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Rencontre avec Usé : bruits sensibles et sans cible

Rencontre avec Usé : bruits sensibles et sans cible

C’est en marge de la Route du Rock que l’on a pu poser quelques questions à Nicolas Belvalette pour en savoir plus sur son projet solo, Usé : one-man band glacial aux pulsations agressives et guitares tabassées. Entre Les Morts Vont Bien, Headwar ou encore Sultan Solitude, il est une institution de la musique underground amiénoise et distille le Nuke à travers l’Europe pour qui voudra bien s’y piquer.

Manifesto XXI – Tu fais de la musique en solo avec le projet Usé mais tu as de nombreux autres projets en cours depuis des années, comme Headwar notamment. Peux-tu nous en parler ?

Alors Headwar c’est le plus vieux projet que j’ai, depuis 2004. Ça a commencé avec Carine des Morts Vont Bien et Jason qui est parti quelques années après. Ensuite on a eu plein de gratteux, de batteurs dans tous les sens, puis ça s’est stabilisé à partir de 2006 même si en douze ans il s’est passé énormément de choses. Aujourd’hui dans le groupe il y a Carine, Romain, Claire (de Terrine) et moi.

Manifesto XXI – D’où t’es venue l’envie de faire un projet solo ?

J’avais l’idée dans la tête depuis un moment mais j’ai mis énormément de temps à le faire. Au début j’avais une vraie batterie et cinq ou six guitares à plat, mais je n’avais pas de bande-son comme j’ai maintenant. Je frappais sur les guitares mais ça ne rendait pas quelque chose d’extraordinaire. J’ai mis cinq ans à trouver la sonorité que je voulais, pour que ce soit un peu rentre-dedans et que je sois à l’aise sur scène. Ça fait du bien de se retrouver tout seul sur scène.

Manifesto XXI – Comment définirais-tu le genre de musique que tu fais ?

Je fais du Nuke.

Manifesto XXI – Du Nuke, qu’est-ce que c’est que ça ?

C’est mon mouvement ! C’est un truc qu’on a inventé sur Amiens, en fait c’est Accueil Froid Nuke et j’avais envie de créer un style musical puis je trouve que Nuke ça sonne assez bien.

Manifesto XXI – Il y a des groupes qui se sont ralliés à ce mouvement ?

Déjà il y a tous les groupes que je fais. (rires) Après n’importe qui peut faire du Nuke. C’est un peu indus/punk/techno mais avec de l’amour.

Manifesto XXI – Ah vous avez un petit cœur qui bat quand même ?

Toujours.

Manifesto XXI – Je t’ai vu pour la première fois en solo au festival Restons Sérieux au Supersonic avec un public suintant et en transe. Ça t’a plu ?

C’était vraiment cool mais le seul problème que j’ai eu c’est qu’une pote m’a appelé le matin même pour me dire qu’elle s’était fait frapper le soir d’avant par le vigile du Supersonic. Du coup j’étais un peu refroidi à l’idée de jouer là-bas, j’y allais à reculons. En arrivant je me suis dit que soit je ne jouais pas, soit je m’expliquais avec le vigile après le concert. Donc il y a eu une petite embrouille avec le vigile à la fin, il n’y a pas eu de baston mais presque.

Manifesto XXI – L’Accueil Froid, lieu associatif à Amiens, a fait beaucoup de bruit ces dernières années. C’est toi qui est à l’origine du projet ?

J’ai lancé l’idée du premier Accueil Froid, on était à peu près dix-huit à gérer ça. Juste après on a eu un arrêté administratif qui nous a obligés à fermer. Les flics ont fait une enquête et pensaient que c’était un bar à putes, ils se sont carrément pointés chez moi. Ils pensaient que c’était un truc un peu obscur, que tout le monde se droguait là-bas. Alors qu’il n’y a pas de drogue quoi. (rires)

Manifesto XXI – Tu t’es présenté aux élections municipales d’Amiens avec le Parti Sans Cible, pourquoi cette démarche ?

Au départ c’était pour rouvrir l’Accueil Froid, une sorte de vengeance. J’avais aussi une envie de mettre une croix sur ma main, genre « Ça c’est fait, j’étais maire d’Amiens ». J’avais un pote qui s’était présenté dans un petit village et je lui posais toujours des questions sur comment ça s’était passé et ce qu’il fallait faire pour y parvenir. J’ai eu beaucoup d’aide, notamment de Leila, qui a fait ma pochette d’album et Olive qui réalise mes clips. Je crois que ça faisait marrer tout le monde, sauf les autres partis. Ils me disaient que je leur piquais des voix.

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Manifesto XXI – Tu voyais ça comme un canular ou un vrai cri de révolte ?

Un peu de tout. Ça nous a quand même fait bien rire mais il y avait une grosse part de vengeance. Quand les élus nous adressaient la parole ils nous parlaient sérieusement et on rentrait vraiment sur leur terrain. Même maintenant ils ont un peu de mal à venir vers nous. Dans notre nouvelle salle on n’entend plus parler d’eux.

Manifesto XXI – Vous recevez quand même des subventions des collectivités locales pour l’Accueil Froid ?

