Tous les candidats, de droite comme de gauche, se revendiquent comme « anti-système ». Le terme est de plus en plus usé et abusé. Ce serait donc cool d’être anti-système, mais qu’est-ce que cela veut dire exactement ? D’après le dictionnaire, c’est être « opposé voire hostile au système en place » ; c’est donc être contre le système politique, économique, les élites ou les médias. Tout ce qui pourrait opprimer le peuple. La lutte des classes aurait donc encore de beaux jours devant elle.
Les candidats à la présidentielle 2017 s’appuient d’abord sur un sentiment général des Français qui souhaitent la victoire d’un candidat de la rupture. En novembre déjà, une enquête de l’institut YouGov commandée par Le HuffPost et i-Télé révélait que 39% des Français souhaitaient la victoire d’un candidat anti-système en 2017, contre 28% contre. Le baromètre de la confiance politique établi par le CEVIPOF tous les ans confirme cette tendance.
Ce que le Français veut, les candidats le lui donnent. Il faut réformer le système, pour qu’il soit plus juste pour tous à gauche, pour qu’il favorise les Français pure souche à droite. Il faut pour tous sortir de cette image du politique de métier corrompu qui ne tient pas ses promesses.
Comment faire ?
François Fillon tente de s’installer comme candidat anti-système contre une « petite élite » ; pourtant, les trois idées phares de son programme sont la libéralisation de l’économie, la restauration de l’autorité de l’État pour protéger les Français et l’affirmation des valeurs françaises. Et pourtant, il n’a jamais exercé d’autre métier que celui de politicien. François Fillon fait son trou parmi les anti-système contre les médias et contre le microcosme des élites parisiennes.
Du côté du Front national, être anti-système est inscrit dans l’ADN du parti. Élevée dans le parti de par sa filiation, Marine Le Pen n’est pas fondamentalement anti-système même si son programme, lui, l’est. En France, elle veut lutter contre le poids du système administratif en supprimant les régions et les intercommunalités. En promettant la sortie de la zone euro, elle souhaite lutter contre un système qu’elle juge oppressif pour renouer avec un patriotisme économique.
Alors qu’il sort tout juste du système politique, Manuel Valls, lui aussi, veut se joindre à cette mouvance anti-système. Ce sont donc les médias qui prennent cette étiquette de « système », lorsqu’en décembre, alors que des journalistes l’interrogent sur le sujet, il rétorque : « C’est vous qui êtes enfermés dans le système. C’est vous qui représentez le système, ce dont les Français ne veulent plus ». Manuel Valls demande presque qu’on oublie qu’il était Premier ministre. Après avoir utilisé six fois le 49-3, il prétend vouloir le supprimer au nom du renouveau démocratique.
Emmanuel Macron en devient un modèle ; alors même qu’il est passé par Sciences Po et l’ENA avant de devenir inspecteur des finances et banquier, alors même qu’il est nommé ministre de l’Économie sans jamais avoir remporté d’élections, il affirme « refuser le système » lors de sa déclaration de candidature. Et c’est certainement celui pour qui cette posture fonctionne le mieux. Ni de gauche, ni de droite, libéré des grands partis, ils se présente de plus en plus comme le finaliste de ces élections aux côtés de François Fillon et Marine Le Pen.
Alors que Jean-Luc Mélenchon semblait avoir le monopole de la posture, il est donc concurrencé par l’ensemble de l’échiquier politique. Lui a d’abord dit non à la primaire de la gauche, comme Macron, pour sortir de ce système. Le candidat de « la France insoumise » mise sur une VIe République pour réformer le système. Très présent dans les médias, il s’adresse aussi de façon alternative aux Français grâce aux réseaux sociaux.
Lutter contre le système politique ou économique, lutter contre les médias ou les élites, voilà comment devenir un candidat anti-système. Après l’élection de Donald Trump, il n’est pas étonnant de voir que cette posture politique, souvent hypocrite, ait le vent en poupe. Pourtant, aucun candidat ne pousse le vice comme le 45e président des États-Unis ne l’a fait. Être anti-système, cela plaît et là est surtout l’intérêt.