Espaces alternatifs, artist-run spaces, squats ou friches d’artistes… Ça vous évoque quelque chose ? Voilà des lieux culturels engagés qui font de plus en plus parler, nous les premiers ! Cet été, on en présente un par semaine : une sélection très subjective, très parisienne et absolument pas exhaustive pour vous donner envie de partir à la découverte des autres…
#7/10 : La Capela
La Capela est un squat artistique ouvert à La Chapelle il y a un an. Ancien supermarché, le bâtiment se compose d’une unique salle polyvalente. Il ne loge pas d’ateliers, il n’est pas majoritairement géré par des artistes : il est uniquement dédié aux événements. Entre expositions, théâtre, projections, concerts ou salons alternatifs, à La Capela on s’engage pour la création sous toutes ses formes avec une programmation superbe ! Un lieu unique, engagé et en procédure judiciaire comme tant d’autres squats parisiens.
Cette semaine, petit entretien avec l’une des fondatrices et retour sur l’histoire du lieu…
Andreea Macea : Aujourd’hui, nous sommes à une étape de transition pour l’avenir de La Capela. Le lieu est occupé depuis juillet 2016 et nous sommes trois seulement à le faire vivre et à y travailler. Lorsque nous sommes arrivés, il n’était pas occupé depuis longtemps et il était dans un état déplorable. Nous avons donc fait de nombreux travaux pour le remettre en état, entre autres sur le plafond qui s’écroulait, et nous avons ouvert le 20 septembre dernier. Depuis, la programmation a été très riche : dix-huit événements entre septembre et fin décembre 2016, trois événements par semaine environ en 2017, et différents partenariats avec des associations, des collectifs… et aussi des projets proposés par les voisins ! Dans notre quartier, on apporte quelque chose à part parce qu’il n’y a presque aucun lieu pour l’art et la création.
Vous n’êtes pas ouverts depuis longtemps mais vous avez une programmation très dense dont beaucoup de projets proposés par des personnes extérieures, en fin de compte ?
Parce que dès l’ouverture des portes et la première exposition, beaucoup de personnes sont venues nous faire des propositions de projets, exposition, théâtre, cinéma etc… À Paris, il y a un manque d’espace considérable. Le marché de l’art est difficile à intégrer. Beaucoup de galeries sont devenues des agences immobilières qui louent leurs espaces ou réclament des commissions. Donc, pour les jeunes artistes qui veulent exposer de leur propre initiative et présenter leur travail sans trop de frais, ils n’ont pas beaucoup de possibilités dans les circuits officiels en dehors de leurs écoles. Mais l’expérience n’est pas la même quand tu exposes dans ton école ou à l’extérieur ! La Capela permet de contourner ça. On ne demande ni loyer ni commission. C’est encore rare comme lieu à Paris et pourtant c’est nécessaire. Toutes les propositions d’événements qu’on nous apporte montrent bien que c’est un manque important.
Malheureusement, le bâtiment appartenait à un propriétaire privé qui a entamé une procédure judiciaire six mois après notre arrivée, et en mai dernier nous avons reçu un avis d’expulsion sans préavis… Cependant, il a été récemment acheté par la mairie de Paris, et La Capela est important pour le quartier. Nous avons de plus en plus de voisins qui nous soutiennent, qui viennent régulièrement, qui souhaitent voir le lieu se pérenniser. Donc, nous avons effectué des démarches envers la mairie et nous avons eu différents échanges avec les responsables à la culture, au développement social et au développement durable. Le maire connaît le dossier, il semble qu’il soit charmé par le projet, et nous espérons qu’il interviendra et nous permettra de rester et de continuer notre travail le plus longtemps possible.
En attendant, nous ne pouvons pas accepter de projets à long terme, mais nous en avons plusieurs en attente pour la rentrée en septembre. Tant que nous restons, nous serons ouverts, et nous organiserons des événements !
Et le financement ?
Le lieu est financé entièrement grâce au bar associatif. Un squat n’implique pas beaucoup de dépenses, et il existe tout un monde parallèle, dont font partie les squats, qui permet de contourner le système marchand grâce à la récup, les ressourceries, le recyclage… Le problème à Paris ce sont les loyers, mais sinon on peut presque tout réaliser sans argent. Contourner le système marchand, c’est aussi contester un monde qui fonctionne sur la finance et dans lequel on ne peut pas vivre comme on le souhaite. C’est de la politique.
Qu’attendez-vous concrètement comme action de la mairie ?
La mairie achète pour construire des logements sociaux sur le terrain. Ce que nous souhaitons, c’est donc obtenir l’autorisation de rester sur place jusqu’au début des travaux, ce qui peut durer entre 6 mois et 2 ans à partir de la vente.
À long terme, nous souhaitons autant que possible être relogés. Ce n’est pas si rare, plusieurs squats culturels et artistiques ont été relogés par la mairie de Paris. C’est le cas de Jour & Nuit Culture par exemple, qui est le premier squat que j’ai connu lorsqu’il a ouvert dans le 15ème en 2010, et qui se trouve maintenant relogé au centre de Paris. Les débuts sont les plus difficiles, mais nous avons su prouver que nous pouvons avoir une programmation de qualité, un public régulier, et nous sommes très liés au quartier donc nous souhaitons continuer !
Signez leur pétition en ligne pour Soutenir La Capela avec nous – La Capela, 20 rue Phillipe de Girard 75010 Paris, ouvert lors des événements ou sur RDV : il y a toujours quelqu’un sur place.
Série « Artist-run » :
Artist-run #1/10 : La Villa Belleville
Artist-run #2/10 : Le Shakirail
Artist-run #3/10 : Le Wonder/Liebert
Artist-run #8/10 : La Gare Expérimentale