Non, pas du tout ! On préfère gérer tout ça nous-mêmes. Pour faire fonctionner la salle, chaque personne met un peu d’argent mais a l’entrée gratuite. Tout le monde bosse un peu là-bas, c’est du bénévolat. Pour ce qui est de la programmation, elle est gérée par tous les gens qui s’occupent de l’Accueil Froid en gros. On a un calendrier et chacun peut gérer une soirée, former son équipe.

Manifesto XXI – Ça t’intéresserait d’exporter les soirées de l’Accueil Froid dans d’autres villes de France ?

Tu vois le Diamant d’Or à Strasbourg ? Ça y ressemble un peu. Il y a aussi le Barlok à Bruxelles. Et puis mon pote Nafi va peut-être ouvrir un truc à Metz. C’est cool ça fera Amiens/Metz/Strasbourg.

Manifesto XXI – Tu joues aussi avec Jessica93 et Noir Boy George avec le projet Roberto Succo. Comment s’est faite la rencontre avec eux ?

On se connait depuis super longtemps mais l’idée de jouer ensemble était un pur hasard. On était en tournée avec les trois projets solos et Geoff ne pouvait pas jouer au Grrrnd Zero à Lyon pour une histoire d’exclusivité avec une autre salle. Mais on s’est rendu compte que c’était faux et pour remplacer Jessica93 on a joué à trois. C’était de l’impro au départ, puis on s’est dit qu’on allait continuer à faire de la musique ensemble.

Manifesto XXI – Qui réalise tes clips ?

C’est Olive, mon coloc. En général je lui donne juste l’ambiance que je recherche. Tu vois Café Flesh ? C’est une espèce de film porno mais qui ne fait pas bander. C’est des personnes qui ne peuvent plus toucher d’autres personnes, qui ne peuvent plus niquer, sauf quelques personnes dites « positives ». Et donc les gens les regardent sans rien pouvoir faire. Il y a une grande tension, des gros plans sur des gens qui souffrent. J’ai voulu m’en inspirer pour le clip de « Respire ».

Manifesto XXI – Le genre de musique très brut et acide que tu fais prend-il plus son sens lorsque tu te produis dans des endroits underground ou autogérés plutôt que des lieux plus guindés ?

Non je ne pense pas, j’aime bien jouer partout. Je pourrais même jouer dans un camping, ça me ferait plaisir.

Manifesto XXI – Sur scène il y a une grande part de théâtralité, tu te mets littéralement à nu, tu pousses des gémissements. C’est quelque chose que tu as mis en place ou c’est venu naturellement ?

Je n’ai pas écrit le jeu de scène. Après ça dépend des soirées et de mon taux d’alcoolémie, sinon ça serait toujours les mêmes concerts et tu te ferais un peu chier.

Manifesto XXI – C’est la première fois que tu joues dans un festival d’une telle ampleur ?

Là ce soir je ne crois pas qu’il y ait énormément de monde étant donné que c’est une soirée organisée en marge du festival.

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Manifesto XXI – Comme Jacques le fait sur ses morceaux, as-tu samplé des bruits d’objets qui t’entourent au quotidien ?

Oui, je me balade souvent avec un enregistreur à cassette. J’enregistre tout et n’importe quoi : des manèges, des fins de soirées dans des bars de quartier.

Manifesto XXI – À quel niveau estimes-tu ta névrose ?

Je pense qu’on a tous un côté dépressif, même toi sinon tu ne serais pas là. (rires)

Manifesto XXI – Comment s’est faite la rencontre avec Born Bad Records et qu’est-ce que ça a changé pour toi d’être signé sur un label ?

Après un concert au Garage MU. D’habitude j’organise toutes mes tournées et là c’est différent d’avoir un tourneur qui me booke des trucs. Je continue à me caler quelques dates quand même, mais c’est assez plaisant de ne plus avoir ce boulot à faire, ça me libère carrément comme ça fait plus de dix ans que je fais ça. Au bout d’un moment tu vrilles quand tu gères quinze trucs en même temps.

Manifesto XXI – Comment arrives-tu justement à être présent dans autant de projets différents à la fois ?

C’est le bordel ! En gros tu n’arrêtes pas de noter des trucs sur les agendas, tel jour tu dois être à Lyon et le lendemain tu dois être à Bruxelles pour bosser avec un autre projet. Mais ça me plaît, je n’aime pas faire toujours la même chose.

Manifesto XXI – Tu vas tourner avec Roberto Succo ?

Demain je pars à Paris rejoindre Geoff (de Jessica93) et on trace directement à Metz puis à Lyon et Grenoble pour des concerts. On a joué récemment à Paris au Petit Bain et aux Instants Chavirés qui d’ailleurs était un mauvais concert. C’était la deuxième fois que l’on jouait ensemble et on a un peu foiré.

Manifesto XXI – Et en tant que Usé, quelle est la prochaine date qui t’excite le plus ?

J’ai particulièrement hâte de jouer avec Lydia Lunch à Neuchâtel en Suisse en octobre. C’est un pote qui me programme ce truc et ça, ça me fait plaisir.

Manifesto XXI – Une dernière chose à ajouter ?

J’ai bossé pendant six ans à SeaWorld et il m’est arrivé un truc à la con : j’ai failli me faire bouffer par un orque et du coup j’ai arrêté. Ça m’a vachement marqué.

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