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Nuits Indigo, le rendez-vous mensuel qui croise club et hip-hop

Nuits Indigo, le rendez-vous mensuel qui croise club et hip-hop

Nuits Indigo - Lambert Duchesne

Le samedi 21 janvier, Arthur Dutil (Pura Pura), Charles Mai Lam et Lambert Duchesne lanceront, avec Orgasmic, la première édition des Nuits Indigo, une soirée mensuelle entre musique électronique et hip-hop, au 1988 Live Club à Rennes. Avec pour objectif de passer en revue des styles tels que le rap français, le grime, le RnB, en parallèle de genres un peu plus underground tels que la bass music, le future beats, le baile funk ou encore le jersey club, Indigo pourrait bien être le rendez-vous qui manquait à la scène électronique rennaise.

Manifesto XXI – Le 21 janvier, vous lancez la première édition d’un nouvel événement hip-hop mensuel au 1988 Live Club, les Nuits Indigo. Pouvez-vous nous en dire plus sur le projet ? 

Arthur : Indigo est venu d’une conversation que j’ai eue avec Sylvain et Meryl du 1988, qui a découlé sur un constat : il manquait une soirée hip-hop à Rennes. Ils m’ont donc laissé carte blanche sur le projet, j’ai donc tout de suite pensé à Charles Mai Lam, boss de Decilab, et à Lambert Duchesne pour la direction artistique, pour proposer un événement rarement vu sur Rennes.

Que ce soit dans son image ou dans sa programmation musicale, Nuits Indigo semble avoir une proximité idéologique avec des collectifs comme Post Post Cultural ou Resources, non ? Qu’est-ce que vous voulez défendre ?

Arthur : La réelle envie avec les soirées Indigo, c’est de proposer des artistes qui innovent dans la musique électronique. Je suis effectivement bien fan de Resources, que ce soit leur label ou la qualité des line-ups qu’ils proposent sur Paris !

Lambert : J’aime énormément leurs propositions musicales aussi, mais graphiquement je me trouve plus de correspondances avec des collectifs comme Permalink, Bye Bye Ocean, Heartbroken ou encore Genome 6.66 Mbp.

Tous les trois, vous êtes aussi membres du collectif Decilab, comment se positionne Nuits Indigo par rapport à Decilab ? Est-ce que ce nouveau format est destiné à remplacer les soirées BAZAR ?

Charles : Remplacer, je ne pense pas. Ça me semble impossible de reproduire l’ambiance d’une BAZAR sans le Mondo Bizarro. Mais en tout cas, ces soirées marquent un tournant pour nous  : même si Decilab et Indigo ne sont pas liés directement, promouvoir des genres musicaux alternatifs reste une priorité pour nous. On s’oriente vers des projets nouveaux avec Decilab, tandis qu’on se focalise plus sur les musiques hip-hop de club sur Indigo.

On connaît Decilab pour son travail presque activiste pour le développement d’une scène hip-hop à Rennes, pourtant on avait le sentiment que c’était assez difficile financièrement d’innover hors des sentiers techno… Comment s’est négocié l’accord avec le 1988 ?

Charles : On l’oublie trop souvent, mais le 88 est géré par deux passionnés de musique. Sylvain et Meryl ont toujours eu cette volonté de diversité. Mais allier les problématiques du Pyms à celles du club est toujours sensible, empêche la créativité et demande en contrepartie beaucoup d’argent. Avec la transition vers le 88 seul, les directives sont différentes et permettent plus de liberté : le club joue un rôle central dans la démocratisation de la culture à Rennes, et permet de développer des scènes différentes. C’est là qu’on intervient !

Pour la première, vous invitez Orgasmic (organisateur des soirées Mains en l’air au Nouveau Casino), soutenu par KCIV et Pura Pura, tout deux djs et membres de Decilab. Les soirées seront-elles toutes sur ce format, avec une forte mise en avant de la scène locale ?

Arthur : On retrouvera à chaque soirée Indigo une tête d’affiche, un artiste local et Pura Pura en résidence chaque mois. L’idée est vraiment d’apporter un line-up cohérent avec un local en adéquation avec la tête d’affiche.

Qu’en est-il du travail de Decilab en tant que collectif ? Est-ce que vous avez vocation à développer de plus en plus votre écurie d’artistes, quitte à constituer une forme de label ?

Charles : Avec les nouvelles soirées au 88 à 5€ ou encore les têtes d’affiche, ou encore les nouvelles assos qui débarquent avec des projets « super  novateurs », la concurrence est rude sur la scène rennaise. À nous, avec Decilab, de nous démarquer dans tout cet environnement et d’apporter une vision nouvelle des soirées, de la fête. La Distillerie #4 sera sûrement la dernière, et la suite des aventures Decilab risque d’être assez spéciale.

Des artistes comme King Doudou (producteur pour PNL) ou l’ensemble de Club Cheval ont réussi à rendre populaires les sons breakés par l’intermédiaire du RnB ou du rap français. D’après vous, pourquoi ces sonorités semblent-elles mettre autant de temps à se développer dans la scène club française ?

Arthur : Je pense qu’en 2017, les gens sont un peu plus ouverts qu’avant, il commence à y avoir plus de monde à écouter et à s’ouvrir à ce genre de musique. Pendant le festival Maintenant par exemple, j’ai fini mon set avec une demi-heure de footwork et tout le monde dansait. Ça m’a vraiment fait plaisir.

Charles : Question de culture d’après moi ! L’environnement, l’éducation, l’entourage, mais aussi l’offre culturelle d’une ville, font qu’on écoute tel ou tel genre de musique. C’est un sujet super vaste et ce serait trop long d’expliquer mon point de vue, mais plein de points sont à prendre en compte.

