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Leçon de journalisme par J.C.Satàn

Leçon de journalisme par J.C.Satàn

JC-Satan-manifesto-xxi

Il existe deux types de musiciens et de groupes de musique. Ceux qui ne veulent froisser personne de peur de faire retomber la « hype » qui les entoure et ceux, ayant souvent plus de vécu, qui ont des choses à dire et à vous apprendre. J.C.Satàn, « le meilleur groupe de rock en France » selon les Inrocks, fait partie de cette seconde catégorie. À l’heure du journalisme de communication et du règne des attachés de presse, nous avons rencontré les membres du groupe pour parler avec eux du plébiscite journalistique qui semble entourer le projet.

Manifesto XXI – Votre dernier album recèle plein de pépites pop, pourtant, vous avez une réputation de performeurs un peu violents. Ce serait un défi de les jouer en live, c’est quelque chose que vous pensez faire un jour ?

Dorian : Eh bien tu ne crois pas si bien dire mon gars !

Paula : T’es un peu « veggente » (ndlr : « voyant ») comme on dit en italien !

Romain : En fait on prépare un set qui va s’appeler les « Love Sessions », et on va le jouer pour la première fois fin août au Baleapop et puis après on le jouera à Paris sur quelques autres dates, en octobre pour une soirée Gonzaï et puis aussi pour la sortie de l’album des Limiñanas à Perpignan.

Arthur : En gros le principe c’est que tous les morceaux des albums qu’on ne pouvait pas jouer en live, toutes les ballades, des chansons d’amour et les morceaux pop un peu tranquilles qu’on ne joue pas trop, on va tous les faire avec moins de matos. Ce ne sera pas acoustique, ça reste électrique et il y aura du son, mais on joue des chansons encore jamais vues sur scène.

Manifesto XXI – Ça n’est pas pesant parfois de toujours passer pour des bourrins alors que vous avez comme tout le monde de doux petits cœurs fragiles ?

Arthur : Non, parce que bientôt on va les envelopper de coton et d’amour, les gens verront bien, on fait ce qu’on veut ! Et puis bon le côté bourrin, on aime ça à la base. Si on nous traite de performeurs brutaux, on a réussi ce que l’on voulait faire donc on ne va pas s’en plaindre. Clairement on ne fait pas d’efforts pour avoir l’air plus tendres.

Paula : Mais quand même un jour il faudrait faire une reprise de All By Myself de Céline Dion ! (Elle chante) « Aaaall byyy myyself »…

Romain : Ouais, moi je veux bien essayer !

Paula : Mais alors avec une énorme ligne de basse à la AC/DC.

Dorian : Oulà, bon bah tu es témoin d’un truc qui n’arrivera sûrement jamais mais on verra bien !

Manifesto XXI – Vous avez des influences très diverses, à l’écoute de vos albums on passe du noise au psyché ou même par les ballades pop dont nous venons de parler. Quel est le fil conducteur de votre travail ?

Arthur : Ta question est un peu mal posée je trouve, il n’y en a pas justement. À partir du moment où tu trouves énormément d’influences chez un groupe c’est qu’il n’y en a en fait plus tant que ça. Nous on fait du rock hyper basique, dans le rock de base il y a tout. Commencer à déterminer chaque type de musique c’est commencer à réduire le rock à quelque chose de moins riche. Je ne pense pas qu’il faille donner des noms à tout. Les influences ça existe, mais c’est réducteur. Par contre on peut dire d’un groupe qui aurait une qualité intrinsèque comme d’être violent qu’il est « noise », mais au final, ça reste un groupe de rock. Ou même de pop, tous les groupes font de la pop, bourrine, sage, de grosse fillette, de merde ou de super bonne qualité. Nous notre principe c’est juste d’essayer de faire des bons morceaux.

Dorian : On est hyper lambda en fait.

Manifesto XXI – Votre imagerie est assez variée. Si on se balade par exemple sur votre site on croise des mèmes, des trucs un peu pop mais aussi des visuels peut-être plus inspirés par l’univers du punk, voire du skate… Comment fait-on un bon visuel pour J.C.Satàn ?

