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Kumisolo. L’Irrésistible Ultra Pop Japonaise

Kumisolo. L’Irrésistible Ultra Pop Japonaise

Kumi Okamoto était membre du groupe the Konki Duet (Active Suspension), et du duo Crazy Curl (Channel Pro). Son projet solo, Kumisolo, se nourrit joyeusement de musique ultra pop, de cinéma français, de passions culinaires, le tout bourré de second degré et d’un certain attrait pour les glorieux losers.

Ultra cultivée, affichant une grande connaissance de la mode et du cinéma, cette japonaise débarquée à Paris pour l’amour de l’art a tout pour conquérir les cœurs, avec une humilité désarmante.

Ce qui est moins évident à cerner, c’est peut-être son côté punk. D’une voix parfois incertaine, dans une atmosphère de ‘do it yourself’ énergique, Kumisolo nous a séduits en live à l’Espace B nous faisant danser sans repos. Sur scène, Kumi est un mélange de maîtrise et de chaleur humaine. Si quelqu’un l’a déjà comparée à une Françoise Hardy japonaise, nous, on préfère y voir une descendante d’Elli Medeiros. La pop-punk est à l’honneur.

Musique facile, musique de fille, musique légère, musique terriblement pop, Kumisolo va en énerver plus d’un – et c’est tellement bon.

Après ses deux EP, Coeur Frag et La Femme Japonaise, elle s’apprête à sortir son album Kabuki femme fatale le 7 avril sous Alter K et TonaSerenad.

EP La Femme Japonaise en écoute ici.

Manifesto XXI – Vous chantez en français mais vous êtes japonaise. Comment vous avez atterri ici ? 

Je suis venue ici en 2001 pour faire des études de cinéma à Paris VIII. J’ai appris le français au Japon mais je ne voulais pas abandonner cette langue. Comme je suis musicienne à la base, j’ai uni la musique et le cinéma en réalisant plus ou moins mes clips. Après j’ai rencontré des gens pour m’aider.

Pourquoi partir du Japon ? 

J’étais déjà passionnée par la langue française et je chantais en français même si ce n’était pas correct. J’avais une grande passion pour la musique française et aussi pour la Nouvelle Vague. J’aime la Nouvelle Vague des années 1960, particulièrement Truffaut. J’ai réalisé un mémoire sur le cycle Doinel, ce personnage incarné par Jean-Pierre Léaud. Ce sont des personnages qui n’existent pas, qui n’ont jamais existé, des faux stéréotypes de français. Mais cette fiction me fascinait.

Vous aimez donc les losers magnifiques ? 

Ah oui, j’adore. Antoine Doinel se jette toujours dans des histoires d’amour impossibles et ça ne marche jamais, donc il devient ridicule. Mais je trouve que c’est très poétique et drôle en même temps. Il tombe amoureux d’une japonaise d’ailleurs. Il a peur parce qu’il ne sait pas comment se comporter avec elle. Il en arrive même à appeler sa femme afin d’avoir des conseils sur comment conquérir cette femme japonaise.

Dans vos clips on sent la nouvelle vague et cette attirance pour les gentils losers. Je pense notamment à celui pour Transports en commun. Quel est votre rapport à l’humour ? 

Quand je fais de la musique je ne le fais pas pour dire que je suis triste. Je veux que les gens rigolent, qu’il ressentent cet univers de rêverie. Certes le temps qu’on partage ensemble c’est juste 3 minutes de musique,  mais j’aime qu’il soit le plus agréable possible.

Qu’est-ce que vous pensez des critiques que certains journalistes peuvent émettre à l’égard des chanteuses pop, attaquées parce qu’elles font de la musique, dirons-nous, légère ? 

C’est très dur et injuste. En tant qu’artistes féminines, on est moins mises en avant. Récemment j’ai croisé une photographe qui travaille pour Les Femmes s’en Mêlent et qui prend des artistes femmes en photo depuis les années 1970. Tous les médias lui ont d’abord demandé les musiciens hommes. Heureusement elle a gardé son archive, alors aujourd’hui elle peut ressortir celles des femmes.

Quant à la question de la « musique légère », faire du pathos c’est assez facile. Le malheur ça plaît et ça fait tout de suite plus sérieux. Mais ce n’est pas parce qu’on fait des choses légères qu’on ne pense pas aux tragédies du monde. Simplement, on le fait autrement et notre rôle est de pousser les gens à aller au-delà. Même si je ne parle pas de politique dans mes chansons, je me renseigne beaucoup sur l’actualité, évidemment.

