Waterwalls, jeune artiste indé en quête de sincérité

Aujourd’hui, on vous présente une découverte récente qui ne nous a pas laissés de marbre, une chrysalide prometteuse nommée Waterwalls. Derrière ce nom qui fait d’entrée de jeu naître de belles images en tête, un jeune artiste parisien, autonome, indépendant, prolifique, poursuivant avant tout un certain idéal de spontanéité et de sincérité, moteur chez lui de créations à fleur de peau.

Dépoussiérant quelques vieilles pierres des bâtisses rock et shoegaze, qu’il mêle à sa manière aux modernités électroniques et à sa voix gutturale, Waterwalls façonne un univers original aussi planant que mélancolique, méditatif et triste que viscéralement enivrant. De la musique qui revient à l’une de ses fonctions historiques essentielles : faire ressentir des choses. Ce qui n’est finalement, dans l’étourdissant flot sonore moderne, pas si courant.

Manifesto XXI – Comment as-tu mis les pieds dans la musique ? 

Waterwalls : J’ai commencé il y a environ huit ans – là, j’ai 23 ans, donc vers 15 ans – par deux ans de cours de guitare classique ; après, comme je ne suis pas très carré et pas fan de solfège, j’ai lâché et je me suis mis à la guitare électrique (mon père écoutait beaucoup de vieux punk). Ensuite, j’ai découvert Internet, et c’est comme ça que je me suis fait toute ma culture. Puis j’ai acheté un synthé, une boîte à rythmes, et j’ai un peu mixé tout ça.

Tu as tout de suite commencé sous ce nom-là, ce projet-là, ou tu as eu d’autres expériences auparavant ? 

J’ai commencé avec un projet de groupe, suite à quoi le guitariste, qui a toujours été mon binôme, est parti à Rennes, donc j’ai continué à jouer tout seul, dans ma chambre, en banlieue. Et je ne sais même pas comment c’est arrivé, mais il y a un album qui est sorti de ça.

Je mettais mes morceaux en ligne comme ça sur Internet, et un jour, un label m’a envoyé un message pour me proposer de sortir mon disque. Tout ça s’est enchaîné très vite.

Puis j’ai découvert un peu le milieu de l’industrie de la musique, que je n’ai pas vraiment apprécié (c’est un euphémisme), donc j’ai décidé de continuer à sortir mes morceaux tout seul.

Tu fais des études à côté ? Quelle place occupe la musique pour toi ? 

Ça occupe à peu près toute ma vie, vu que je suis aussi journaliste dans ce domaine. Du coup, quand je ne suis pas en train d’écrire et de taper sur mon vieux Mac, je fais de la musique. Ou alors je traîne dans le 18e, au choix.

Malgré ton rejet de l’industrie musicale, tu te verrais faire de la musique ton métier ? 

Je ne fais vraiment rien pour – je n’ai pas de page Facebook, je ne suis pas sur les plateformes de streaming, etc. –, mais oui, pourquoi pas, sur un modèle type PNL. Ils ne se sont pliés à rien et ils ont tout compris au monde actuel.

Après, c’est très difficile d’atteindre leur niveau, ils ont tout très bien géré, mais pour moi c’est l’exemple parfait. Si je peux gagner ma vie en faisant de la musique, tant mieux, en soi, mais je veux vraiment garder cette part de ma vie comme quelque chose d’instinctif et sincère, et ne pas porter de masque. Sauf que, contrairement à eux, de mon côté je suis très nul en réseaux sociaux, donc je suis mal barré, ah ah !

 

Tu vis à Paris, qui bouillonne musicalement en ce moment ; est-ce que tu te retrouves dans certaines mouvances, collectifs… ? 

Non, aucun. Il y a énormément de gens dont j’adore le travail, quels que soient les styles, mais je ne m’affilie à rien du tout.

Mais tu trouves quand même que c’est un environnement stimulant ? 

Oui, je trouve qu’il y a une vraie émulsion artistique en ce moment à Paris, et même dans toute la France. C’est très inspirant, mais simplement, je n’ai pas l’impression de me retrouver réellement quelque part. Je retrouve une partie de moi à divers endroits, mais pas totalement.

Qui t’inspire en ce moment, par exemple ? 

Le crew DFH DGB, Jorrdee, TripleGo, Ténébreuse Musique…

Plus la scène rap, en fait ?

Oui, c’est marrant, j’écoute beaucoup de rap… Il y a beaucoup de choses intéressantes de ce côté-là. La techno aussi, le label In Paradisum par exemple, j’adore ce qu’ils font. Au niveau du rock, ce serait Cranes Records, The Dead Mantra, des mecs d’Europe du Nord comme Marching Church et tout ça… Ah, et aussi voire surtout la bedroom pop, qui est un truc américain et qui concerne des musiciens comme Elvis Depressedly, Current Joys ou Bedroom.

Comment construis-tu tes morceaux ? De quoi pars-tu ?

À l’origine, je construisais mes morceaux à la guitare acoustique. Puis ça a évolué. Maintenant, ça peut commencer par un beat, une partie de basse, de guitare, des paroles…

Tu enregistres tout seul chez toi, façon home studio ? 

Oui, j’ai tous mes instruments à portée de main et mon logiciel. Comme ça, je me jette sur mes instruments dès que j’ai une idée. Ça dure toujours une journée, et je fais en sorte de ne pas revenir sur mes morceaux. Je trouve que c’est beaucoup plus sincère ; même si ce n’est pas parfait, tant pis, ou tant mieux, c’est selon.

