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« Jamais sans la nuit » : l’album des métaphores nocturnes de Blondino

« Jamais sans la nuit » : l’album des métaphores nocturnes de Blondino

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Il y a un an, nous avions rencontré la poétique Blondino à l’occasion de la sortie de son premier EP. Nous l’avons retrouvée au Café de l’Industrie pour discuter de son premier album, Jamais sans la nuit.

Manifesto XXI – Que veut dire ce titre, Jamais sans la nuit ? Tu es un animal nocturne ?

Blondino : Oui, c’est vrai, j’ai une fascination pour la nuit. Pour moi, ce n’est pas du tout quelque chose de sombre. Je pense que c’est pour moi un moment de calme, de silence, un moment propice à la composition. Je m’y sens bien en fait, je pense que j’ai besoin de ces moments de solitude la nuit. J’aime beaucoup sortir aussi. En fait, j’aime les couleurs de la nuit.

C’est un album qui est très ancré dans le temps mais aussi dans l’espace (« Les lumières de la ville », « Nos territoires »…). Qu’est-ce qui t’a amenée à ça ?

« Nos territoires » est une métaphore finalement, c’est l’enveloppe corporelle. Je pense que mes chansons sont le fruit d’expériences de ces dernières années, de réflexions aussi sur mon rapport au monde. Donc je pense que ce n’est pas conscient de l’ancrer.

Tes chansons célèbrent donc aussi d’autres villes que Paris ?

Oui, tout à fait. Même « Les lumières de la ville » ! J’adore les villes la nuit, leur éclairage, même s’il est artificiel. Et en fait, cette chanson vient de Los Angeles : j’y suis allée et quelques années après, cette chanson est arrivée avec les souvenirs.

La nuit a-t-elle une couleur pour toi ?

Je crois que c’est le noir, oui. En tout cas, j’adore la profondeur du noir. C’est pour cela qu’il y a une référence à Pierre Soulages et à l’outre-noir dans « Les lumières de la ville ». C’est une manière de parler de l’art de la beauté, je trouve que c’est une couleur très vivante.

Quelle est l’histoire de la réalisation du clip de « Bleu », qui n’a rien à voir avec la couleur annoncée ?  

Je n’aime pas trop illustrer les choses littéralement. J’ai eu la chance de travailler avec les deux mêmes personnes sur mes deux derniers clips, et j’aime parce qu’on reste dans le symbolisme. Je n’ai pas envie de donner toutes les clés. J’ai envie que celui qui écoute la chanson ou regarde le clip soit happé par quelque chose, qu’il le trouve beau mais qu’il puisse faire sa propre interprétation. Je n’ai pas envie de gâcher ça. Dans « Bleu », le performer, par ses gestes, va symboliser l’état dans lequel se trouve le personnage de ma chanson.

D’ailleurs, le clip pour  « Les lumières de la ville » me semble être très aquatique. C’est le cas ?

Ah mais oui, c’est complètement aquatique ! On cherchait à mettre du son en images sans que ce soit trop littéral, donc on a filmé un aquarium qu’on a ensuite projeté sur moi. Ça rejoint le côté contemplatif de la nuit.

Tu nous parles de symbolisme et c’est vrai que ton univers est très écrit, très littéraire. Dirais-tu que tu fais de la poésie plus que des chansons ?

Je n’irai quand même pas jusque-là, non. J’ai un attachement à la métaphore, tout simplement. J’aime raconter des histoires avec des images fortes, courtes parfois. Je trouve que la métaphore a vraiment un pouvoir. C’est comme un labyrinthe avec de multiples possibilités de sortie, je trouve ça fascinant pour celui qui écoute. Finalement, il se crée lui-même sa propre interprétation, ses propres images.

Comment fais-tu pour laisser cette part d’imaginaire dans ton écriture ? Tu exclues tes écrits les plus concrets ou tu les conceptualises ?

L’idée de base est très concrète, c’est la manière de la raconter qui est très imagée. C’est une espèce de quête d’abstraction.

La chanson « De verre » saisit un peu par rapport aux autres titres de l’album. Ta voix est très différente, c’est celle dans laquelle on sent le plus de tension. Que peux-tu nous en dire ?

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Oui, c’est le cas ; même dans l’arrangement, il y a cette tension. Tout simplement, ça parle de la fragilité humaine.

Après l’écoute, un mot vient facilement à l’esprit pour caractériser ta musique : mélancolique. Est-ce que cela te correspond, de définir ta musique ainsi ?

Je n’ai pas forcément conscience de n’être « que » mélancolique. Dans l’écriture des chansons, oui, je passe par une phase de sentiments assez larges dont la mélancolie, mais pas uniquement. Surtout que je suis quelqu’un d’assez optimiste dans la vie de tous les jours ! Mais c’est vrai que quand je chante, c’est ça qui ressort.

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Blondino © Dorothée Murail et Twice

Ta façon de poser ta voix est très éthérée, c’est pour cela que « De verre » dénote autant.  Tu ne t’interdis pas d’explorer d’autres registres, d’autres voies ?

Pas du tout, je n’ai pas l’impression d’être enfermée parce qu’il y a beaucoup de lyrisme dans mes chansons. J’ai un rapport au chant qui est vraiment sincère, je ne triche pas. J’essaie d’être le plus juste possible donc je trouve que c’est cohérent avec ce que je raconte. C’est mon premier album, on verra ensuite !

Il y a un an, on parlait déjà d’un renouveau de la pop française qui se dessinait. Tu te sens portée par ça ? 

C’est vrai que j’aime bien savoir ce qui se passe en ce moment, sentir qu’on a une scène bouillonnante, féminine surtout ! Je trouve ça vraiment très intéressant de voir qu’on est toutes différentes. C’est très riche ; après, je connais surtout Cléa Vincent et Juliette Armanet, moins les autres… On sera peut-être amenées à se rencontrer. En tout cas, j’écoute ce qu’elles font, et je trouve ça super.

Comment perçois-tu ce que vous, ce groupe de filles, amenez à la scène musicale ? Pourquoi ce renouveau vient-il de filles ?

Je ne sais pas trop… C’est presque un hasard. On verra, on pourra peut-être en parler dans quelques années. (rires)

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