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Louis Piscine, vacancier à plein temps

Louis Piscine, vacancier à plein temps

Chemise hawaïenne sur le dos, pinte fraîche à la main, lunettes de soleil posées sur la table, Louis Piscine a tout de l’allure d’un vacancier. En même temps Les Vacances, ça lui connait : c’est le nom de son tout premier EP qui sort dans les prochains jours. Dans ses textes d’une légèreté un peu rebelle, le bonhomme chante son amour au temps suspendu, à la farniente, et déclare la guerre à la routine. Discussion détente avec un « branleur magnifique » assumé.

Manifesto XXI : Brièvement, quel est ton parcours avant Louis Piscine ?

Louis Piscine : J’ai commencé avec une formation classique au conservatoire. Ensuite il y a une classe Musiques actuelles qui venait d’ouvrir où j’ai fait de la guitare électrique. J’en avais marre des écritures, de jouer des partitions classiques, qui sont un univers super fermé. J’ai voulu m’ouvrir aux musiques dans leur pluralité : par exemple j’ai fait du jazz et de la salsa cubaine. Et c’est quand j’ai vu la buée sur les vitres du bar dans lequel je jouais que je me suis dit que c’était une super ambiance, que c’était caliente, et j’ai voulu reproduire cette ambiance-là mais avec d’autres influences aussi, pas que de la musique cubaine.

Quand est-ce qu’est né le projet exactement ?

Il y a un an et demi à peu près. Je ne sais pas vraiment comment c’est venu. Je voyais la pochette de Discodeine, Swimmer, qui représente les barreaux d’une échelle de piscine, et du coup je l’appelais « Piscine ». Et je me suis dit, pourquoi pas s’appeler comme ça ? Parce que mes chansons parlent de vacances et de farniente donc je trouvais que ça collait bien. J’y ai ensuite attaché Louis, parce que Piscine existe déjà et que derrière on imagine un groupe, alors que là c’est juste moi, mon univers. Ça évite de brouiller les pistes.

Discodeine –Swimmer

Ça a beau être tout récent, je trouve qu’il y a une certaine maturité technique dans ton EP. Tu avais déjà eu des groupes avant de te lancer dans Louis Piscine ?

Oui, déjà j’ai toujours fait de l’orchestre au conservatoire, c’était obligatoire (mais j’y allais avec plaisir). J’ai aussi joué dans des big-bands de jazz, des groupes de salsa et j’avais un groupe de rock. Avec ce groupe on était dans un univers collégial, on voulait tout partager. Sauf qu’avec le temps, je trouvais que ce fonctionnement ramait un peu : dès qu’il fallait prendre une décision il fallait appeler tout le monde, mais il y en a toujours un qui ne répond pas et un autre qui n’est pas d’accord, etc. Au bout d’un moment ça a manqué d’unité. Et même au niveau des compositions, ça me braquait un peu d’avoir une autre vision qui venait s’attacher sur mes chansons. J’aime bien avoir une vision globale sur la chanson, avoir des arrangements cohérents avec les textes.

Depuis quand le prépares-tu ? 

Je me suis fait repérer dans un festival à Vic-La-Gardiole l’été dernier. L’artiste Katel était là quand j’y ai joué, elle a contacté son éditeur Jean Christophe Thefine, et m’a proposé de réaliser mon premier EP et mon premier album. Et c’est elle qui a carrément produit l’EP en fait.

Avant qu’elle ne te repère, tu avais déjà en tête de faire un EP ?

Je ne me posais pas vraiment de questions. Je faisais les chansons comme ça, je ne pensais pas à ce projet. Je l’avais quand même dans un coin de ma tête mais je ne le voyais pas si proche que ça.

Quelles sont tes attentes avec cet EP ?

Avant tout il faut le voir comme ma carte de visite, où je me présente, Louis Piscine. C’est un condensé de chansons courtes et assez accessibles pour poser l’univers et voir quelles sont les réactions des gens, des pros. Ça va aussi permettre de faire avancer le projet vers l’album qui va être un aboutissement assez conséquent.

Déjà ? Prévu pour quand ?

Pour 2018, mais je ne peux pas en dire plus, on m’a dit de ne rien dire !

Tu portes toujours des chemises à fleurs : c’est pour pousser le truc jusqu’au bout et créer un personnage autour de ton projet ?

Non j’adore vraiment les chemises à fleurs, c’est un symbole de vacances et de liberté ! J’aime bien chiner aussi, celle que je porte aujourd’hui vient d’une fripe par exemple. J’en ai au moins dix et je ne compte pas m’arrêter là.

Sans parler du style de musique je ne trouve que dans l’esprit de l’EP, des thématiques abordées, les vacances et même les chemises à fleurs, il y a ce quelque chose à la Katerine, je pense notamment à son album Magnum.

Oui c’est vrai, je pense qu’il y a ce côté second degré qu’on a tous les deux. C’est insupportable de se prendre au premier degré de toute façon. Après je pense qu’il est franchement plus décalé que moi, quand même. Il fait des choses que je ne pourrais pas faire, je ne pourrais pas pousser le concept aussi loin. Mais je crois qu’il y a beaucoup de groupes qui chantent les vacances, la piscine, tout ça. Est-ce que c’est parce qu’on est un pays riche et qu’on veut se rassurer et se dire que tout va bien ? Il y en a qui racontent les vacances mais sans fond derrière, simplement pour donner un tableau, et d’un côté je trouve ça super agréable. Mais je pense qu’il faut quand même en profiter pour laisser un petit message. John Lennon disait que c’est toujours mieux de faire passer un message politique avec du miel, et c’est ce que j’ai retenu : y a pas mieux que les vacances pour faire passer un message politique.