En entretien avec Ersin Leibowitch pour le livre Passeurs de disques, Guy Cuevas, dj phare des nuits parisiennes des années 1960-1980, confiait : « Le Français, pour le faire réagir, pour le faire danser, il fallait un peu le violenter, le provoquer, parce qu’il est extrêmement timide. Le Français a très peur du ridicule. Il a peur de se lever parce qu’il ne sait pas danser. » Près d’un demi-siècle plus tard, cette phrase serait donc toujours vraie ?

Arthur : Je suis totalement d’accord avec ça. C’est important de commencer son set avec des « tubes » pour pouvoir ensuite les emmener dans des univers plus vastes, provoquer les gens est important car c’est comme ça qu’on peut se différencier et surtout faire en sorte qu’ils se souviennent de la soirée. Il faut savoir oser, mais savoir par la même occasion le faire au bon moment de la soirée !

En septembre dernier, Trax soulignait l’importance de Teki Latex dans le développement de la scène hip-hop électronique en le laissant piloter sa rédaction le temps d’un numéro. Vous avez eu des contacts avec lui ? Teki Latex sera-t-il le futur parrain d’Indigo ?

Arthur : Non, pas de contacts encore, mais on serait hyper fiers de l’inviter à une soirée Indigo. Teki est une réelle influence pour moi dans l’audace qu’il a dans ses mixes, concernant le mélange des genres, l’expérimentation, chose réellement importante pour un dj.

Indigo semble avoir une identité graphique très forte, pouvez-vous nous la décrire ?

Arthur : « Lambouze », c’est le boss, c’est tout.

Lambert : (rires) C’est un prolongement de mon propre travail, avec des couleurs saturées, des textures très plastiques/pop et très organiques en même temps. J’aime également énormément la notion de « style graphique », et je compte en faire se rencontrer plusieurs d’entre eux comme ont pu le faire les peintres Erró, David Salle et Hervé Di Rosa, et que l’on peut retrouver maintenant dans un magazine de mode comme Novembre Magazine.

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Votre directeur artistique, Lambert Duchesne, fait aussi partie de l’Hyperalliance qui travaille sur les visuels de Panteros666, va-t-on enfin assister à un développement de cette scène graphique jusqu’ici restée plutôt confidentielle en province ?

Lambert : Je reste très sceptique là-dessus, la scène en question est très « Internet », le contenu est donc accessible à tous, mais ses acteurs sont très dispersés. On ne s’en réclame pas explicitement, mais clairement, on a conscience qu’il y a quelque chose, des similarités dans ce qui a pu nous influencer, dans les outils que nous utilisons et dans les thématiques que nous traitons. Pour moi, les travaux de Vince McKelvie, de Jesse Kanda, de Kim Laughton, et plus récemment de Sam Rolfes, ont été de grosses fondations de cette scène, et ils proviennent tous des quatre coins du monde.

Dans le communiqué de presse, il est noté que Lambert « n’hésitera pas à éveiller vos cinq sens », ce sera un concert en réalité virtuelle ? En plus de la chaleur des corps, on aura vraiment les odeurs ?

Lambert : Il y aura bien des odeurs ! La notion d’art total (Gesamtkunstwerk) fait partie des choses qui me font le plus fantasmer et je veux tendre vers ça à long terme même si ici, en l’occurrence, l’idée vient de Charles. Ce format de soirées est un bon terrain pour ce genre d’explorations. La réalité virtuelle est un dispositif considérable qui ne sera pas présent sur la première soirée, mais envisagé pour l’avenir !

Charles : L’idée des odeurs vient du numéro spécial de Trax, avec Teki Latex en rédac-chef (encore lui). On n’invente rien, on s’inspire.

Vous qui baignez dans la culture Internet, vous croyez Roman Rappak, le leader de Breton, lorsque parlant de son prochain projet, il affirme : « En 2017, la frontière entre le public et les musiciens est vague. À travers une application, le public manipulera l’album, proposera ses propres sons et contrôlera même les concerts… » ?

Lambert : C’est possible que ce genre de propositions artistiques complémente ce qui se fait, mais ça prendra du temps, et même, je doute que ça remplace l’offre club originelle. Pour faire un parallèle, le jeu vidéo Metal Gear Solid était pionnier dans l’intégration de séquences cinématiques dans les jeux vidéo, et au début les gens détestaient ça parce que la sollicitation est très différente quand vous jouez et êtes « actif » par rapport à quand on regarde une cinématique et que l’on est plus « passif ». Pour ça, je crois plus à la mise en place de ces pratiques dans une offre globale comme on peut le voir dans un festival comme le Lunchmeat, où j’étais convié, avec des stands de réalité virtuelle. Il s’agit toujours d’un point de rencontre entre la créativité des artistes et l’ouverture d’esprit du public.

Charles : Je n’ai pas envie de paraître trop philosophe, mais pour moi, ce que l’on peut comprendre de la proposition de Roman, ce sont ses qualités d’artiste, mais aussi ce qu’il y a de magnifique dans la musique. La musique, c’est une éternelle remise en question, de l’expérimentation, du renouvèlement. C’est échouer pour mieux recommencer, travailler perpétuellement pour proposer toujours des choses différentes qui divertiront, éduqueront, amuseront les gens. C’est là où des gars comme 20syl et son « U » (rampe de skate) ou les travaux de PC Music avec Sophie, QT ou encore Hannah Diamond font avancer les choses, innovent.

Arthur : Perso, je n’ai qu’une hâte : c’est de voir Drake en VR depuis chez moi.

Indigo #1 w/ Orgasmic (Sound Pellegrino)

Samedi 21.01.17 | 00h/06h | 5/7€

Event

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