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Ce n’est pas parce qu’on parle de choses sérieuses qu’on en parle forcément de la bonne façon, en plus. Et puis on peut chanter des choses très tristes sur une musique joyeuse, Marcia Baila des Rita Mitsouko en est peut-être le meilleur exemple. Vous, vos chansons s’inspirent plus de la simplicité du quotidien, il me semble. Comment trouvez-vous les sujets de vos chansons ?

Tout d’abord j’essaye de composer. De créer une structure. Ensuite, j’ai recours à des arrangeurs très doués. Pour les paroles, je m’appuie souvent sur des suggestions de potes. Pour Transports en Commun par exemple c’est un musicien très talentueux, Ricky Hollywood, qui m’a proposé le texte en disant que cela m’irait très bien. Il a parfaitement compris mon univers qui ne se prend pas au sérieux.

Vous travaillez avec Lockhart et Raphaël Léger, que nous connaissons par Fishbach et Cléa Vincent. Qu’est-ce qu’ils ont apporté à votre musique ? 

Oh oui, ils sont très talentueux tous les deux. On est quatre sur scène, avant eux j’étais obligée de lancer la musique et chanter toute seule. Là il y a un vrai jeu de scène et c’est génial. On a commencé à bosser ensemble cet été et on a fait quelques dates déjà. Ils ont vraiment enrichi l’album qui sortira en avril 2017.

Justement, pouvons-nous parler un peu de cet album qui va sortir, Kabuki femme fatale ? Qui est Kabuki ? 

Kabuki femme fatale est parti d’un projet vidéo pour une marque japonaise de maquillage. On m’a demandé de réaliser quatre clips où je chantais et je me maquillais en même temps pour montrer à quel point c’était génial (rires). J’ai recyclé ces chansons dans mon album parce que je les trouvais bien : je les avais composées exprès pour ce projet et c’était dommage de les laisser tomber. Dans chaque vidéo il y avait un personnage différent. Kabuki c’était l’un d’eux. Une espèce d’impératrice qui fait très peur.

Le kabuki est aussi un genre de théâtre japonais…

Oui, c’est une forme de théâtre traditionnel basé sur le maquillage et le travestissement. Dans le kabuki, les hommes se déguisent en femmes et ils font cela de manière sublime, ils sont incroyablement doués. Ils commencent jeunes, à l’âge de 4 ans. Il faut naître dans une famille d’acteurs de kabuki pour continuer la tradition. Quand un acteur est « onnagata », cela veut dire qu’il peut faire des rôles de femme et c’est très réputé.

© Samuel Kirszenbaum

Quelles sont les influences de l’album ? 

L’une de nos influences communes quand on a commencé à travailler sur l’album c’était un groupe suédois, Joe Davolaz. Ils ont fait tout l’arrangement, donc je suis allée les rencontrer à Stockholm. On partageait les mêmes références, comme Yellow Magic Orchestra, un groupe japonais des années 1980. Il y a eu aussi un groupe francophone qui s’appelle Antena. Exotica aussi. Ce sont des influences de groupes occidentaux qui aiment la musique asiatique. C’est drôle comme tout se mélange.

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Kumisolo et Joe Davolaz / Crédits : Victoria Loeb

Et Elli et Jacno ? 

J’adore, surtout Elli. Elle vient d’un groupe punk, Stinky Toys. Elle a apporté un truc dingue à Jacno. Et puis elle est tellement bien foutue (rires) !

Elli et Jacno sont aussi très liés au cinéma, notamment grâce à Eric Rohmer qui a fait jouer Elli dans l’un de ses films, La nuit de la pleine lune, dont la musique est composée justement par Jacno.   

Oui, j’ai d’ailleurs rencontré Eric Rohmer avant sa mort. J’étais complètement naïve, j’ai alors cherché son numéro sur les pages blanches et je l’ai appelé. Il m’a invitée dans son studio. Il m’a montré un film qu’il était en train de faire, Perceval je crois. Il m’a proposé de jouer sur son piano électrique, c’était drôle. Il était âgé, mais toujours un peu dragueur. Ah, les réalisateurs !

Avez-vous déjà travaillé dans la mode ? 

Oui. Je suis vendeuse à mi temps chez Acne et avant chez APC. Mais en réalité, mon premier travail était celui de boulangère. J’ai été tout de suite plongée dans la culture française, la baguette et les viennoiseries.

C’est en bossant chez Acne que vous avez eu votre tablier « homme-musclé » ? 

Eh oui ! (rires) J’aime ces petits détails, ce sont mes atouts visuels.

KUMISOLO

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Release party le 7 avril au Supersonic.

Participer :

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