Romain : Skate pas tout à fait, mais Arthur a fait du roller !

(rire général)

Arthur : Bah si, t’as pas vu ma photo où je fais un ollie en skate ? Pour l’histoire des visuels c’est assez simple. Paula nous dit « On a qu’à faire ça », on répond quatre cents mails de « oui », « non », « je sais pas », « peut-être » et à la fin on fait le premier truc qu’elle avait dit.

Romain : D’ailleurs vous avez vu le visuel des Love Sessions ? C’est un petit chien qui saute et qui essaye d’attraper une capote. Il a un collier avec le logo Love Sessions et il y a des cœurs au lieu des triangles du logo J.C.Satàn.

Paula : C’est vraiment mimi !

Arthur : Le mec qui le fait c’est Havec, un dessinateur de Bordeaux qui est hyper drôle, vraiment démentiel. D’ailleurs, j’ai fait un de ses dessins en tatouage à un pote. C’est la forme de la Martinique avec marqué « Rhum membré ».

Dorian : C’est complètement con…

JC Satan - Havec

Manifesto XXI – Récemment le leader/compositeur de Metronomy a sorti un album quasi exclusivement produit par lui seul, sur ordinateur. Il n’y aura pas de tournée live sur ce nouvel album. Arthur, tu te verrais abandonner le groupe, tout faire seul et partir en tournée en dj set sous le nom de J.C.Satàn ?

Paula : Le fils de pute !

Arthur : Non en vrai non, habituellement je ne travaille pas en solo. J.C.Satàn c’est le premier groupe dans lequel j’écris des morceaux en solo et je pense que c’est le seul dans lequel je le ferai vraiment. Pour J.C.Satàn c’est juste que ça a commencé comme ça, et j’arrive pas à faire autrement.

Romain : Non mais surtout ça n’arrivera jamais parce que tu détestes les dj sets !

Arthur : Ah oui pour moi la musique c’est chez moi, dans ma chambre pour faire chier les voisins et ça va pas plus loin. D’autant plus que la façon dont j’écris moi et la manière dont on joue en live, ça n’a rien à voir. C’est vraiment les répétitions qui permettent d’arranger les morceaux et que tout le monde se les approprie. Pour moi c’est génial parce que j’arrive à faire des trucs que j’aurais pas pu faire avant. Mon plaisir premier c’est pas forcément d’écrire, c’est de jouer.

Après quoi qu’il arrive j’écrirai des morceaux toute ma vie, que ce soit pour un groupe ou pas, je continuerai à le faire. Là par exemple, j’ai deux trois morceaux assez pop que j’aimerais bien sortir sur un label mais je veux pas monter un groupe pour ça, je veux juste qu’ils sortent parce que ça me fait chier d’avoir des morceaux que j’aime bien dans un ordi. J’ai envie qu’ils sortent et comme ça c’est fini, je peux passer à autre chose et je n’y pense plus.

Manifesto XXI – J’ai entendu dire que vous aviez eu quelques galères pour sortir l’album. Par ailleurs, les temps sont un peu durs pour le rock en général. Ça se passe comment quand on est le meilleur groupe de France selon les Inrocks ?

Romain : T’as vu combien il y a de meilleurs groupes de France dans les Inrocks ?

Arthur : En fait il paraît qu’on est le « meilleur groupe de rock en France » et on les remercie d’avoir dit le meilleur groupe de rock « en France », parce que le rock français c’est à chier par terre et qu’être un groupe de rock en France c’est dur. Il n’y en a pas tant que ça et pour ça c’était cool.

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Pour le reste on est pas le meilleur groupe de rock en France et surtout on en a rien à battre. Et puis on va pas se fier aux Inrocks, ils parlent de la vie de Nabilla juste en face de ton article. On va reposer le débat là où il devrait être, sur un coussin douillet. La presse rock en France elle a pratiquement disparu. C’est un journaliste des Inrocks qui a peu d’influence, qui se tape les articles de trois lignes sur les groupes de garage qui a écrit ça.