C’est toi qui réalises aussi tes artworks

Oui, c’est venu naturellement : quand j’étais en groupe je m’occupais des visuels, et j’adore faire ça depuis, mais je n’ai aucune formation particulière là-dedans. Je ne me verrais pas déléguer cette partie.

Je trouve que le meilleur terme esthétique pour qualifier ta musique serait peut-être « shoegaze », qu’en penses-tu ?

J’ai essayé de chercher des étiquettes, mais je n’ai jamais trouvé… Mais oui, il y a sans doute du shoegaze, car c’est un mouvement que j’ai énormément suivi. J’ai un bon problème avec la réverbe notamment ! Une de mes énormes claques musicales est Slowdive, ou Spiritualized… L’époque où j’ai découvert ça concerne aussi mes premières expérimentations au niveau des drogues, et je ne sais pas pourquoi, mais ça m’a marqué à vie.

Il y a quelque chose de très planant aussi dans ce que tu fais, d’introspectif et d’intimiste également… Je ne sais pas si c’est conscient ? 

Non, c’est venu de manière totalement inconsciente parce que je faisais tout tout seul, mais je pense que c’est directement lié.

Tu composes plus à certaines heures ? 

Plutôt la nuit, mais ça dépend vraiment de mon humeur. Comme je fais de la musique plutôt triste, c’est directement lié à ce qui m’arrive, à ce que je ressens.

Tu vois ta musique comme une forme d’exutoire ? 

Oui, il y a de ça, il y a aussi la fameuse idée de transcender la douleur en beauté.

C’est un projet que tu présentes sur scène aussi ? 

Je l’ai fait, tout seul avec ma guitare, mais j’ai trouvé ça assez dur et un peu chiant, pour moi comme pour le public d’ailleurs, ah ah !

Peut-être que je vais commencer à travailler sur un vrai live solo, avec un système de boucles.

Puis après, bosser avec des gars qui font de la vidéo, ce serait un bon fantasme.

Qu’est-ce qui t’inspire en termes d’esthétique visuelle ? 

En ce moment, il y a un mec qui s’appelle Kevin Elamrani-Lince, qui fait des clips de fou [ndlr : qui a réalisé des clips pour Hyacinthe, Oklou, The Pirouettes…]. Le cinéma, aussi, genre Winding Refn ou Gaspar Noé, des choses très réalistes à la Michel Houellebecq (comme sa photo du Leader Price), et je suis de plus en plus attiré par l’esthétique classée « Internet wave ». Puis sinon, j’ai toujours beaucoup aimé certains grands noms de la peinture : Van Gogh, Hopper, Pollock… j’adore ça depuis tout petit.

Ça a toujours été évident pour toi de chanter en anglais ?

Je me pose beaucoup la question. Mais pour l’instant, le français ne vient pas.

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Pour l’instant, ça sort spontanément en anglais, donc je pense qu’il faudrait vraiment me poser et travailler les textes différemment si je voulais que ça fonctionne en français.

Si jamais je m’y mets, ce sera pour un vrai projet d’album construit.

Tu écris les textes avant, pendant, après la musique ? 

Toujours après ; enfin, en général.

Ton projet a l’air d’être vraiment porté par cette idée de spontanéité, d’intuition, de sincérité…

Pour l’instant, je suis incapable de fonctionner autrement, parce que j’ai une technique qui est un peu chancelante, même si je me démerde de mieux en mieux avec le travail.

Puis même, j’ai toujours aimé la musique qui était sincère et spontanée. Même les autres arts.

Par exemple, je parlais de Van Gogh, j’adore cet artiste car on voit les coups de pinceau, ce n’est pas ultra structuré… J’aime bien ressentir les erreurs dans l’art, ça me touche beaucoup plus.

Tu es un amateur de glitch, en fait ? 

Oui, il y a de ça ! Il n’y a rien de plus beau que de sentir les tremblements dans la voix des mecs ou des filles qui chantent, par exemple…

Bon, après, j’aime bien la musique ultra léchée, très pop, aussi.

Tu joues aussi dans un projet de groupe en ce moment ? 

Oui, dans ssh.tjx.

Qu’est-ce que ce projet t’apporte, en comparaison avec le tien ? 

Déjà, il y a des gens avec moi… ça change beaucoup de choses. Il y a de l’interaction, chacun a ses influences… C’est très instinctif aussi, mais en groupe, avec cette espèce de force un peu mystérieuse qui fait que tu sens une sorte de communion, qui est très différente de cette forme d’introspection que tu développes en solo. C’est plus facile de faire du live à plusieurs aussi.

Tu voudrais continuer ces deux projets en parallèle ? 

Oui, surtout qu’il y a une chanteuse en plus dans le groupe, ce qui fait une complémentarité de voix homme/femme qui me plaît.

Vous avez des projets à venir avec ce groupe ? 

On a un premier EP à sortir, et on en a un deuxième de prêt qu’on doit aller enregistrer. Après, on verra bien !

Libre tribune de la fin… ?

Au risque de me répéter, et histoire de finir sur un truc positif, je trouve qu’il se passe vraiment quelque chose dans l’art en ce moment. C’est un euphémisme de dire que c’est un peu la merde dans le monde, on vit une grosse période de transition, etc., mais – et c’est sans doute lié – le nombre d’œuvres intéressantes qui sortent de tout ça est plutôt hallucinant. Tout n’est pas bon, évidemment, mais comme tu le disais, il y a vraiment quelque chose qui bouillonne. Tout commence à s’hybrider, chacun peut s’exprimer avec un ordinateur et une connexion Internet ; et s’il y a bien quelque chose de beau et de positif à trouver ici-bas, c’est là-dedans qu’il faut chercher.

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