Katerine, Magnum

Et toi, quel est ton message politique ? 

Je vois mes parents qui ont 60 ans, qui travaillent depuis quarante ans et qui vont devoir encore bosser cinq ans de plus. Je vois des personnes qui partent à cause d’un cancer et qui sont pas aidées et je me dis « putain, quarante ans de service à l’Etat, au revoir merci et tout ce qu’ils t’offrent c’est un cercueil en carton ». Donc moi j’ai envie de dire : ma retraite, je la prends maintenant ! Je souhaite qu’on fasse tous un boulot qui nous plaise, qu’on ait tous une éducation qui nous permette de s’ouvrir au monde, de se découvrir des passions. Parce que c’est important d’être bien dans ses basques pendant ces quarante ans. Perso j’ai fait six ans de boulot assez horribles donc j’ai connu ce truc là et je me vois pas du tout faire ça pendant quarante ans.

Le clip de « Les Vacances » est une compilation de références du cinéma français des années 1970. C’est un genre et une époque qui t’inspirent ?

Pour moi le cinéma des années 1970 représente la liberté même. C’est une époque où le plein emploi était là, on pouvait très bien travailler six mois à l’usine et puis partir comme ça. À l’époque l’ouvrier était beaucoup plus libre, il pouvait claquer la porte du jour au lendemain et voyager. C’est une époque qui fait rêver parce que le litre d’essence était à 1 franc 50. C’est cette liberté qui m’inspire. Après, je suis bien dans mon époque. Si j’ai été repéré, c’est grâce à un iPad. C’est là-dessus que j’ai commencé à faire mes compositions partout, dans la voiture, le métro. Donc je suis bien content d’être en 2017 !

Tu te sens proche de cette vague d’artistes de la nouvelle chanson pop française inspirée des années 1970, 1980, comme Juliette Armanet, Cléa Vincent, The Pirouettes…?

Oui, à fond. Après, je n’ai pas envie de tomber dans le cliché trop années 80 parce que c’est éphémère, c’est une mode et ce n’est pas ce qui m’intéresse vraiment. Je ne veux ni être là ni être ailleurs, je déteste les étiquettes ou qu’on prenne une perceuse et qu’on visse mes pieds sur le sol. Mais il y a beaucoup de ces groupes que je trouve super cool et il y a toujours un truc intéressant à prendre dans chaque artiste, que ce soit sur les arrangements, les sons, les textures. C’est un peu comme pour les chemises à fleurs, je suis aussi chineur de sons.

Ce retour quarante ans en arrière, ça traduit un mal de l’époque ?

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Peut-être, mais on vit aussi avec les nouvelles technologies et c’est du pain béni pour les musiciens, alors autant s’en servir. Quand la guitare électrique est arrivée, les mecs étaient bien contents et se sont précipités dessus. Donc de là à copier un truc 100% années 1980 ou 1970, c’est de toute façon impossible.

Je suis tombée sur une vidéo de ton live à Vic Je T’aime l’année dernière. Tu étais seul sur scène avec ta guitare et ton ordinateur, aujourd’hui tu es accompagné par Pauline Chodlewski pour les chœurs et le clavier. Ça change quoi pour toi ?

On se connait depuis des années avec Pauline. On a fait un cabaret sur Boris Vian ensemble, avec une troupe de quinze personnes, et on ne s’est pas quittés depuis ! Je trouvais ça un peu glauque d’être tout seul sur scène, tout seul à faire mes balances… Alors qu’avec elle c’est vraiment la teuf.

Comment tu abordes la scène aujourd’hui ?

J’adore ça, je suis accro ! Le seul moment où je me réveille avant le réveil c’est quand je dois aller jouer quelque part. Il y a un vrai plaisir de donner et de recevoir aussi. C’est le plus beau cadeau qu’on puisse avoir quand on fait des concerts. Et le cachet aussi, bien entendu.

Tu as été sélectionné pour les Inouïs du Printemps de Bourges cette année. C’était comment ?

Ça s’est bien passé dans l’ensemble, mais j’ai beaucoup stressé. Je pensais que ça allait être un concert comme un autre mais en fait pas du tout. Il y a quand même quelques centaines de pros qui sont dans la salle et qui te regardent les bras croisés. Certains écoutent trois morceaux pour cerner l’univers puis changent de concert, et ça fait un peu bizarre de voir partir des gens pendant que tu joues. Donc y a ce côté là un peu froid qui ne m’a pas forcément mis à l’aise. Mais on s’est quand même marrés. Et puis il y a eu des retombées, des dates qui sont arrivées naturellement tout juste après, des interviews, et cette semaine une signature chez Furax, un tourneur qui était dans la salle. Ils travaillent avec La Femme, Emily Loizeau, Bagarre, The Pirouettes… Donc c’est super cool !

Pour finir, ta chanson vacances ?

« Rue de la Victoire » de Flavien Berger. Elle a un côté super vacances. Il s’étale vachement dans les paroles alors qu’il ne dit pas grand chose : « Le soleil est entré dans la maison/C’est joli après la pluie ». Et ça, ça me plait vachement.

Quant à nous, on se retrouve le 16 juin au Barapapa pour fêter Les Vacances ! Et pour les absents, Manifesto vous fera cadeau de deux morceaux en Facebook Live.

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