On a des potes chez The Drone, Gonzaï, Noisey, des tas de trucs indés, mais il faut comprendre qu’au-delà du travail qu’ils font qui est très cool, il y a souvent un journaliste qui écrit sur ce genre de groupes, dans trois magazines différents. On a l’impression d’un plébiscite de la presse mais pas du tout. Cette personne-là, elle est réglo, c’est chouette, mais où est la liberté de ton de la presse si c’est les mêmes qui écrivent dans trois magazines censés avoir trois lignes éditoriales différentes ? Après merci à eux, ils ont aidé un label indé qui sort des bon disques et des groupes qui essaient en tout cas de faire pareil. Ça c’est cool, mais niveau objectivité on repassera. Il n’y a pas de vrai plébiscite de la presse.

Romain : Oui, il faut savoir comment ça marche, quand tu sors sur Born Bad, ils ont un attaché de presse qui est là pour te placer dans des trucs quand tu sors ton album. C’est pas les journalistes qui viennent te chercher genre « Ah j’ai trop kiffé ton groupe ». Ça n’existe plus ça, il faut que les gens s’en rendent compte de ça. Les journalistes n’aiment pas les groupes dont ils parlent. C’est pas vrai, c’est de la communication, de la putain de pub.

Paula : Après c’est arrivé qu’il y ait des gens qui disent qu’ils n’aiment pas le groupe donc je me dis que ce n’est pas complètement faux.

Arthur : Dans Gonzaï il y a un mec qu’on connaît qui a écrit pour dire que l’album n’était pas bon, c’est réglo, ça fait du bien. Mais on peut pas comparer Gonzaï avec Télérama ou les Inrocks.

En fait il faudrait que les gens arrêtent de lire la presse généraliste musicale. Qu’ils lisent la presse indé pour découvrir des groupes. C’est citer des groupes qui permet la découverte. Pour le reste les gens doivent juger par eux-mêmes en se déplaçant dans les concerts. Il faut continuer à acheter les magazines indés, mais l’avis d’un magazine sur un groupe ça compte plus vraiment, l’important c’est qu’ils les citent pour que chacun puisse se faire son opinion.

Manifesto XXI – L’actualité est un peu chargée en ce moment. Il y a pas mal de gens qui répètent chaque jour que le monde part un peu plus en couille. En tant que trompettistes de l’enfer, et prophètes de l’apocalypse vous en pensez quoi vous ?

Arthur : En fait on est les prophètes du fun. On veut l’apocalypse du cool. On a affaire à des bigots de tous bords là, l’apocalypse c’est eux, ils amènent la douleur, la peine ! Nous, si on devait l’apporter, mais mec vivement la fin du monde parce qu’elle va être géniale ! Le bonheur tel qu’il est amené par n’importe quelle religion ou n’importe quel taré, qu’il soit catholique ou de tout bord, c’est de la solitude, du désarroi et de la merde en boîte. Ok. Nous on amène une apocalypse douce qui va s’insinuer très lentement mais au moins ils vont bien se marrer, ils vont baiser, ça fera naître des générations qui renieront les religions !

Manifesto XXI – Pour finir, tout le monde donne son avis qui n’intéresse personne sur Pokémon Go. C’est quoi le vôtre ?

Arthur : Pour moi c’est plus efficace que n’importe quel massacre de masse, tous les gens qui vont tomber d’une falaise en jouant avec leur téléphone, ils servaient vraiment à rien.

Paula : L’autre jour j’envoyais un texto et je me suis pris un arbre, et un vieux, mais un vieux quoi, soixante ans au moins, m’a crié « Il faut pas chasser pendant que tu marches ! ». Moi je comprenais pas de quoi il parlait, j’étais en train d’envoyer mon texto.

Dorian : Dans le principe je trouve ça rigolo mais j’y jouerai pas.

Romain : Pour l’instant c’est naze on peut même pas se battre !

Paula : Apparemment les sous dépensés pour les Pokémons c’est proche de ceux qui pourraient annihiler la faim dans le monde alors il faudrait faire des sandwichs de Pikachu !

Arthur : T’avais pas une question plus relou ?

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