On connaît toustes ses gros seins légendaires, son rire communicatif, ses punchlines inoubliables, on s’est toustes déjà déhanché.es sur ses sets improbables, on a toustes admiré son engagement sans faille pour les migrant.e.s (entre autres). Icône pop de notre Paris Lesbien, c’est aussi sa chienne Franny qui déchaîne nos coeurs. Bref Leslie Barbara Butch, on connaît.
Ah ouais t’es sûr.e ?
Manifesto XXI : Pourquoi ce blaze, « Leslie Barbara Butch » ?
Leslie Barbara Butch : A l’époque où j’ai trouvé ce nom, je cherchais un truc connoté « gouine ». J’étais encore à Montpellier, c’était l’époque de MySpace, et quelqu’un m’a demandé mon nom de DJ.
Le prénom Barbara je l’ai trouvé parce que… en gros la veille j’avais couché avec une meuf qui s’appelait Barbara (rire). Et en fait la femme de George Bush père s’appelait Barbara Bush, et du coup je me suis dit « WAW c’est trop stylé je vais m’appeler Barbara Butch ».
Alors on doit t’appeler comment ?
Donc quand je me présente je dis Barbara. Mais ça dépend des gens tu vois, si je veux créer un truc intime avec eux je dis Leslie…. et sinon c’est Barbara (sourire).
On connaît mal ta vie d’avant, à Montpellier, c’est assez mystique cette arrivée à Paris. Qu’est-ce qui t’a amenée à partir ?
J’avais un resto à l’époque qui s’appelait L’Arrosoir, on faisait beaucoup de soirées où je mixais sur des platines vinyles, et vers 22h ça partait en boum, on bougeait les tables, le public était très queer.
Puis j’ai eu des plaintes homophobes, des soucis avec le voisinage, et voilà j’ai dû fermer… Je savais plus trop quoi faire et on m’a proposé de mixer dans les soirées à Montpellier. Et puis comme je suis parisienne depuis cinq générations tu vois, je suis retournée à Paris. Sans prétention, je voulais pas m’imposer je voulais juste changer d’air ! Le truc c’est que je connaissais plus personne à part des vieux copains pas du tout pédés ou lesbiennes, du coup j’avais un peu peur d’aller dans les bars queer parce que je suis hyper timide tu vois…. et donc j’allais aux Souffleurs, où j’ai rencontré Arno, qui m’a présentée à pleins de gens et je me suis sentie accueillie. Et puis j’ai mixé au Raymond Bar, puis aux Souffleurs, et puis ça a été assez vite. Je mixais d’une manière particulière, electropop, beaucoup de morceaux qui font appel à la mémoire collective, dont les gens n’avaient pas l’habitude, et c’est comme ça qu’on m’a bookée, et puis j’ai eu une résidence au Rosa Bonheur.
Et puis j’ai fait une campagne « Votez le Peigne », je voulais récolter 500 photos de gens avec un peigne comme 500 signatures pour les présidentielles de 2012 ; et puis il y a eu le buzz sur Grindr, et j’ai fait un tumblr sur le rire de Sylvie Vartan, ça m’a permis de rencontrer beaucoup de monde !
Ensemble repeignons la France.
Grossophobie, lesbophobie, accueil des migrants… ta communauté de followers sur les réseaux est habituée à beaucoup d’autodérision, et un militantisme très personnel, en soft power en quelque sorte. Pour autant, tu portes des messages forts et chaque jour ton engagement touche un public très large. Comment penses-tu être devenue cette voix ?
Au début je (ne me) mouillais pas trop sur les réseaux sociaux, je n’aime pas trop les débats sur mon mur… mais je me suis aperçu que j’avais une petite voix qui pouvait peut être réveiller quelques consciences, et je me suis rendu compte que c’était très important que je m’en serve. J’ai toujours été très engagée auprès de LGP Montpellier pour qui je mixe tous les ans, et dans mon restau j’organisais plein de trucs pour des associations, beaucoup de collectes, de soirées de soutien. J’ai toujours été impliquée aussi contre la grossophobie, qui est un sujet très important même dans les milieux queer dits safe, mais qui ne le sont pas forcément du tout en fait.
