèle, une économie circulaire. Recenser tous les pôles de résistance et créer un monde parallèle, ça j’y crois. Après c’est la course contre la montre !
Vous avez un souhait particulier pour ce festival ?
Là encore je vais parler pour moi, capitaine à bord. Ce que je souhaite c’est qu’on rencontre encore plus notre communauté. Je voudrais rencontrer le maximum de personnes qui ont le même genre de démarche que nous. On est quand même dans une période qui va au-delà de l’ego. Bien sûr que je suis aussi narcisse et je veux qu’on m’achète des œuvres, mais ce n’est pas le tout.
Le plus important c’est de donner du sens, on vit un moment particulier de l’histoire dans lequel le plus important c’est de partager et rassembler. C’est un moment où les lignes bougent donc c’est le moment pour avoir des initiatives, pour sortir de sa zone de confort, pour créer une société plus juste. C’est le moment pour rencontrer nos alliés et être plus fort.
Quels sont les prochains projets du GANG après ?
Là c’est la fin du premier cycle de trois ans, on ferme notre cycle urbain avec Patriarchy is burning. Ça va être la terre l’année prochaine. Le lieu dans la nature dans le Sud qu’on est en train d’installer — un havre de paix avec un studio de peinture, de photo, de musique et lieu d’expo — ça a pour but de devenir une résidence d’artistes et j’aimerais organiser des week-ends activistes. On parle, on met en commun nos connaissances, nos réseaux. On quitte Paris mi-juillet. Notre fil conducteur c’est l’exploration du système solaire et donc aussi des moyens de diffusion, de communication. Mon objectif c’est d’avoir des nouveaux chapters de GOW indépendants un peu partout, comme les Black Panthers pour avoir une propagation de sorcières. On va aussi faire une série documentaire sur le GANG pour diffuser des messages d’autres façon de vivre.