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70-80’S French New Wave – Pourquoi ne pas faire saigner un peu vos oreilles ?

70-80’S French New Wave – Pourquoi ne pas faire saigner un peu vos oreilles ?

Il y a deux ans, sur la ligne 9 du métro parisien une jeune fille se tenait devant moi, un casque audio sur la tête. Les cheveux courts, vêtue d’un vieux jeans taille haute, un tee-shirt deux fois trop grand pour elle, rentré dans son pantalon et un tote bag. S’offrait devant moi l’archétype même du hipster actuel. Sur ce sac en toile était inscrit en lettres capitales « KRAFTWERK ». Je me questionnais alors sur la signification de ce mot imprononçable au premier essai.

Après quelques recherches, je compris que ce groupe allemand créé en 1970 avait été prépondérant (au même titre que Jean-Michel Jarre ou François de Roubaix) dans les mouvements de musiques électroniques qui allaient naître en Europe quelques années plus tard à savoir la synth pop, coldwave, synth wave…

Pendant un an, j’ai arpenté Youtube et les nombreuses plates-formes musicales à la recherche de ces vieux morceaux aux sonorités minimalistes et répétitives principalement français. Quelques-uns ont échappé à l’oubli tel que Jacno. D’autres sortent de la poussière pour réapparaître quelques dizaines d’années plus tard comme s’ils n’avaient jamais existé. J’entrepris alors, une écoute passionnée et frénétique de tout ce pan de la musique électronique resté pour la plupart bizarre et impopulaire.

 « Jacno ? C’est qui ? »

Ce qui m’intéresse particulièrement, ce n’est pas Jacno mais plutôt ces musiciens également français de l’époque qui n’eurent qu’une très courte carrière voire aucune carrière. Nous pourrions citer Trisomie 21, Comix, Mathématiques modernes, Cha Cha Guitri, Bernard Fèvre ou encore Ruth, etc. Ces morceaux parfois kitsch, parfois absurdes, parfois provocateurs, souvent expérimentaux et surréalistes. Et pourtant, nous avons beau nous moquer de cette certaine musique électronique, les jeunes groupes contemporains en France en sont particulièrement influencés comme Perez, Grand Blanc, Juliette Armanet ou The Pirouettes. Il ne s’agit peut-être que d’une certaine mouvance éphémère, mais ce qui est certain, c’est que la musique tout comme la mode forment des cycles. Où en sommes-nous vraiment d’un point de vue musical ? Vaste question à laquelle je ne saurais répondre, mais la musique électronique est devenue un genre majeur que tout le monde écoute, sans même parfois s’en rendre compte. Les sons électroniques se mêlent à longueur de temps aux instruments classiques et traversent les genres musicaux. Comme dans beaucoup d’arts, la musique n’a de cesse de se répéter et de s’influencer en attendant une révolution significative.

« J’aurais dû faire de la musique électronique en cours de techno. »

J’ai tendance à penser que ces groupes électroniques ont été une zone d’expérience sonore. Pierre Henry et Pierre Schaeffer avaient entamé dès les années 50 des travaux en profondeur sur l’expérimentation sonore électroacoustique aussi appelée musique concrète que l’électronique des années 70 et 80 a perpétuée. Lorsque j’écoute ces musiques, j’entends le travail, la recherche, le bricolage pour créer ces sons. De nos jours, on pourrait dire de certains de ces musiciens qu’ils sont expérimentaux ou avant-gardistes comme par exemple Philippe Laurent.

« Touche pas mon sexe, petite fille dévergondée »

D’autres diront que ces musiques des années 80 sont tout simplement ringardes à l’instar du nanar au cinéma. Celles-ci sont conçues sans se prendre au sérieux (je l’espère) et le lâcher-prise  y est total. Je pense que ces musiques sont là pour créer de l’absurde et se moquer ouvertement de la musique populaire de cette époque. Chez Telex (Belgique) ou Comix, on parle de sexe ouvertement, on se lâche en images, et le masochisme ne fait pas peur. Il y a bien sûr majoritairement une volonté de provocation assumée.

La forme même de ces morceaux peut être perçue à l’époque comme une provocation à travers les redondances, les sons répétitifs et synthétiques. Était-ce vraiment perçu comme de la vraie musique ? La machine était-elle considérée comme un instrument ?

 R2D2 vs C3PO

Lors des expérimentations sonores électroacoustiques, non. Mais peu à peu, les sons électroniques ont pris place dans la musique populaire avec l’apparition de nouveaux outils comme le synthétiseur numérique, les sampleurs, les échantillonneurs ou encore le vocoder. Ce dernier avait notamment été utilisé à plusieurs reprises par Telex ou Jean-Michel Jarre.

Daft Punk n’ont donc rien inventé.

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Déjà à cette époque, le lien étroit entre l’homme et la machine était présent dans la mise en scène et à travers l’image. Qu’il s’agisse de mouvements robotiques, de casques sur la tête, de lumières étranges ou de noms en lien avec la machine, la plupart de ces musiciens entretenait déjà une part science-fictionnelle à travers leurs créations.

Bric-à-brac + chic et choc

Avouons-le, même si certains peuvent tout de même adorer ce genre de musique, tout comme moi, est-ce vraiment de la bonne musique ? Il y a de la recherche sonore, mais en ce qui concerne les mélodies et les paroles, souvent rien de très poussé. J’en viens à me demander si l’on peut mêler la notion de beau avec tout ce bazar disgracieux. Quoi qu’il en soit, cette époque de la musique électronique ne relève pas moins d’une forme hybride et audacieuse dont la majorité de ses artistes restent malheureusement méconnus.

Je vous laisse faire saigner vos oreilles avec ces quelques autres morceaux french-eighteens-rétro-kitch.

https://www.youtube.com/watch?v=0RHVy5jj2B4

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