En ce moment mon grand combat c’est l’accueil des migrants au BAAM, Bureau d’Accueil et d’Accompagnement des Migrants. Je suis co-coordinatrice du pôle LGBT, mais il y a aussi un pôle juridique, social, un pôle hébergement… On les accompagne dans leurs démarches administratives. C’est surtout beaucoup d’implication émotionnelle et de temps. Ce qui est important pour les migrant.e.s LGBT, c’est qu’on leur donne une sécurité quand iels racontent leur parcours, les récits de ce qui leur est arrivé. C’est capital d’avoir créé ce pôle parce qu’il y a plein de gens qui ne sont pas au fait des questions d’homosexualité ou de transidentités, qui sont maladroits dans leurs paroles. Il y a aussi l’ARDHIS qui propose ce genre d’accompagnement spécifique, mais nous on a la permanence toutes les semaines.
Comment tu articules ton militantisme et ton rôle dans la nuit parisienne ?
Eh bien… il y a des endroits où je ne vais pas mixer parce que je ne peux pas travailler dans un endroit qui se fait de l’argent sur les queers ou les personnes migrantes, parce que oui, ça existe (rire jaune). Et aussi bien sûr quand je ne m’entends pas avec les orgas, ce qui arrive parfois. Mais ça c’est parce que je peux me payer le luxe de dire oui ou non. C’est un privilège d’être assez avancée dans ma « notoriété » pour pouvoir sélectionner les soirées où je joue. Alors oui, j’essaie de faire le plus souvent en fonction de mes convictions politiques.
A l’inverse, il y a des endroits où j’aime vraiment mixer. A la Mut’ (la Mutinerie, ndlr) par exemple, j’adore cet endroit. Au Rosa, pour la Patchole, j’adore mixer là aussi. Tu vois la Patchole c’est un mélange d’engagement et de fête. A la base je me suis dit qu’il fallait une soirée où on puisse écouter nos chansons de la honte sans avoir honte. J’adore le délire cagole dans ce que ça représente : elles assument leur look, leur manière de vivre, elles parlent fort, elles mettent plein de couleurs, des imprimés improbables, elles s’en foutent de ce que les gens pensent, elles sont hyper indépendantes. La patchole c’est une personne qui n’en a rien à foutre du regard des autres et qui peut se permettre toutes les libertés vestimentaires et musicales. C’est un vrai projet féministe et queer d’empowerment, pas juste un gros pétage de câble kitschissime. De toute façon le mauvais goût c’est subjectif. Mais bon, c’est quand même la fête du mauvais goût.
Qu’est-ce que tu cherches en club ? C’est quoi une bonne soirée ?
Une bonne soirée réussie c’est une soirée où les gens dansent, sont heureux. La composante safe coule de source en fait : iels sont dans un endroit où iels se sentent bien. Après le safe c’est relatif, toi tu peux te sentir safe à un endroit et moi pas, parce que je suis grosse par exemple. Le safe à 100% ça n’existe pas, je n’y crois pas. Par exemple, il y a des soirées où je pense que je ne pourrais pas rentrer en étant grosse si je n’étais pas Leslie Barbara Butch. C’est un privilège, c’est évident.
Ouais t’es un peu la nouvelle Beth Ditto française quoi.
La vieille Beth Ditto française, bitch please. Ça fait un moment quand même.
Et tu as des projets chauds à venir ?
Avec mon amie H (Hélène Mourrier), artiste queer plasticienne, et Id!r du label Mange_MOI, on sort un trio qui s’appelle Bash Back, on est en train de travailler sur un manifeste queer féministe. On travaille sur les productions, et ça devrait sortir fin novembre sur les plateformes de téléchargement.
La présentation du projet aura lieu le 10 novembre, où on fera un live lors des 1 an du collectif Goûter de Nuit.
(grand rire à la Sylvie Vartan) !
Et en exclu LBB nous offre « ses morceaux préférés de toute la vie », sélection de XXI titres pépites : MANIFESTO XXI
Et un mix Manifesto XXI special edition :
Par Azur Amour